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2 juillet 2011 6 02 /07 /juillet /2011 15:56

                            Quand la route nous amène à rencontrer….

 

                                        

                              Rien concernant cette soirée du 23 juillet n’était prévu ni prévisible quant à son originalité, à la surprise de croiser sur notre route un tel endroit. Qui parmi nous aurait misé sur la probabilité de se voir accueilli dans une maison comme celle là, un asile pour hommes en quête de repos et de paix. Des Anciens pour la plupart qui ont trouvé là un foyer, une ambiance chaleureuse où échanger sur leur passé devient le discours de leur quotidien.

       Après le repas, après les discussions, après avoir bu les pintes qui nous furent offertes, la plupart d’entre n’ont pas eu envie d’aller monter leur toile de tente. Je ne me rappelle plus si des chambres nous furent proposées, toujours est-il, que ce soir là je dormis dans un bon lit.

       Hubert dit se souvenir que Bernard, Pierrot et Gérard sont allés camper sur les bords d’une petite rivière qui passait tout près de là. Ils auraient ressorti cette histoire de serment, celui du cyclo-campeur refusant tout compromis que nous aurions tenu lors de l’élaboration de notre projet et que nous allions parjurer une nouvelle fois en contrevenant à la sacrosainte règle !!!.

       Ma nuit, malgré le relatif confort du lieu ne fut pas celle des longs fleuves tranquilles. En effet, dès allongé et durant un bon bout de temps, j’eus l’impression d’avoir un Pic-vert à l’intérieur de mon crane, et qui de son bec cognait sur mon cerveau pour en chasser je ne sais quel démon !

                                                                                   

       Habituellement prudent, sans toutefois cracher sur ce qui est bon à boire, hier soir, j’en suis conscient, je me suis laissé aller à des abus que je paie dès les premiers kilomètres sur une route pourtant sans difficulté. Mes jambes ne tournent pas comme à l’ordinaire. Elles s’opposent à cet automatisme qui avait fait d’elles et jusqu’à ce matin, une mécanique bien huilée apportant à mon 650 Valéro la force motrice qui faisait de ma randonneuse une routière fière de son cavalier. Le souffle reste court. Il n’est pas celui des bons jours et l’entrain manque d’allure. Les gouttes de sueur qui perlent sur mon front ne sont pas celles venant témoigner d’un rendement flatteur. Elles n’ont pas gout de sel comme à l’habitude, mais celui de l’excès qui en rend la moiteur pénible.

       A présent la route qui s’étale devant nous est devenue confortable pour nos fessiers. Un vrai régal. Il faut dire que celles rencontrées en montagne n’ont pas épargné notre séant. Les kilomètres de tape-cul endurés dans le Giau et dans le Ciampigotto ont, entre autres parties sensibles, laissé des traces au niveau de nos lombaires. Fort heureusement la suite s’annonce plus humaine, l’essentiel de ce qui nous reste à faire devant se trouver, en principe, en fond de vallée et en plaine.

       La route descend. La suée prise dès le départ semble avoir eu raison du reliquat de libation qui parasitait mon métabolisme. Un petit air frais finit de sécher une peau dont les pores rejettent les dernières vapeurs d’alcool. Je suis redevenu un être fréquentable. Je suis à nouveau bien dans mes chaussures et le train est devenu celui du randonneur désirant en découdre avec le chemin qu’il lui reste à parcourir.

       A l’occasion de ce laps de temps, celui qu’il me fallu pour récupérer un peu de ma forme me fait toucher du doigt qu’en pareille circonstance et au cours d’une épreuve de ce type, un écart de tenue à table peut mettre en difficulté tout cyclo même bien préparé. L’incident est clos, mais je sais qu’il me servira de leçon pour l’avenir.

       Nous traversons depuis le début de l'après midi de jolies villages de moyenne montagne. Nous entrons dans Le Frioul. La route longe de grandes étendues d’herbe à fourrage et des champs de maïs. Ici la vie paysanne reste celle des temps anciens. Dans les alpages, le travail se fait à la faux ou avec des motofaucheuses archaïques. Le foin est ratissé à la main par des femmes grâce à de grands râteaux de fabrication artisanale puis sanglé sur un traineau en bois tiré par des vaches attelées à un d’un joug qui leur tenaille la tête. Ces scènes me rappellent une partie de ma jeunesse passée sur le plateau ardéchois fin des années quarante vers la Croix de Bauzon et Saint-Cirgues-en-montagne. Certaines fermes, là, également, sont recouvertes d’un toit fait avec des genets. De petits chalets, abris occasionnels, s’éparpillent dans la campagne marquant pour chacun d’eux une propriété différente.

       La contrée reste marquée par le terrible tremblement de terre survenue le 6 Mai 1976 et qui fit dans la région de Gémola Del Friuli, épicentre de la secousse, un millier de victimes et 45000 sans abris. Les maisons de village, les monuments, les habitations des campagnes gardent encore visibles les stigmates du séisme. A en juger par la fraîcheur des travaux, des tronçons de route viennent seulement d’être rétablis sur leur itinéraire original.

       Dans la descente de Val Pésarina, au milieu de la place d’un hameau, une tour, qui fut peut être un clocher de chapelle, s’est prise d’un mimétisme dangereux pour son équilibre. Bien plus modeste que celle de Pise, elle a tout de même attiré notre attention par son côté insolite!    

 

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       Au loin, mais très loin déjà, les derniers sommets aux chapeaux que le ciel reblanchie régulièrement même en été ne sont plus que des silhouettes aux contours imprécis. Mes souvenirs vécus parmi eux se forgent pour que je n’en perde pas la fraîcheur. Subitement je me sens pris de tristesse à l’idée que peut être jamais plus je n’aurai le privilège de les côtoyer à nouveau. Il y a bien ce projet évoqué avec Pierrot d’y amener nos familles pour les vacances prochaines, mais rien n’est encore sur et encore faut-il que nos épouses et nos enfants partagent notre enthousiasme pour ce monde qui ne leur est pas familier.

       A défaut de grands cols, l’étape nous réserve encore des surprises. Une succession de bosses nous rappellent que les plages de Trieste seront pour plus tard. Nous ne sommes plus qu’à quelques centaines de mètres d’altitude et la chaleur se fait écrasante. Sous cette canicule, les rempillons deviennent des murs.

       Entre Zuglio et Tolmezzo, le Sieur Rossini, qui je le rappelle est l’organisateur du raid, a placé un dernier obstacle pour que l’on se souvienne de lui !!!. Une petite route dont le tracé sur la carte apparaît en pointillé nous indique La Sella Macilie.

       Deux petits vieux assis sous un figuier nous regardent nous engager sur ce semblant de chaussée. Je les entends murmurer je ne sais quel propos. Ils se demandent sans doute si nous ne sommes pas fous pour prendre une direction qui, pour les étrangers que nous sommes est censée conduire vers nulle part. Aucun panneau en effet n’en signale une destination pour un quelconque lieu.

       Le goudron ou ce qu’il en reste a laissé place à des espaces herbeux et à de  nombreux nids de poule. La difficulté de la pente me surprend au point de devoir utiliser mes braquets de haute montagne. Pas étonnant après avoir revu la ‘’Michelin’’,trois chevrons y sont mentionnés, ce qui situe la dénivelée au dessus des dix pour cent.

       De tels efforts pour gravir le Stelvio ou tout autre grand col sont stimulés par la réputation de l’épreuve. Là, la motivation faisant défaut, je dûs faire appel à un orgueil peu louable pour ne pas poser le pied devant ce qui n’était qu’un insignifiant monticule au regard des montagnes que j’ai grimpé depuis Thonon.

       Le mental, quel allié précieux et secourable dans les moments où le physique menace de vous abandonner, de vous jeter en pâture à la face des camarades qui se veulent fringants!     

 

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    La providence d’une fontaine en bord de chemin vient à mon secours alors que je suis à bout de force. Trainant en queue de peleton, c’est au bout d’une petite ligne droite que je vois un attroupement s’agiter autour d’un point d’eau. Comme le font souvent les gamins en été, mes compagnons s’arrosent copieusement avec pour spectateurs quelques personnes assises devant leur maison et que leurs jeux semblent amuser.

       Quel réconfort que la fraîcheur du lieu et celui de savoir que je ne suis pas le seul à être ‘’cuit’’. Car tout gentil qu’ils soient, à les voir à moitié dévêtus et assoiffés, je peux légitimement penser qu’ils ne sont pas là uniquement pour m’attendre, mais bien pour se refaire la cerise, se ‘’repomper’’.

       Il nous est indiqué par les habitants du hameau, sans toutefois tomber d’accord entre eux sur une distance précise, qu’il reste encore trois ou quatre, peut être cinq kilomètres pour atteindre le sommet.

       La chaleur est lourde. Des brigades de mouches à vaches suivent notre lente progression vers l’une de ces hauteurs qui nous parait être le terme de l’ascension. Pas facile de garder, entouré d’un essaim de bestioles prêtent à se laisser avaler, le contrôle de sa respiration que l’effort accélère. Désagréable est un doux euphémisme au regard du danger que cela peut représenter et au dégout de savoir son visage recouvert de ces insectes vivants sur des animaux de fermes que l’on imagine crottés !!! .

       Un’’ merde’’ sonore nous sort de notre torpeur. Hubert vient subitement de se rendre compte que le soleil lui brule les yeux et qu’il a du mal à éviter les trous qui ornent le chemin. Un second ‘’merde de merde’’ nous fait savoir qu’il a oublié ses lunettes solaires et qui de plus lui servent à corriger un problème de vue. A vouloir faire le fou, il a omis de les récupérer alors qu’il les avait posée sur le chapeau de la fontaine qui se trouve à présent deux kilomètres plus bas. Bernard, qui par miracle ne parait pas en ce jour souffrir de la chaleur, n’a pas entendu les manifestations de dépit de son ami. Il caracolait à quelques longueurs d’avance et semblait déjà parti pour faire honneur à son maillot à pois qu’il avait pourtant définitivement gagné lors des ascensions précédentes.

 

 

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Exeptionnel: Hubert (devant en danseuse!), sans ses lunettes.... 

 

       Je ne sais plus qui a accompagné l’étourdi dans son aller-retour vers cette fontaine qui ne se voulait plus providentielle, car l’obligeant à devoir remonter une seconde fois une portion de route difficile. Pour ma part, et n’ayant pas été sollicité pour faire demi-tour, c’est à ma main et avec les ressources qui me restaient que je rejoignis Bernard. Content de lui, le regard fixant le dernier tronçon du chemin pour ne rien perdre sur l'ordre des arrivants, il se prélassait sur un confortable matelas d’herbes coupées .

       La descente ne fut pas une récompense comme l’espère tout cyclo qui a dû s’arracher pour en gravir sa pente. Elle s’avéra fort dangereuse à cause d’une chaussée défoncée et d’un tracé aux virages en épingles serrées. Personnellement je fus frustré de ce plaisir, car dans La Selle Macilie il me fallu m’accrocher aux freins sur plusieurs kilomètres avant de retrouver une route, une vraie, sur laquelle il est bon de se laisser glisser .

       Nous retrouvons la plaine. L’approche de Tolmezzo, ville relativement importante, nous fait cohabiter avec son flot de voitures et autres engins motorisés dont les pétarades et la puanteur des gaz d’échappement nous font regretter les chemins de l’arrière pays. Sans transition nous sommes rappelés à une réalité que ces onze jours de montagne nous avaient presque fait oublier. Certes, depuis la sortie des Dolomites, notre avancée sur Trieste devenait de plus en plus présente dans un imaginaire que nous pensions urbanisé. Le bruit, la chaleur devenue étouffante sont autant de changements subits qui nous surprennent désagréablement.

       Nous arrivons au pied du dernier col répertoriés parmi la litanie de Passo et autres qualificatifs que présentent notre feuille de route. Le Monte-Croce sera en effet l’ultime portion de route avant Trieste où nous devrons utiliser les petits plateaux.

       Rien de méchant, seulement quelques kilomètres à trois pour cent, mais le cœur n’y est plus. La fin du voyage que je sais pour demain provoque subitement en moi comme une déprime. J’entrevois le départ, la séparation comme une fin pour laquelle je ne me suis pas préparé. L’intensité, l’action qui orchestraient nos journées n’ont pas laissé de place à ce type de réflexions, ou inconsciemment ont refoulé le temps de cette échéance. 

 

 

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Hubert, bien avant Amstrong, savait couper les virages! 

 

 

       Un sentiment entre nostalgie et fierté m’envahit. Comme dans un flash-back, un retour sur les jours passés me laissent entrevoir une vision précise des sites traversés. Rapidement je retrouve une réalité me rappelant combien furent riches ces jours derniers. Combien fut forte notre camaraderie et notre entraide. Combien mon plaisir fut grand a gravir le Simplon, le Stelvio, La Maloja dans cette lutte fraternelle avec Bernard pour se disputer, tels des cadets, les pois fictifs du maillot du grimpeur. Les montagnes et leurs neiges éternelles, le profil de ses routes me manquent déjà. La longue traversée des Dolomites, le souvenir tout frais de ses sites mythiques, heureusement, sont là pour m’aider à dépasser une langueur qui me gagne.

       Je suis à l’arrière du groupe. Une large avenue nous fait traverser Udine. Cette fin d’étape est un enfer. La circulation y est dense et les panneaux signalant des stops pour les voies transversales sur lesquelles déboulent les vespas et autres deux roues motorisées sont souvent ignorés par leurs jeunes pilotes. Nos récriminations n’ont pas d’écho et nous comprenons qu’il va falloir se garder de toute part et se garer si l’urgence l’exige. Pierrot, adroit comme un singe l’a compris depuis un bout de temps. Pour se soustraire aux risques, il fait du gymkhana sur les trottoirs avec une maestria à faire pâlir les acrobates.

       A un tour de rôle auquel je ne participe plus, étant à la ramasse depuis des kilomètres déjà, c’est le plus souvent Bernard et Hubert qui nous sortent de la ville en direction de Gorizia ............ à la recherche d’un camping.

        Nous ne sommes plus qu’à une trentaine de kilomètres de l’Adriatique et les cyclos, pour une nuit seulement n’intéressent pas ces lieux d’hébergement que les touristes aux longs séjours ont pris d’assaut depuis le début de Juillet. La décision est prise de quitter la nationale et ses lignes droites décourageantes pour pénétrer dans les terres, espérant y dénicher un endroit paisible pour manger et y planter notre toile de tente.

       Quelque peu perdu et cherchant un chemin conduisant vers un village, une rencontre mis un terme à la crainte de nous retrouver à la belle étoile et un reliquat de pique-nique pour repas du soir. Un homme que nous avons hélé pour des renseignements nous propose sans façon, le plus naturellement du monde, d’aller chez lui.

       Dans une spontanéité désarmante pour nous qui n’en demandions pas autant, il nous fait signe de le suivre jusqu’à Capriva di Friuli où il nous dit tenir une auberge. Quelques kilomètres derrière sa voiture qu’il conduit lentement, nous voila à l’entrée d’une ancienne habitation plantée au milieu de la campagne.

       L’homme qui parle un Français correct nous montre un grand espace où nous installer pour la nuit. Toujours, et comme si cela était naturel, il met à notre disposition la salle d’eau de l’établissement, et, sans que nous ayons le temps de lui manifester quelques remerciements, il nous invite à l’une de ses tables pour le diner. 

 

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Paolo, en fond de table, droit sur la photo.

 

 

 

       Si, pour ce qui me concerne l’étape de ce mardi 24 juillet fut difficile, non à cause du tracé, mais à celui de mes excès de la veille et d’un coup au moral, je me souviens surtout que c’est au bout de cette route que nous avons rencontré Paolo Bastiani, ancien footballeur stagiaire au Paris-Saint Germain dans les années 1970. Surprenant ce Samaritain qui nous donna l’hospitalité comme si nous étions des membres de sa famille. 

                                                                                                                   

                                                                                                                        

       Le Ristorante Alla Tavernetta accueillit ce soir là, exceptionnellement, outre sa clientèle habituelle composée d’une jeunesse fêtarde, six routards égarés et surpris de leur aubaine. Rencontre hors du commun que ce Paolo. Alors que la nuit tombait, alors que nous étions plus ou moins égarés sur une route qui paraissait ne mener nulle part, il nous apparut tel un sauveur.

 

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           Demain nous serons rendus à Trieste. L’aventure pour ce raid en cyclo-camping se terminera.

       J’espère vous retrouver pour cette dernière étape et à l’occasion des prochains récits auxquels je pense pour vous.

 

       Sachez que depuis janvier 2011 où j’ai commencé à mettre en ligne des articles sur mon blog, grâce au bouche à oreille, près de 7000 pages en ont été lues.

 

                                                   Merci à vous

 

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5 juin 2011 7 05 /06 /juin /2011 20:27

                   

 

                                        Quand le plaisir du jour fait suite à celui de la veille.                                         

                                                                                                                                                                                                      mes numérisations 015

 

 

                                 Hier, pour le plaisir des yeux, la journée a été de celles qui laissent de magnifiques souvenirs. Elle fut également très sportive. De nombreux cols ont jalonné le parcours, mettant parfois à rude épreuve les bonshommes et le matériel. Des paysages de cartes postales n’ont eu de cesse de défiler pour nous au fil des kilomètres, et comme dans la chèvre de monsieur Seguin, la nature des lieux semblait être là pour saluer notre passage

       Le Giau ? Que vous dire de plus de ce que j’en ai écrit dans le récit marquant l’étape de la veille. Si ce n’est en rappeler son chemin pour la randonnée pédestre en guise de route afin d'en rendre encore plus méritante la marque d’en atteindre son sommet.

      Le Passo Tri Crocci couronné de cette particularité qui est d’avoir, bâtie en haut de sa montagne, une chapelle surmontée de trois croix en référence à celles du Christ, de Dimas et de Gestas, les deux Larrons. Symbole qui se veut fort pour ramener, sans doute, les hommes à relativiser leur notion de souffrance et à les conduire à plus de modestie au regard de la cène du calvaire !!!!.

        Les Tri Cimes où il fallu, alors que le campement pour la nuit se trouvait à Misurina, escalader sa pente au prix d’un effort mémorable pour se voir apposer un tampon sur notre carnet de route. Pas n’importe quel cachet tout de même, car il validait une étape à la dimension monumentale.

       Misurina et son glacier. Lui, qui tel Narcisse, vient se mirer dans le lac dont l’eau teintée d’un vert émeraude en renvoi un sosie aux contours que l’onde fait trembloter, fut la surprise du soir.  Ainsi se veut le résumé des faits notables qui sont venus clôturer une épopée, que j’ai pour ma part inscrite au registre d’une chronique d’exception.

       A propos du lac, je ne peux pas résister d'en raconter succinctement ce qui en aurait fait son origine :

       Il y a très longtemps, dans les Dolomites vivait le roi Sorapis. L’homme était un géant. Misurina sa fille était naine, disgracieuse et égoïste. Elle était, de surcroît, associable, envieuse et jalouse des femmes de son peuple au point que tout le monde cherchait à l’éviter. Un jour, elle appris l’existence d’un miroir magique qui avait la propriété de satisfaire les requêtes qui lui étaient adressées. Ayant établi la liste de ce qui allait faire d’elle l’autorité dont elle rêvait, elle ordonna à son père d’aller quérir l’objet. Le roi alla solliciter la fée Mont-Cristallo qui en était l’heureuse possédante. Elle le lui céda à la condition qu'il accepte de se faire encore plus grand, de se faire montagne afin de venir abriter du soleil les fleurs de son jardin. Le roi accepta. De retour dans son royaume, et selon le souhait de le Fée, encore plus géant qu’il n’était à son départ, il s'approcha de sa fille puis la souleva à la hauteur de son visage pour lui parler, la raisonner à propos de ses exigences au sujet du miroir. La hauteur inhabituelle à laquelle il l’a hissa lui donna un tel vertige qu'elle alla s'écraser aux pieds de son père. L'avidité avec laquelle elle voulu saisir le trophée lui faisant perdre toute notion de prudence.

      La légende dit que le chagrin du roi fut si grand que ses larmes formèrent un lac. Quant au miroir, c’est lui, dit encore la légende, qui renvoit du fond de ses eaux l'image de cette montagne qui ne serait autre que celle de Soparis.

Moralité: L'ambition cultivée jusqu'à la démesure risque de faire choir de haut...qui s'y risque.

 

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                                            Le lac de Misurina

 

      Après une douche prise dans l’une de ces minuscules cabines métalliques qui équipaient les campings italiens de l’époque, nous voila installés à la table d’une auberge commémorant les exploits des alpinistes s’étant, entre autres courses, illustrés dans les Dolomites. Parmi eux, figure une magnifique photo de Walter Bonatti autour de laquelle trône un piolet des années cinquante et une corde statique lovée selon la technique montagnarde. Une paire de raquettes, des bâtons sensés lui avoir appartenus terminent l’espace décoratif qui lui a été octroyé sur un pan de mur blanchi à la chaux.

      Imaginer comment ces hommes ont approché la montagne me fascine et m’interpelle à la fois. A cette époque, mais encore aujourd’hui, combien de ces pionniers sont morts ou meurent pour cette confrontation entre ses éminences hostiles et l’ambition de l’homme à vouloir dominer ses sommets. L’histoire comptent à leurs sujets nombre drames ayant coûté l’existence à certains d’entre eux.

       Pour être le premier à planter un drapeau, pour fouler de leurs pas un espace jusqu’alors resté vierge, des comportements pour le moins surprenants ont entachés des réputations, qui par ailleurs et dans d’autres temps furent acquises au terme de véritables exploits. La lutte entre la haute, voire la très haute montagne et l’homme reste un combat impitoyable. Des enjeux aux caractères divers ont parfois eu raison sur la raison de ces conquérants, au point d’en perdre tout discernement. Si la vue de ces pièces de collections me rappellent leurs prouesses et leurs performances, je ne peux cependant les dissocier de faits divers, de rumeurs qui me font froid dans le dos.

       Mais à ce qui fut obscur, je ne veux retenir au sujet de leur histoire que celles qui les a mis à l’honneur pour des sauvetages effectués au péril de leur vie.

 

      Le restaurant est animé par des clients du terroir. Leurs conversations sont dignes d’un répertoire théâtral. Ils en jouent, cela ne fait aucun doute. Des gestes démonstratifs viennent jusqu’à nous souligner certains de leurs propos. Le ton de leur voix se gradue en fonction de leurs commentaires. Loin d’en comprendre toutes les nuances et la précision d’un vocabulaire sans doute local, le rire communicatif qu'ils génèrent nous permet, d’un regard amusé, de prendre part à leurs joutes oratoires. L’ambiance bon enfant, la cuisine italienne et le vin qui nous est servi sans modération par de généreux habitués des lieux, effacent comme par miracle les traces de notre dure journée.

       Durant notre parcours, mais plus particulièrement en région de montagne, les Italiens nous ont toujours très bien accueilli. Savoir d’où nous venions et par le tracé des routes empruntées, suscitaient chez ces hommes des élans d’une fraternité attachante. Nos vélos chargés ras les sacoches les faisaient nous regarder d’un œil compatissant. Pour se convaincre du poids que nous trimbalions, certains n’hésitaient pas à les soulever, ce qui nous valait des qualificatifs plutôt flatteurs et dont les termes n’avaient plus rien à voir avec la bicyclette !!!.

 

       23 Juillet 1985. Le soleil se lève sur le lac de Misurina, avec, toujours, étendue sur son eau, l’image géante du glacier qui le surplombe.

       Le début de la nuit fut perturbée par des noctambules qui avaient eu sans doute de bonnes raisons d’arroser un anniversaire ou le plaisir de fêter quelques retrouvailles. Les Italiens sont en vacances alors quoi de plus normal que d’en célébrer le temps  !!!!

       Rapidement, le froid vint ajouter à mon insomnie un désagrément supplémentaire à ma quête de sommeil. Rien d’étonnant, l’altitude accuse ici 1754 mètres et la neige encercle le panorama sur presque 360 degrés.

     En quittant Misurina, nous croisons à nouveau, mais pour la dernière fois, le cyclo-clodo, ainsi baptisé par Hubert. Sans jamais l’avoir rencontré sur notre itinéraire, bizarrement nous nous retrouvons à nouveau au moment de notre départ. A deux reprises déjà la situation s’est produite lors d’étapes précédentes. Ce matin, il sortait d’un bois dans lequel il nous dit avoir dormi en expliquant qu’il refusait de payer un emplacement de camping !!!

      L’homme, la quarantaine est grand. A regarder son vélo et son équipement en braquets, il doit être bougrement costaud. En effet, sa bicyclette n’a que deux plateaux à l’avant et ses pignons arrières ne doivent pas aller au-delà de 25 dents. Peu bavard, il s’exprime dans un bon français. Nous en déduisons qu’il est des nôtres mais sans aller jusqu’à lui poser la question. C’est, probablement, un coté rebelle ou marginal qui le pousse à faire son Thonon-Trieste en dehors des conventions ordinaires. A moins que ce ne soit par nécessité, mais dans ce cas, sa tenue vestimentaire le trahit, car elle est de bon goût et d’un certain luxe.

       Il est, comme celle là, des rencontres fugitives qui interrogent. Qui sans être lisses, mettent dans l’embarras son interlocuteur. Rien chez la personne n’exprimant un quelconque souhait de nature à pouvoir lui donner une suite.

 

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       La journée s’annonce belle. Une fine couronne de nuages blancs entoure les Tri cimes. Au sujet de ces gigantesques aiguilles, en fait, deux seulement sont visibles d’où que l’on se trouve. L’exception nous a t’on dit, est de monter jusqu’à la chapelle se situant au dessus du refuge Arronzo où de là, parait il, la troisième apparaît, mais pour nous il est trop tard pour aller vérifier !!!!. Nous y étions tout près hier soir, mais ignorant du fait, nous n’avons pas cru bon d’aller nous échiner au milieu des pèlerins endimanchés. Ceci dit, nous croyons sur parole notre informateur, d’autant que les cartes postales en témoignent.

        

                                                                           Les Tri Cimes.                                                                                   

                                                                                                                                                                                                                      numérisation0002-copie-6   

                   

      Aujourd’hui, une portion du circuit va consister à contourner la chaîne montagneuse des Tri cimes. Au loin, l’on aperçoit Auronzo di Cadore. La route descend en pente douce vers une vallée qui s’élargie ainsi que la voie de circulation sur laquelle nous rencontrons beaucoup de véhicules.                                                             

        Padola. Dans cet région, l'Italie touche l’Autriche. De splendides chalets aux façades décorées de cènes paysannes ou religieuses de style tyrolien fleurissent sur les hauteurs du coté droit de la chaussée. Ils rappellent qu’une redistribution des frontières suite au dernier conflit mondial les a rendus italiens. Implantés au milieu d’alpages verdoyants distingués de milliers de fleurs fourragères, ils exposent avec fierté cet art pictural que nous avons également rencontré au cours de notre passage en Suisse.

 

                                             TYROL

 

        Roue dans roue, nous avançons à une allure raisonnable. C’est l’attitude la plus économique en énergie pour se protéger des courants thermiques que l’on a de face dans les vallées l’après midi. Ces courants sont générés par l’air se réchauffant à basse altitude et qui, allégé, remonte vers les sommets. Le passage à l’avant se fait à tour de rôle. Je dois reconnaître que sur ce type de terrain il m’est difficile d’honorer pleinement mon contrat. Mes cinquante neuf kilos de départ et sans doute deux de moins à ce jour, ne me permettent pas de tirer du braquet. Généreusement, Bernard, Hubert, Pierrot et Gérard bouchent les trous que je laisse en sautant mes relais. J’ai remarqué que Georges, également, se faisait volontairement oublier en queue de file !!!. Personnellement, je n’ai jamais eu d’aptitude pour ce genre d’exercice, alors, comme disent les pros, je reste dans les roulettes. C’est à dire à l’abri, collé à la roue libre de celui qui me précéde!

 

 

                                         mes numérisations 014

 

Paysage suréaliste: Les Dolomites  

 

 

        Nous avons toujours à vue d’œil les grandes montagnes sur lesquelles, hier, nous avons crapahuté une partie de la journée. Un changement de direction, une route plus étroite nous font amorcer l’ascension d’un col non répertorié sur notre bock, qui cependant est bien dans la direction de Saint Stéphano di Cadore, ville par laquelle nous devons passer. Rien de bien méchant, mais il faut remettre en route la moulinette, les muscles n’ont pas éliminé toutes les traces des efforts de la veille. Nous savons d’autre part qu’en fin de journée nous attend le Ciampigotto. Celui là est bien noté sur nos tablettes et son profil repéré sur la carte routière mentionne les chevrons de la colère, de ceux qui nous prédisent des sueurs à venir. Alors vous comprendrez que pour cette mise en bouche la prudence fut de mise et qu’aucune attaque ne fusa !!!!

       Au carrefour des Tri-Ponti, l’achevoir, l’ultime grand col de Thonon-Trieste nous est annoncé d’une façon qui tapa dans l’œil de Pierrot, dont la langue italienne n’a pas de secret. Une inscription particulière et de nature à éveiller l’attention des plus septiques s'affiche sur un coin de mur au regard des passants. L’annonce est claire, une prophétie nous est promise si nous parvenons à venir à bout de la difficulté de ce passage, qui, de réputation locale se veut très difficilement franchissable à vélo! 

 

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     La surprise d'une telle révélation valait bien un moment de pause, qui par ailleurs  fut mise à profit pour des commentaires les plus divers sur le sujet. Nos discussions bruyamment animées par le contenu d’un tel message avaient attiré l’attention de quelques jeunes personnes promenant dans le coin. Il s’en suivi des  échanges de courtoisie. A la question posée par je ne sais plus qui du groupe sur la difficulté du col et nos possibilités à pouvoir le gravir sans encombre, la réponse fut ..... pour vous ....oui,.... mais !!!.

       C’est la que je vis, habillée d’un rire moqueur, l’une des jeunes filles lever sans discrétion le doigt et le pointer dans ma direction, puis vers celle de Pierrot et répondre, les lèvres pincées :

-Vous, les plus jeunes,..... vous pouvez y arriver,..... mais pas les deux vieux !!!!!

Sans avoir eu besoin de la traduction, je pris la mesure de l’affront. Restant muet par politesse mais surtout par crainte d’être impertinent, c’est l’allure fière et la tête haute que je pris mon vélo pour l’enfourcher avec l’assurance de savoir pouvoir faire mentir la belle effrontée !!!!!

       Le peu de route que l’on aperçoit dès l’amorce du col laisse augurer de notre peine à venir. Le revêtement est de mauvaise qualité. La pente doit tourner aux alentours des dix pour cent, c’est vous dire combien il faut appuyer, esquicher sur les pédales pour seulement arriver à avancer à pas d’homme.

      Quelques kilomètres de parcourus et une surprise nous rattrape au détour d’un virage, ….à moins qu’il s’agisse d’une épreuve commanditée par quelque lutin!!!.Il n’y a pratiquement plus de route devant nous, un chemin caillouteux la remplace. A en juger par la fraîcheur des dégâts, un gigantesque éboulement est passé par là depuis peu. Il a emporté avec lui des milliers de mètres cubes de terre et de rochers, obstruant de ses masses le lit du torrent qui coule au fond de la vallée. Depuis l’ascension du Giau nous sommes rompus à ce type d’exercice, à rouler  entre trous et bosses, mais là ça commence à bien faire!

 

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                             Mieux vaut rouler sur la gauche, le côté droit présente des risques....

 

       Sur la pancarte, il était bien question de Madone et Gésu, de « riccordé » que mon italien approximatif m’a fait confondre avec rencontre au lieu de rappelle, mais là, le moment présent n’est pas à l’espoir de s’entendre encourager par des Divinités célestes. Il fallait, et selon l’adage -Aide toi le ciel t’aidera-, démontrer, en toute humilité pour ne froisser personne, que nous devions nous en sortir par nous même. La chose fut faite en puisant au fond de ce qui nous restait de réserve, mais sans avoir eu à aller au-delà du possible. Par pudeur, la plus grande discrétion régna quant à savoir si l’un d’entre nous s’était senti, dans les moments de doute, gratifié de poussettes émanant d’attentions particulières. 

 

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                                  Je vous le disais, Hubert prend des photos en roulant.

 

       Au bas du col, une « strada bianca », une route stabilisée avec ce qui ressemble à de la ‘’clapicette’, reliée plus loin à une chaussée conforme à une voie de circulation dite normale nous amènent à Prato-Carnico, le terme de notre étape.

 

                                                             Un très grand bâtiment, construit au milieu de rien, au fronton décoré d’une immense fresque représentant une faucille et un marteau attire notre attention. Il sera, et peut être le fut il par défaut, notre restaurant pour le soir. Une salle immense comprenant un nombre impressionnant de tables font offices de salle à manger. Nous entrons là dans un lieu singulier et où l’ambiance y est étrange. Des dizaines de regards, qui au demeurant se veulent discrets et sympathiques, nous suivent jusqu’à la table qui nous est attribuée par une corpulente serveuse.

       Subitement un doute s’installe au sein du groupe. Et si nous nous étions égarés en investissant un lieu seulement réservé aux adhérents liés à l’insigne incrustée dans la façade ? En fait nous ne le saurons jamais, n’ayant pas posé la question et aucune remarque ne nous ayant été faite à ce sujet.

       Il s’agissait en fait d’une Maison du Peuple comme il s’en trouve encore dans certaines régions pauvres d'Italie. Ces établissements sont mis à la disposition des travailleurs ou des retraités aux revenus bas qui ont là le gîte et le couvert selon certaines modalités

      Si lors de notre entrée, les décibels émanant des conversations avaient sensiblement baissés de leur intensité, à présent un flux sonore remplit à nouveau la salle. Aucune carte de menus nous est proposée, en revanche des plats de pâtes, de légumes nous sont servis par la Mama qui fut notre hôtesse d’accueil.

       Étrange sensation que celle de ne plus, de ne pas savoir si nous ne sommes pas en situation d’abus au détriment de ces hommes, âgés pour la plupart. Je précise hommes, car à part certains membres du personnel, je ne me souviens pas d’avoir croisé un regard de femme.

       Surprenant également de se voir amener une bouteille cachetée par deux hommes âgés alors que nous n’avions commandé qu’une carafe de vin ordinaire.

       Émouvant que de voir s’approcher en direction de notre table deux êtres fragiles. Puis s’arrêtant à une distance respectueuse pour ne pas être vécus pour des personnes agressives ou dérangeantes, venir nous parler de leur passé dans l’hexagone. Ils avaient été maçons, puis avaient travaillé dans des vignobles, puis étaient revenus au pays au milieu des leurs. Ils se rassemblent régulièrement sous le toit protecteur de cette maison. Elle leur assure ce qui leur reste d’avenir dans la croyance d’une fraternité qui se percevait au delà des conventions.

      Ce fut une journée, une soirée exceptionnelle. Une de plus sur ce Thonon-Trieste. Cependant je retiens de celle là l’expression de ces visages restés heureux. De ces personnes dont sans doute nous avons, par méprise, peut être, investi leur espace et qui nous ont reçu comme des invités. Je retiens le plaisir qu’ils ont eu à nous parler de chez nous, de la France dans un discours de reconnaissance.

      Je retiens de cette soirée le bonheur qu'il m’a été donné de vivre auprès de ces gens de rencontre. Le bonheur d'une histoire,  de souvenirs offerts par le cœur de ces hommes. Souvenirs dont je me fais le devoir de vous en faire partager l'écho.

 

 

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4 mai 2011 3 04 /05 /mai /2011 23:59

                                           22 Juillet 1985  

    

                                          Photos classées divers 005-copie-1

                                                                              

                                         Alors que nous prenons notre petit déjeuner dans un bistrot, le titre d’un article du journal posé près de notre table nous interpelle. Un barrage hydraulique a cédé voici quelques jours, le déluge d’eau et de boue qui s’en est échappé à dévasté un village. De nombreuses victimes sont à déplorer. Il s’agit d’un ouvrage construit dans une vallée parallèle à notre itinéraire emprunté tout récemment. Les photos n’ont pas besoin de légende pour commenter l’horreur du sinistre. La fonte des neiges et les très fortes pluies tombées en haute montagne en seraient pour partie la cause. Enregistré dans les environs, un petit séisme aurait également pu fragiliser la construction qui, suite aux dégâts causés sur sa structure, n’a pu résister à la trop forte pression des eaux.

       Nous sommes de passage dans cette région superbe où le bonheur et le plaisir se découvrent journellement à travers les paysages que nous offrent la nature pendant que des hommes et des femmes sont face à l’incompréhension et à douleur d’un drame. La vie est ainsi faite, mais qui faire au-delà de nos pensées compatissantes ?

 

                                                                          ________________                                                                                                                                                              

                                                                    Le temps de la préparation      

 

                                                                                                                                                                                                           numérisation0004-copie-2

 

 

       Valparola, Falzarego, Le colle Ste Lucia, La Passo di Giau, La Passo tri Crocci, Le Colle di Varda, et li Tri Cime di Lavaredo sont au menu du repas cyclo pour cette étape. Espérons que la journée suffira pour en digérer, non pas les plats, mais les grimpettes dont certaines sont répertoriées comme étant d’anthologie !!:!.

       A l’écoute d’Hubert faisant l’énumération du profil, Gérard se pose des questions quant à savoir comment gérer cette succession de ‘’bosses’’ !!!! 

 

 

 

Gérard dubitatif à l'écoute du programme du jour!!numérisation0002-copie-4

                                                                                                                                                  

                                                                                         

       Si la distance à parcourir n’est pas longue, moins de cent kilomètres, elle accuse près de 2700 mètres d’une dénivelée positive. Il y a eu pire, mais le cumul des ascensions depuis le départ, fait que l’addition des hauteurs à avaler nous parait, depuis deux ou trois jours, se faire à partir de nouvelles échelles de valeurs. A croire que les Italiens ont dans le domaine de la mesure, et plus précisément dans cette contrée, un mètre qui se ratatine, minorant ainsi la véritable altitude des sommets !!!

       Peu après notre départ, nous rencontrons pour la seconde fois le cyclo-clodo comme le nomme Hubert dans son petit carnet rouge. Je rappelle qu’il s’agit du livret qui me sert, entre autres sources, de fil conducteur pour ce qui concerne la chronologie de notre progression vers Trieste. Le récit, les commentaires, sont eux, à mettre à mon actif. D’ailleurs, certains de mes camarades me reprochent déjà d’en relater certains épisodes d’une écriture fantaisiste.

       Il faut dire que je roule avec des hommes dont la profession exige beaucoup de rigueur et pour d’autres une précision d’horloger qu’ils voudraient retrouver dans ce qui, de toute façon, ne se veut pas être un compte-rendu factuel. En effet, depuis le premier épisode, j’ai décidé de m’offrir le plaisir de donner à ce condensé de souvenirs, un accent folklorique qui sans en travestir le déroulement, m’autorise certains débordements quant à mon propos narratif. 

 

 

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                                          Chapelle dans le Falzarégo. 

 

 

       Bernard se retrouve des ailes, il survole le Falzarégo, glanant ainsi des points pour ce maillot qu’il convoite, mais c’est sans compter sur de nouveaux adversaires dont je vois le dessein se mettre en place au fil de l’étape. Dans le colle Ste Lucia, le tempo est mené par Georges. 

 

 

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                Georges, je voudrais un peu vous en parler, mais il se débrouille toujours pour passer inaperçu, pour se fondre au sein du petit groupe que nous composons. Sa discrétion le fait oublier, sauf pour attester comme cela fut le cas, de la justification à vouloir dormir à l’abri lorsque l’orage menace gravement la fiabilité de nos toiles de tente. Il est vrai qu’à deux reprises déjà, il a fait cause commune avec moi pour un besoin de sécurité qui nous a conduit à partager une chambre d’hôtel. Je l’ai déjà écrit, nos soirées passées ensemble ont été peu bavardes. Dès assis devant une table, ou allongé sur son lit, il sortait un livre de l’une de ses sacoches et je ne l’entendais plus jusqu’au bonjour du matin. C’était sa vie, mais cela m’a étonné d’autant qu’il trimbalait, et cela pour l’avoir vu, plusieurs bouquins dans ses bagages. Le poids n’était pas son ennemi? Ou avait-il un besoin impératif de ses livres pour fuir quelque diable ?

       Par endroit, la route du col de Ste Lucia est taillée dans la montagne, puis se retrouve pour passer en corniche. La pente n’est pas sévère, quoiqu’il faille tout de même s’activer sur les pédales pour bouger une masse approchant cent kilos de poids à faire rouler. Les belligérants du début de matinée semblent se contenter du rythme. Ils suivent tout en s’observant, le regard réciproquement rivé sur la roue libre du vélo de leur concurrent potentiel pour voir où ils en sont de leur réserve de braquets, au cas où... !!!. Je surprends des coups d’œil complices de la part de Pierrot et de Gérard qui s’interrogent sur l’opportunité d’une attaque qui, cependant, en restera pour cette ascension au stade de l’indécision.

       Depuis ma mise en retrait de la ‘’compétition ‘’, je savoure le plaisir pris à jouer le rôle de compteur de points. A présent je monte les cols à une allure de sénateur, mon ambition se limitant à observer les manœuvres malicieuses de mes camarades et de contempler la flore! 

 

 

                                 Ancolie Bertolini. Pyrénéee

 

                                       L'Ancolie des Alpes 

 

       Je vis différemment mes journées depuis que j’en ai écarté, pour ce qui me concerne, l’ambition stupide de faire les pancartes des sommets au prix d’efforts qui, raisonnablement, ne sont plus de mon âge et dont le compteur accuse déjà 47 balais comme disent les Parisiens. Mais au fait, pourquoi balais ? 

       Mon Thonon-Trieste, à partir de l’objectif que j’avais visé lors de son élaboration, je l’ai gagné dans le Stelvio. A présent, aux Autres d’en faire autant dans les perchoirs qui restent à escalader, à moins que la sagesse amènent les futurs postulants à plus de raison. Mais de cela, j’en doute !!!

       Les courses pour le pique-nique de midi sont faites au village de Salva di Cadore, au pied du Giau. Bernard, toujours volontaire, prends la cargaison sur son vélo et nous voila sur la route, à l’assaut de ce qui est présenté comme étant l’épouvantail de la journée. Le repas est prévu au sommet du monstre, le ventre plein serait trop lourd à monter dans la pente !!!.

       Au fil des hectomètres, le piège se referme sur le porteur du jour. Les coups de boutoir de Pierrot ne laissent guère d’illusion à Bernard sur la possibilité de monter à sa main. La couleur de l’attaque lui est à présent clairement annoncée. Je veux parler de celle de son maillot à pois rouges que sa sueur risque de faire pâlir. L’atmosphère sentait la poudre depuis un bout de temps, l’opportunité de tenter une estocade semblait se présenter sous les meilleurs hospices, d’autant qu’une forte chaleur commençait à peser sur l’allure de Nanard.

       C’est d’un œil amusé que je vois partir les conquérants des cimes, les voir s’échiner pour tenter de distancer Bernard le Valeureux. Titre qu’au fond de moi je lui décerne pour sa combativité et son esprit bon joueur, malgré le fait d’être la cible sur laquelle chacun tire son braquet.

 

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       C’est, chemin faisant sur mon 28x28 que je rattrape Hubert qui, sans doute lassé par le train des hommes de tête, a décidé de se laisser glisser vers des eaux plus calmes. Calé dans sa roue, contraint à un jeu d’équilibriste tellement le revêtement comporte de trous, de pierres et de débris de tous ordres, c’est au pas, mais sans mettre pied à terre que nous cheminons ce 22 juillet vers ce qui sera une des particularités de notre circuit dans les Dolomites. 

       En effet le Giau, col mythique parmi les plus spectaculaires par son tracé, se distingue à plusieurs titres. Tout d’abord il monte raide. La moyenne de sa pente sur les dix kilomètres de son ascension voisine les dix pour cent. Cela sous-entend des passages à douze, voire quinze mètres de dénivelée pour cent mètres parcourus, les cyclistes apprécieront d’autant que l’on ne roule pas à vide  !!! L’autre élément qui le caractérise se trouve au niveau de son revêtement qui n’est goudronné que sur les deux ou trois derniers kilomètres de sa fraction haute. Je sais qu’aujourd’hui, les responsables des équipements routiers Italiens lui ont fait un tapis digne de sa grandeur.

       La pratique du vélo dans ces conditions demande à rester concentré sur la partie du chemin où l’on va faire passer la roue avant de sa bicyclette. Le guidonnage permettant de slalomer entre les trous et les cailloux, sont autant de pièges compromettant la stabilité, que de risques pour nos pneus qui peuvent se déchirer au contact de pierres aux angles saillants. Les jantes, quant à elles, subissent des torsions qui entraînent des bris de rayons.

       Le ratio effort-rendement est déplorable. La motricité réduite par les effets de patinage et de dérapage qu’il faut sans cesse contrôler en réduisent l’efficacité. Inutile d’insister sur la séance de tape-cul et de casse-noisettes, car la position de pédalage dite ‘’en danseuse’’, permettant de décontracter la musculature et de soulager les fesses est plus que périlleuse. C’est ainsi que le chahut, qui génère des ressauts tout azimut sur la selle, finissent par la rendre inconfortable ce qui entraine parfois des irritations mal placées. Fort heureusement, j’ai ma pommade miracle de laquelle j’attends beaucoup.... si besoin était !!!                            

       Au détour d’un virage, bien installés sur un matelas d’herbe fleuries en guise table et de siège, l’équipe attendait patiemment notre arrivée pour entamer le saucisson et autres provisions composant la dînette. Entre deux chuchotements, nous apprenons que Bernard, toujours en tête avec son compagnon d’échappée venait de se trouver pris de fringale. Détenant les provisions, il aurait décidé, selon ce prétexte énoncé, de ce lieu comme étant approprié à son besoin de restauration. Un autre son de voix, celui de Pierrot, l’œil en coin et le sourire dubitatif, laisse entendre tout autre chose au sujet de ce subit arrêt. Poliment et sans vouloir en affirmer le doute, il égrène cependant quelques propos qui laissent à penser que la chaleur était sur le point de l’aider à gagner son duel.... quand la faim se mit à tenailler l’estomac de celui qui lui chicanait toute supériorité !!!!.

       Bernard, nous le savons ne craint rien, c’est un dur, un vaillant face à la difficulté, un coriace, mais la soleil est pour lui un adversaire redoutable. Ceci dit, nous n’en saurons pas davantage sur la vraie motivation de ce qui contrevenait à la décision collective de ne s'arrêter qu'au terme de la montée!

 

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        Il faisait la sourde oreille, et les sous-entendus lancés par ses contradicteurs ne lui coupaient pas l’appétit. Quant à Pierrot, se tenant mieux à table qu’à cheval, prendre le large et risquer de la ‘’sauter’’ dans l’attente que quelques restes lui parviennent au sommet, le choix d’abandonner la confrontation n’a pas dû le faire réfléchir bien longtemps !!!!.

       Heureusement qu’après le pique-nique nous retrouvons le bitume car la pente est très sévère. Je suis le premier à repartir, pas pour me remettre en course, quoique Bernard en doute encore puisqu’il fait l’effort de me rejoindre. Les Gérard, les Pierrot, les consorts et les autres semblent ne pas vouloir nous suivre et c’est à tous les deux que nous est réservé la primeur du Giau. 

 

 

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       Col hors norme à bien d’égards ce Giau. Col muletier s’il en existe un, et pour cela son revêtement en témoigne. Ses paysages ne font pas mentir la montagne qui est majestueuse et grande jusqu’au ciel. De l’eau à profusion qui descend des glaciers se bouscule sous des ponts trop étroits. Des fleurs, des Campanules géantes, des Digitales pourpres, des Asters. Encore et encore des fleurs qui s'offrent à nous en bouquets de remerciements pour cette visite pacifique que nous leur rendons. A  moins qu'elles soient là pour servir d'excuse à la montagne, en guise de pardon qui voudrait nous alléger des quelques souffrances que ce parcours nous fait subir, car nous sommes aujourd'hui en dehors des sentiers battus. 

 

                                                                              Digitale

                                                                                                                                                                                                                        

                                                                                                                                                                                                    Dijitale pourpre.

            

 

       J’étais heureux de ces retrouvailles avec Bernard sur lequel la concurrence ne pesait plus. Nous avons roulé sans se tirer la bourre. Rouler ensemble pour l’un de ces plaisirs qui se vivent sans besoin d’explication. Rouler en prenant le temps d’apprécier l’environnement, de s’apprécier différemment l’un, l’autre.

 

 

 

                                                 Asters des Alpes

 

 

                                                   Aster des Alpes  

 

 

       La descente sur Cortina d’Ampezzo nous réconcilie avec ce que doit être une route digne de ce nom. La ville qui reçu les jeux olympiques d’hiver en 1956 est en effervescence. Sur sa place principale, des sculpteurs à la tronçonneuse travaillent sur d’énormes troncs de bois qui me semblent être du mélèze. Le temps de bader un peu, mais peu seulement, car le bruit des pétarelles et l’odeur du mélange huile-essence nous deviennent rapidement insupportables au point de devoir nous en éloigner. Là, commence des recherches pour trouver notre direction en vue de rejoindre Dobbiaco par le Passo Tri Croci. 

       La France, parait-il, manquerait de précision à propos de sa signalisation routière. Cependant, et si tel est le cas, surtout que nos services spécialisés en la matière ne prennent pas, dans ce domaine, l’Italie pour exemple. Je rappelle que nous sommes en 1985, cela c’est peut être arrangé depuis, mais pour trouver son chemin sur les réseaux secondaires de ce pays, mieux valait la boussole ou un Italien serviable : Merci à eux, nous en avons trouvé. 

       Dans les Tri-Croci, Bernard se trouve un nouvel adversaire dont il se serait bien passé en la personne d’Hubert. En bon camarade qu’il veut paraître, il lui dit en le doublant, vouloir tester son niveau de réserves !!!. Mon œil, quel chafouin cet Hubert qui en fait voulait bel et bien prendre les points qui manquent encore à Bernard pour être assuré de la tunique qui doit, dit en passant, symboliquement lui coller à la peau tellement elle lui fait prendre de suées !!!

       Au bout du compte Hubert n’aura pas le bouquet du vainqueur, Georges ayant échappé à tout contrôle est au sommet depuis longtemps quand il arrive.

      La descente sur Misurina est la bienvenue, même si nous savons que l’étape, au plan des efforts à fournir ne sera effective qu’au refuge Arronzo, au pied des Tri Cimes de Lavaredo, où nous devons faire viser notre carnet de route pour que l’étape soit validée.                            

       C’est après m’être installé au camping de Misurina, au pied de l’ultime obstacle pour la journée, après avoir débarrassé mon vélo de ses sacoches que je décide d’aller me faire apposer le paraphe attestant de mon passage au sommet, puis redescendre vers ma guitoune.

       Pierrot et moi partons les derniers et bien plus tard que les autres. Il a fallu que je le tarabuste durant près d’une heure, pour enfin le décider à boucler l’étape, lui voulant faire l’ascension le lendemain matin de bonne heure, ce qui le rendait solitaire et contrevenant à notre règlement intérieur. Pour ma part, je voulais finir sur ma lancée, une bosse pareille à faire le matin à froid, très peu pour moi! 

 

 

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       Il s’agit d’une route payante, mais gratuite pour les cyclistes. Le comble vient de nous être épargné !!!. Les trois kilomètres du début se font sur une pente à pourcentage humain. C’est après la barrière du péage que les choses se gâtent. Vingt pour cent d’une dénivelée se dresse alors devant moi comme un obstacle, comme un défi voulant s’opposer à l’arrogance que peut représenter un cyclo face à la noblesse des lieux. Droit sur les pédales, les dents serrées et la fierté comme antidote à ma fatigue, j’avance.

       J’avance, égratignant par moment la peau du monstre par le dérapage de mes pneus que la rage fait patiner. La route par endroit serpente au milieu d’un monde minéral que le soleil rend blanc comme neige. A présent, des lacets donnent à la montée l’apparence d’être moins rude. Je souffre, mais paradoxe, je suis bien. Je suis au coude à coude avec cet adversaire qui en veut à mon orgueil de vouloir lui résister, de ne pas mettre pied à terre. La lutte est muette. Seul mon souffle, près du râle, en rythme le combat. Je m’oblige à ne pas porter mon attention trop loin de crainte de me laisser envahir par le découragement. Un peu comme les œillères que l’on met aux chevaux pour en réduire  le champ de vision, je m’impose un regard bas. Cette méthode me garantit une certaine maitrise de mon capital énergie. Elle induit une dépense parcimonieuse de mon courage.

       J’arrache comme je le peux mon vélo à l’emprise du goudron qui, à n’en pas douter, voudrait me scotcher au sol. Chacune de mes pédalées comptent, je les sens m’élever vers ces immenses dents qui , je le sais, sonneront la fin de l'épreuve. 

 

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       C’est les yeux rougis par la sueur à laquelle se mélangeaient à mon insu quelques larmes de bonheur, que je découvre un immense refuge-hôtel-restaurant situé à 2265 mètres d’altitude. Des dizaines et des dizaines de touristes ont rejoint en voiture le site. Parmi eux, des dames en talons hauts et en habits de gala veulent se donner l'illusion de pouvoir partir à la conquête des Tri cimes. Certaines ont au bras un homme ventru, dont l’élégance est couronnée par un méga-cigare qui lui condamne la bouche.

       Le paysage est grandiose. Moi le bavard, souvent à la limite de l’exubérance devant ce type de paysages, aujourd’hui je reste muet. La fatigue en explique pour partie sans doute la raison. Une autre explication est à chercher dans cette logique qui veut qu’à trop de plaisirs, l’énoncée des mots, aussi flatteurs soient ils, restent insignifiants face à la grandeur du spectacle.

                                                                                                                               

        Ils nous restent encore une grosse étape demain, puis nous rentrerons dans la province du Frioul qui le 6 Mai 1976 à subi un tremblement de terre dévastateur faisant près d’un millier de victimes. Le Frioul, c’est là que vit un Ami, dont l’histoire est à noter au registre des exceptions.

 

       Après, à part quelques coups de culs, nous roulerons vers Trieste sur des terrains plus reposants. Mais avant cela, j’ai encore des choses à vous raconter. 

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21 avril 2011 4 21 /04 /avril /2011 16:42

               

  

                             SUISI : Le 21 Juillet au petit matin.

 

 

                 Un confort, tout relatif soit-il, peut faire office de luxe quand...

 

                                                                                                        

                                  Personnellement, je n’ai pas boudé le lit calé sous l’alcôve qui jouxtait l’espace sensiblement plus grand dans lequel s’était installé Georges. Une douche et des toilettes à se partager à deux représentaient un confort appréciable en comparaison de certaines installations de camping.

       L’orage promis par le ciel noir qui, hier, nous accompagna en fin d’étape a tenu ses promesses. A peine couché, par intervalles semblant réglés par un métronome, des trombes d’eau s’abattirent sur la maison. Le tonnerre grondait par secousses  en faisant un boucan d’enfer.

       J’étais particulièrement content de cette opportunité qui me permettait d’envisager la nuit sans le souci d’avoir à écoper. Les tentes ont beau être fiables, un contact intérieur avec la toile se traduit systématiquement par une gouttière. Par un temps comme celui que laissait présager les nuages, il est toujours opportun de rentrer les sacoches dont le volume encombrant est de nature à provoquer des touchettes, lesquelles confirment généralement le risque.

       En contrepartie de mon abandon du groupe, je devais me préparer à faire face aux attaques en règle des inconditionnels du camping. Georges et moi étions avertis des ‘’lazzis et quolibets’’ de nos camarades qui se voulaient tenus à ce qui fut évoqué lors de la préparation de notre raid : A savoir, la Canadienne, seulement la Canadienne comme hébergement !!!.

       Jusqu’à présent, et tant que cela m’a paru raisonnable, je me suis conformé à ce point de ‘’règlement’’ qui, je le reconnais, s’est avéré être convivial et unificateur du groupe. Cependant, il y a des situations qui devraient ouvrir à la permissivité, mais ce soir là, je n'obtiendrai pas l’indulgence de ceux qui veulent rester d’incorruptibles baroudeurs !.

       Je remercie celui qui a dit qu'à l'impossible nul n’est tenu. Pour moi, risquer de prendre la sauce au nom d’un engagement, qui pour le coup me paraissait pouvoir être dépassé, valait bien quelques joutes oratoires dont le sujet alimenterait sans doute le temps du petit déjeuner. Alors au diable ce type de principe qui voudrait me rendre solidaire à tout prix et en toutes circonstances. Foutaise que d’aller jusqu’au sacrifice et attendre que Dame Nature veuille bien cesser ses clameurs de tous ordres en déversant son déluge sur ma tête. Foutaise que d’attendre avant de fermer l’œil et pouvoir dormir sur mes deux oreilles alors que je sais avoir besoin de récupérer des efforts de la journée.

 

       Ce matin, le ciel est d’un bleu parfait. Rien de plus rassurant que d’en voir son immensité sans l’ombre de l’ombre d’un nuage.

       Les rescapés de la nuit arrivent dans la salle à manger de la Pensioné di Famiglia. L’environnement humide du camping les a contraint à venir prendre leur petit déjeuner en notre compagnie, dans ce lieu qualifié la veille comme étant pour nous celui de la perdition et de la parjure !!.

      Hubert, dont un besoin l’a conduit en nocturne aux toilettes nous raconte avoir vu un cyclo-clodo dormant dans les ‘’chiots’’. Par économie, par nécessité faute d’argent ou pour satisfaire un comportement délinquant et se soustraire à tout règlement, cette homme qui semblait faire également le raid, fut en effet revu sur le circuit lors de notre progression vers Trieste. Il occupait généralement le local des douches avec  son vélo et ses affaires. Visiblement, il en faisait son lieu de repos pour la nuit!! 

      Cette anecdote relatée comme entrée en matière ou pour faire diversion, le reste du discours, dont chacun de nos contradicteurs y prit part, fut à la hauteur de leur jalousie à nous voir ainsi reposés, détendus, frais et dispos. Georges et moi, nous voulant sans rancune, charitables à leur endroit sommes allés, par compassion face à leur mine déconfite que leur fierté même ne pouvait dissimuler, sommes allés, je le confesse, jusqu’à beurrer et confiturer les tartines de nos camarades.... ces héros !!!! 

 

                                                        Dans le  Pordoï 

 

                                 Dans le Pordoï.

                             Le temps est magnifique. Les paysages que nous promet notre carnet de route ouvrent l’appétit de notre curiosité. Le Passo del Pinei nous est servi d’entrée de jeu avec des pentes atteignant seize pour cent.....à certains endroits !!!.

       Gérard, lequel, jusqu’à présent s’était fait discret, vient d’attaquer Bernard un peu avant le passage du col pour lui ravir la vedette. Ce dernier reste tout penaud de se voir ainsi ‘’coiffé’’ sur la ligne, à la hauteur de la pancarte signalant le sommet.

      Pierrot immortalise le lieu pour ce que nous croyons être notre véritable entrée dans les Dolomites pendant qu’Hubert, pour fêter l’événement, lui jette aux pieds un reliquat de pétards qu'il trimbalait dans ses sacoches depuis le 14 Juillet. Cocasse la scène de Pierrot tentant de les esquiver et Hubert prenant un plaisir amusé à voir notre camarade faire des bonds de droite à gauche pour ne pas avoir à subir le désagréments des éclats de la pétarade qui dura jusqu’à épuisement du stock.

       Sans doute victime de l’ivresse des cimes, à croire que l’homme, qui pourtant dans sa vie professionnelle assume de lourdes responsabilités de salut public et au demeurant sérieux dans la vie courante, venait de perdre la raison !!!! 

      Pour s’assurer de notre capacité à pouvoir avaler plusieurs milliers de mètres de dénivelée dans la journée, je parlais dans le second épisode de mon récit, du test que l’on s’était imposé lors de notre préparation. Aujourd’hui nous sommes au pied du mur, au pied de gigantesques montagnes qu'il va falloir escalader afin de transformer l’exercice en essai et ainsi faire que l’examen soit validé. 

       En effet, des cols il va falloir en franchir et pas des moindres. Pour rejoindre San Cassiano qui est noté sur notre agenda comme étant la ville à rallier avant ce soir, il y a Le Passo del Pinei 1437 mètres que nous venons de sauter. Comme je le précise quelques lignes au dessus, pas très haut en altitude mais avec des rampes difficiles.

 

 

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                                                       Hubert me refait '' le coup du genou " 

 

      La descente nous fait traverser Selva di Gardéna qui marque, là, notre véritable entrée dans ce massif montagneux unique en Europe que sont les Dolomites. Il y aura pour finir : Le Passo di Sella à 2240 mètres et Le Passo Pordoï 2234 mètres pour ne citer que les plus grands. 

       J’ai noté que les altitudes précisées sur les cartolines  Italiennes  sont sujettes à des variantes comparées aux cartes de route et autres relevés qui se veulent précis. C’est ainsi, mais peut être que cela a changé depuis le temps auquel je fais référence, que le Stelvio  prétendait être le col routier le plus haut d’Europe avec 2757 mètres, alors que l’Iseran, en France, est à 2762 mètres d’après mes sources prises chez Larousse !!!

      Peut être que les Italiens veulent ainsi se venger de notre insolence en nous ravissant le prestige d’un sommet, alors que nous gardons leur Joconde prisonnière chez nous depuis ......François 1er !!!!!

 

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       Quoi rêver de mieux comme aire de pique-nique qu’une vue imprenable sur La Sella. Quel spectacle que nous offrent ces alpinistes dont les corps agrippés à la gigantesque muraille de calcaire nous paraissent minuscules. Tels des araignées multicolores, ils progressent lentement vers une olympe qu'ils savent pouvoir atteindre qu'avec précaution et maîtrise. Ma passion pour l’escalade m’en fait regarder leur évolution dans les diédres ou sur des dalles, qui, vues d’où je suis, me paraissent lisses comme du marbre.

 

 

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                                                 Le Passo di Sella...dans la froidure 

 

 

 

       Chacun a sa façon de vouloir, non pas dominer, mais jouer avec la montagne. Si les deux approches, celle du cycliste et celle des adeptes de la varappe ne peuvent être mises en comparaison, elles portent cependant en elles un amour affectif, émotionnel pour cet élément, que l’on se doit de séduire pour en faire sa partenaire.

      Le Pordoï nous joue le remake de la Sella par la majesté de son paysage. Les fleurs, parmi les plus belles rencontrées en montagne, dessinent de chaque coté de la route un chemin aux couleurs de l’arc-en-ciel. De grands oiseaux, des rapaces dont j’ignore le nom, jouent à la ronde au dessus de nos têtes. Le chuintement des marmottes se répercute en échos d’une paroi sur l’autre dans un concert de singuliers sifflements. De l’eau à profusion roule sur le ventre de la montagne, puis dégringole en cascades pour se perdre au fond d’un gourd. Au loin, sur un sentier suspendu à la falaise, des marcheurs semblent faire du surplace tellement leur progression me parait lente.

       Je ne vais pas vous refaire mon discours sur la contemplation, mais un spectacle comme celui vu à partir de ma situation de randonneur à vélo, jamais je n’avais rien vu de pareil.

      Si nos Alpes, nos Pyrénées ont également du charme et leurs particularités, elles ne peuvent être comparées à l’originalité des Dolomites. Le sommet des montagnes présente une architecture ressemblant à des cathédrales hors dimensions humaines. Dans une comparaison analogue, des châteaux touchants les nuages sont habités par une peuplade de volatiles habillés de tristesse qui me font penser à des comtes écrits pour faire peur aux enfants. Le contraste est frappant entre les fleurs, symbole d’accueil qui décorent la terre et ce que l’on aperçoit en levant les yeux. La hauteur des colonnes minérales qui s’élèvent jusqu’à toucher le ciel, l’environnement aux dimensions surréalistes, le col que l’on se doit d’atteindre sur nos minuscules engins et que l’on aperçoit au loin comme se voulant inaccessible, représentent un challenge dont l’enjeu peut être écrasant. Ou, au contraire, jouissif au possible pour peu que l’on prenne conscience du bonheur que l’on vit à être là. Simplement être là.

      Oui, je suis retombé dans ce travers qui fait que l’exception me noie d’un bonheur enfantin, voire ridicule à certains égards, mais dont je refuse à vouloir me défendre de son invasion. Je suis heureux pour moi, pour mes amis, qui, et peut être de façon différente, partagent cette représentation de ce que sont ces espaces et moments uniques qu’ils nous sont donnés de vivre.

      Je suis comblé par ce que je vis au point d’en laisser le groupe filer, négligeant volontairement toute poursuite vers une conquête qui ne me motive plus. En effet, depuis le sommet du Stelvio, et pendant que s’égrenaient les minutes de l’attente, celle de voir arriver Bernard, ma lutte pour ce que je voulais être un jeu m’est subitement apparue inconvenante et déplacée. Dieu sait pourtant combien j’aimais, dans certaines conditions ou contextes, me livrer à ce type de pugilat à la pédale, mais là, subitement, je n’en ai plus envie. Tout autour de moi était trop beau pour que j’en perde le souvenir. Bernard, quant à lui, allait se trouver d’autres ‘’adversaires’’. Pour ma part, fini le nez dans le guidon, ce qui vient de se produire restera cette résolution qui va faire de moi, et jusqu’à Trieste, un randonneur enfin raisonnable.

      Le terme de l’étape, bien que se rapprochant, n’est toujours pas en vue. Une longue et très belle descente nous conduit à Arraba où face à nous se dresse la route qui indique le Campolongo. C’est par là que passe notre chemin. Il couronnera Bernard d’un succès bien mérité en franchissant le sommet largement détaché d’un groupe de poursuivants, dont, je l’ai décidé, dorénavant, je ne ferai plus partie

 

 

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                                                          Vue Sur le Campolongo

                      

 

 

      De grandes prairies servent de pâturages à des troupeaux de chevaux en liberté dont certains se sont rendus propriétaires de notre lieu de passage. Habitués à ce qu’ils soient nourris de pain et autres caresses, ils n’hésitent pas à venir solliciter notre générosité.

 

 

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      La vallée nous ouvre ses bras, mais le village que nous croyons être celui d’un repos bien mérité n’est pas le bon. Je commence à apprécier ma décision consistant à vouloir ménager la monture car pour rejoindre San Cassiano, le Col de Gardéna se dresse comme étant la condition afin de pouvoir rejoindre notre ville étape et monter en toute légalité notre toile de tente. Surprise, en pleine nuit l’aire aménagée au sein d’une clairière n’était pas seulement habitée par des humains, des biches et autres cervidés sont effet venus troubler notre sommeil en venant, au cours de leur visite, se prendre les pattes dans les cordages de notre campement !!!

 

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      Sublime étape. Aujourd’hui encore, et pour les jours qui suivirent, j’étais heureux pour les miens, pour ceux que j’aime et auxquels, intérieurement, je criais ma gratitude et ma reconnaissance pour ce bonheur qu’il m’était permis de vivre grâce à leur compréhension et à leur générosité de coeur. 

 

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      C’est dans ce décor que Pierrot et moi allions simultanément décider pour nos familles respectives de ce qui allait être nos prochaines vacances d’été. Elles eurent pour cadre notre itinéraire de Thonon-Trieste. Cela se passa ainsi en 1986. Pas à vélo, les enfants étant trop jeunes pour une telle épreuve physique, mais en camping-car et dans les traces même de notre circuit.

 

                                                                                   

 Le prochain épisode aura encore pour cadre les Dolomites, le point d'orgue de mon Thonon Trieste.

 

                                                                                   

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4 avril 2011 1 04 /04 /avril /2011 21:52

                         QUAND LE PLAISIR EST AU BOUT DE L’EFFORT, 

   

                         

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                    Vu d’en bas, le Stelvio s’était affiché comme une citadelle, comme un fort qui voudraient en défendre l’accès à tout prédateur. L’inclinaison de la route fait office de rempart symbolique, d’une annonce à vouloir résister et défendre chèrement le droit à quiconque d’en fouler la cime. Au regard, à qui côtoie son pied, l’image d’une mise-en-garde vous est lancée comme un défi.

       Certes, si pour moi, comme pour celui de mes camarades, le chemin fut long et la bataille rude, j’en garde ce souvenir impérissable que je ne cesse de vouloir raconter.

       J’avançais, non pas le nez dans le guidon, mais à l’inverse, en regardant autour de moi. Je puisais mes ressources, ma motivation dans un plaisir indescriptible de désinhibition  où il m'était permis de communier avec ce monde fait de brume, d'eau, de soleil et de roche. 

        Une fois engagé sur sa route, la relation s'est faite accueillante, amicale. Pas d’hostilité entre la montagne et moi, plus aucune appréhension. Je me savais accueilli. Je me sentais en terrain de connaissance, accepté comme peut l'être un invité qui se voit offir un cadeau. Mon esprit alimentait avec elle une forme de dialogue où il était imaginé les termes d’un pacte de non agressivité. J’étais en accord avec tout ce qui fait que l’on se sent heureux, sans toutefois en trouver les mots précis pour expliquer ce qui nous arrive. Serein, à présent tout mon Être s’employait à escalader mètre après mètre la pente qui m’élevait vers mon objectif. Alchimie mystérieuse également que cet accord qui s’instaure entre l’effort à fournir, la souffrance qui en découle et la vivance d’un plaisir dont la nature échappe à toute rationalité.

        Plaisir : Comment définir ce mot alors qu'il fut obtenu au prix d’un effort gratuit, non productif de surcroît et qui n’a de but quantifiable que pour celui qui y trouve un intérêt. La récompense s'y rattachant est celle que l’on s’accorde, que l’on idéalise, à la fois grande et fragile. Certains seront éphémères, alors que d’autres continuent à habiter notre grange à souvenirs. Je peux comprendre que cette représentation du plaisir, sa qualification en tant que telle, puisse paraître suspecte, bizarre au regard des contemplatifs !!!!

      Il a été dit par je ne sais plus qui, que l’Etre vivant n'a de cesse de vouloir se créer des besoins. Le plaisir répond à cette nécessité de désirs, sa quête l'entraîne à naviguer sur tous les horizons. Celui que l’on tente d’obtenir au bout de l’effort n’a pas à être justifié, pas plus qu'il n’a à être compris par ceux qui ne peuvent adhérer à ce type de satisfaction. Pour ma part, déjà, à l’élaboration du projet, je vivais par anticipation le bonheur de rouler sur ces pentes, de gravir dans l’ombre des forçats de la route ces cols mythiques dont les histoires racontées dans le Miroir du Cyclisme fin 1940 me servaient à fabuler dans certaines de mes rédactions rédigées sur les bancs du primaire.

 

        Bernard et moi en avions fini depuis un temps qui pour nous ne comptait plus. Le spectacle que nous offrait la montagne, idéalisé par notre volonté conquérante, en avait estompé la durée au point de ne plus savoir ce qui s’en était écoulée.

      C’est en ordre dispersé que le reste du groupe nous a rejoint. Le rassemblement est à présent au complet. La descente sur Prato-Allo-Stelvio, notre point étape du jour est la plus spectaculaire qu'il m’a été donné l’occasion de faire à ce jour. Sur une vingtaine de kilomètres, des virages en lacés, liés, imbriqués les uns aux autres, dénouent sous nos yeux les fils d’un labyrinthe conduisant dans la vallée. 

 

 

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        Il n’y a pas eu de bobo, pas d’incident durant la journée. Seulement de la fatigue. De celle dont on ne se plaint pas car elle est convertie en une charge positive dés le poteau franchie. Elle devient le témoin d’un ressenti qui déleste tout l’Être de ce qu'il a dû vivre dans une difficulté comprise et acceptée. Cette fatigue n’est pas douloureuse lorsque l’on arrive à bout de son challenge.

 

 

                                              DE TOURS EN DETOURS

 

                                          Depuis notre départ de Thonon les Bains, nous avons fait une première entrée en Suisse pas le Pas de Morgin puis, nous en sommes sortis après le col du Simplon, aux alentours de Gondo pour enter en Italie. Notre itinéraire nous entraîne en direction de Ponté di Grivola et ce jusqu’à Piaggio di Valmara. Nouvelle incursion en pays Helvétique par Locarno, le Splugenpass. Court retour chez les transalpins pour nous faire traverser Chavanna. Dans le souci de ne pas nous faire rater de cols, le Sieur Rossini, je le cite pour rappel, car c’est lui le concepteur de ce raid cyclo-montagnard, nous dirige vers la Suisse par Castaségna. La bascule définitive sur le sol Italien se fera par la Forcola di Livigno. Italie que nous ne quitterons plus jusqu’à la fin de notre voyage.

 

                                    20 Juillet...En direction des Dolomites

                                                                                                                                                    numérisation0007-copie-2

 

      Le village où nous avons passé la nuit se trouve en zone semi-montagneuse. Il est amarré au flanc nord de la partie basse du Stelvio.  Du coin où j’ai planté ma toile de tente, son sommet se devine. Ce matin, des nuages en coiffent la tête.

      Le départ est matinal. L’étape, quoique longue, est qualifiée de transition par Hubert !!. Le début est en pente favorable. La descente d’hier soir a gardé pour nous une réserve de quelques centaines de mètres d’une douce dénivelée. Le terrain, propice à l’échauffement, fut salutaire à notre musculature fortement mise à contribution la veille. Nous fûmes bien inspirés de démarrer prudemment, car la route que nous découvrons au terme des kilomètres, se remet à monter pour atteindre Le Passo Di Palade. Dans l’ascension, Hubert sort ce qu'il croit être ses braquets des bons jours pour obliger Bernard à se donner à fond. Exigence de revers ou humour de circonstance, l’intrépide se disant fair-play, abandonne la lutte pour se laisser glisser à l’arrière et finir avec Gérard !! 

 

      Au sommet du col, le gardien du refuge-restaurant nous sert un copieux repas. Bernard, heureux de sa victoire arrose de plusieurs chopes de bière les pois rouges qu'il vient de grappiller pour la reconquête de son maillot de meilleur grimpeur. Dans la descente, il suit Pierrot la tête dans le guidon. Excités à l’idée de nous jouer un mauvais tour en nous distançant, ils manquent l’embranchement de la route qui conduit à la Passe de la Mandola, le second col de la journée. Là, pour le coup, et pour une question de navigation, les plus rapides ne seront pas les premiers au sommet! 

 

 

 

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      Bolzano : la signalisation nous pose un problème. Nous ne trouvons pas le panneau qui doit nous indiquer Suisi. Enfin la route est trouvée. Route sur laquelle se produira un incident, certes sans gravité, mais qui m’oblige à vous apporter une précision!

 

 

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                                Comment, ainsi ficelés,  ne pas perdre......ses bagages!!......

 

      En fait, depuis le départ, seulement quatre d’entre nous voyageons en totale autonomie, ce qui n’est pas le cas de Gérard et Hubert qui se partagent une toile de tente. Sans doute mal ficelés sur son porte-bagages arrière, le passage de son vélo dans un nid de poule, et voilà que Gérard en a perdu les piquets sur la chaussée. Un camion arrive, branle bas pour un signalement d’urgence. Il est à quelques centaines de mètres. Il va, à n’en pas douter, écraser le matériel qui fera de nos camarades des Sans-logis pour le restant des nuits à passer d’ici à Trieste.

       Le chauffeur, ayant évalué la situation et sans doute apprécié le coté comique de notre agitation, est venu, par jeu, immobiliser les roues de son camion à moins d’un mètre du matériel de charpente de la guitoune. L’essentiel vient d’être sauvé. Échange amical avec le conducteur du véhicule qui, visiblement, s’est amusé à nous faire peur. Ouf de soulagement, pour ne pas avoir à accueillir des naufragés sous notre habitat dès le soir venu ! 

 

 

 

 

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           Le chargement de nos vélos rend dubitatif cet Italien quant à notre capapicité à pouvoir,                                           ainsi lestés,.......franchir les Dolomites!

 

 

       La fin d’étape est difficile, les sept derniers kilomètres accusent une forte pente et un soleil de plomb annonce un orage qui ne saurait tarder. Alors que les Bernard, Pierrot et les autres sont à la recherche d'un camping, Georges et moi avons repéré un panneau annonçant ''''pensioné di famiglia"" Le ciel ne laissant rien présager de bon pour la nuit, un toit et le confort d’un vrai lit ont eu raison de notre faiblesse à ne pas vouloir subir les caprices du temps.

       Demain sera un autre jour, notre carnet de route , nous l’imaginons, saura nous entraîner sur de nouveaux terrains d’aventures dont les histoires nourrirons les lignes du prochain épisodes.

 

 

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13 mars 2011 7 13 /03 /mars /2011 00:28

                                      LE GRAND JOUR. (R )

                                                    

                                                                                  

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       Mon temps d’éveil consécutif au vacarme provoqué par le bruit du tonnerre et de l’eau, que le ciel déversait sur ma toile de tente, c’est vu comblé par les images rencontrées sur le chemin parcouru depuis mon départ de Thonon. Je rappelle que le bilan que j’en tire à cet instant est sans tâche. L’entente dans le groupe est des meilleures et aucun pépin notable n’est venu perturber, à ce jour, la bonne marche de notre organisation. Les paysages traversés, dont les plus beaux sont fixés sur la pellicule de mon appareil photos, resteront à jamais des cartes postales rangées dans l’album de mes souvenirs.

      Notre cohabitation est une première, et sans que cela soit une surprise, une ambiance de sympathie mutuelle s’est spontanément installée au sein de notre petite communauté. Si Pierrot et moi avons, ensemble, une longue expérience du partage de la route, le voisinage avec les autres membres de l’équipe est nouveau dans le domaine de ce type de proximité.

      Porté par un projet collectif, mûri par les réflexions personnelles que chacun a pu exprimer, l’engagement fait en connaissance de cause est devenu en toute logique un objectif communautaire.

       Le groupe ne souffre d’aucune concurrence, si ce n’est celle toute amicale que nous opposons à Bernard pour ce qui concerne le très symbolique maillot à pois. Ce qui, à priori, peut laisser croire à un sujet à problèmes, s’est vu transformé en une succession de scènes théâtrales toujours comiques. Leurs préparations donnaient lieu à des provocations, des intimidations. Tout cela respirait bon la farce, même si une fois l’ultime démarrage lancé, le provocateur se devait, le temps du sommet franchi, être à la hauteur de son défi, afin garder bonne figure. Si à quelques occasions, et cela fut pour chacun de nous le cas, un jour ou l'autre, les causes de l’échec ont toujours été expliquées sur le ton de l’humour, de l’excuse bidon, jamais sur celui de l’amertume. Jamais, durant ce qui était devenu bien plus un jeu qu’un enjeu, il n’y eut de manifestations de mauvaises humeurs. Le verbiage à outrance, la mise en boite, les commentaires au ton exalté refaisaient surface le soir au restaurant. Sans modération, ils animaient nos soirées et celles des clients, dont certains prenaient part au spectacle. Parfois, la comédie que nous entretenions par une joute oratoire bruyante, nous accompagnait sur le chemin du retour à nos toiles. Emporté par notre gouaille, ils nous arrivaient alors de dépasser les règles de la convenance. Ces moments d’égarements, et même si nous prenions le soin de nous installer à l’écart de la foule des campeurs, nous attiraient alors des remontrances de ceux pour lesquels la nuit avait déjà commencé.

 

                            19 Juillet au matin, il fait un temps radieux. 

                                    De Livigno à  Prato Allo Stelvio

 

                                   

      Aujourd’hui, c’est l’étape monstre, celle qui va enregistrer l’addition au total le plus haut dans le domaine de la dénivelée. Au menu des entrées, la carte nous place en premier plat, la Passe del Eira, puis celle du Foscagno. Le Stelvio, plat de résistance s’il en est un, se situe au rang du dessert, en fin de parcours.

 

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                                          Les notes d'Hubert qu'il prenait en roulant.

 De même, il faisait des photos sans s'arrêter de peur de se voir distancer et de perdre ses chances de pouvoir disputer sa place au sommet des cols!

 

             Nous savons tous que cette étape ne sera pas neutre, que face aux annonces faites depuis des semaines en ce qui me concerne, et depuis hier par Bernard, la bagarre aura bien lieu. J’imagine déjà ce que seront les mises en scènes autour de nous et je sais d’autre part qu’il y a des contestataires à mes prétentions ! Ma méfiance devra donc se porter, non seulement sur Bernard, mais sur l’ensemble de ceux que je considère aujourd’hui comme étant des rivaux potentiels.

       À défaut d’être des amis de longue date, nous nous respectons les uns les autres, cela va de soi, mais je ne les crois pas disposés à m’offrir le gâteau et la cerise, sans m’avoir mis en situation de les mériter! Je connais leurs ruses redoutables pour avoir été l’un des leurs dans des stratégies d’attaques lors des jours précédents. Attaques qui visaient Bernard, afin de lui montrer notre détermination à vouloir le contrer. Leurs malices mises de concert peuvent entraver ma route. Je les sais coquins, farceurs, éléments de nature à mettre de l’ambiance, mais également dangereux pour l’objectif que je vise.

      Pour paraphraser Philippe II Le Hardi, qui lors de la bataille de Poitiers, s’adressant à son père Jean le Bon que les Anglais entouraient et menaçaient de toute part, je vais devoir me garder à droite et me parer des attaques pouvant survenir de ma gauche tellement je pressens des machinations possibles et dont je pourrais bien être la cible !

      Le départ se fait à douce allure, la prudence est de mise. Le Passo del Eira se profile à l’horizon. Il est à 2208 mètres, de quoi nous amener à être raisonnable. D’autant plus qu’il sera, après la descente, suivi du Passo di Foscagno à 2291 mètres. La route est longue mais les pourcentages ne sont pas méchants. Je ne vais pas recommencer dans la description des paysages que nous traversons. Sachez seulement qu'ils sont beaux. Depuis trois jours, les montagnes présentent des sommets neigeux dont la luminosité éclaire nos ascensions. 

 

                                 Une aubépine de haute montagne

 

             Rencontre insolite, une aubépine  en fleurs à plus de 2000 mètres d'altitude !

 

 

                Je devrais le taire pour m’éviter d’être pris pour un parano, mais dans cette ambiance je me trouve être l’égal du roi du monde. Je baigne dans un bonheur total. Moi le bavard, le turbulent, je m’isole soit à l’avant ou décroché, pour vivre ce moment en égoïste, pour me l’approprier, le fixer à tout jamais dans cette mémoire qui me permet, encore, des décénies plus tard de vous en restituer le vécu. Mémoire aujourd’hui secondée grâce à l’aide des notes prises sur le vif et à celles empruntées pour la circonstance au livret rouge d’Hubert.                                   

      Par des montées, des descentes interminables, des toboggans à l’échelle surdimensionnée, la route nous rapproche d’immenses montagnes qui se profilent à l’horizon. C’est un peu avant le sommet de Foscagno qu’une crevaison arrête la caravane. Gérard, monté sur des pneus fins se retrouve à rouler sur la jante. Il est, avec Georges, le plus calme de notre tribu. Présent et participatif sûrement, mais il reste toutefois dans le registre de la discrétion, contrairement à d’autres, dont je fais partie. Ceci dit, je le sais complice d’Hubert et quand il s’agit de mettre le feu aux poudres il n’est pas le dernier pour enfoncer le clou. Je vais m’en méfier dans le Stelvio, où pour faire diversion il peut avoir l’idée de s’échapper et je le sais capable d’aller au bout.

      Le bas du col nous offre une aire de pique-nique dont nous profitons avant d’aborder le dernier obstacle, que dis-je ? L’Himalaya du jour. Des tables, des bancs représentent un véritable luxe pour les espèces de vagabonds que nous sommes au milieu de touristes italiens tirés, eux, à quatre épingles. Les transalpins, même sur l’herbe se veulent élégants. J’en ai vu en cravate, manger sur des nappes brodées, serviettes assorties et vaisselle en porcelaine. Certains poussaient le raffinement à boire dans des verres à pied, qui posés sur un sol instable, donnaient une image prêtant à rire !

      Je revois la tête que faisaient les enfants propres comme des sous neufs, nous regardant piocher notre nourriture avec les doigts et moi boire dans mon car en aluminium, culotté par des reliquats de café et de boissons de toutes sortes. Qu’ont dû penser ces gens de moi, de nous, à me voir boire dans ma timbale tirée des stocks d’un matériel réformé provenant sans doute de la guerre d’Indochine ? À tout vous dire, cela m’importait peu, ma conscience était ailleurs. Elle vivait les moments d’un luxe que je m’offrais et dont leur esprit était sans doute à mille lieux d’imaginer.

       Pour nos repas champêtres les achats se faisaient généralement la veille au soir au village étape, parfois même dans le petit commerce du camping. Selon les exigences des becs fins du groupe, il nous fallait trouver un plus grand magasin. Je me souviens d’une envie de l’un des camarades qui avait, un jour, voulu manger à tout prix du saumon fumé dans son sandwich !

        D’un havre de verdure, d’un air rafraîchi par l’eau du ruisselet qui bordait l’aménagement de notre coin dînatoire, sans transition, une atmosphère de fournaise nous saisie dès notre bicyclette enfourchée. L’air du fond de vallée qui nous conduit d’abord vers Valdidentro est pesant, lourd. Lente montée vers les masses imposantes de plusieurs montagnes, sans encore savoir celle sensée devoir nous accueillir pour notre passage. Elles se dressent face à nous dans une attitude insolente, dans une posture semblant vouloir nous mettre au défi d’en accrocher leurs pentes. Contrairement à La Maloja qui laissait voir, bien dessinée devant nous la route qu’elle nous proposait, ces montagnes là ne laissent rien apparaître d’un tracé permettant de les gravir.

                                                                     

      À l’approche de Bormio la situation s’éclairci. Une cime se devine, se distingue des autres. Son profil, rendu familier par la documentation qui nous a servi à la préparation de ce raid, ne prête à présent plus à la confusion. Le morceau du roi, celui qu’il va falloir chercher en son sommet est là, devant nous.

       Si cela peut s’évaluer en dépense physique, le Stelvio, abordé après deux ascensions majeures dans la journée, représente, en terme d’effort, bien plus qu’un Ventoux compte tenu de son altitude. Au dessus de 2000 mètres la carburation est plus difficile et là, l’escalade frôle les 2800 mètres. De son pied à la ligne de bascule il y a une vingtaine de kilomètres pour 1532 mètres d’une dénivelée à près de huit pour cent de moyenne.            

                                                                                                                                                                                                                                                                                                  

    Il fait chaud, très chaud. Le ciel est sans un nuage. Il arbore ce bleu qui est particulier aux Alpes en période de chaleur exceptionnelle. Il n’est pas celui de Cyan, n’y celui de Prusse bien trop foncé. Il est un mélange des deux. Il est superbe. Il est d’un azur que le peintre amateur que je suis ne peut en reproduire la valeur, et qui de toute façon, n’oserait pas la poser sur une toile tellement il parait surréaliste. La luminosité est éblouissante même à travers mes lunettes aux verres pourtant fortement colorés.

      Les premiers kilomètres se font en groupe. Des œillades de la part de Pierrot, de Hubert, de georges et de gérard fusent en ma direction, à l’exception de Bernard qui depuis le début de la pente reste dans ma roue. Ils se relaient et me tournent autour pour me provoquer, m’obliger à prendre ‘’mes responsabilités’’. Sans avoir besoin de les entendre le verbaliser, je sais ce qu’ils veulent me dire. 

    Effectivement, je suis au pied du mur et c’est à moi d’abattre les cartes, mes cartes. Je crois comprendre qu’ils souhaitent nous voir les laisser monter à un rythme qu’ils veulent choisir. Ils ne viendront donc pas nous mettre des bâtons dans les roues. Ils ont décidé que cet engagement n’est pas le leur et nous laissent le loisir de nous expliquer en toute liberté. Conformément à ce qu’avaient laissé supposer mes camarades, sans avoir eu besoin de me retourner, rapidement je sus que nous n’étions plus que deux.

      Je me dois de rappeler pour écarter tout malentendu entre vous qui me lisez, et la description que je fais de nos traquenards par manivelles interposées, nos confrontations depuis le départ ne relèvent d’aucune animosité. Elles reflètent un état d’esprit qui se veut bon enfant, espiègle, pétillant au sens sportif du terme. Il s’est trouvé que Bernard et moi aimions cette conduite qui admet la dualité. Entraînés à l’effort, ayant lui et moi une bonne expérience de la montagne, nous savions à quoi nous engageait ce type de fantaisie. Ce que nous avions sans doute en plus que nos camarades, c'est ce brin de folie qui n’est autre que le trait de nos tempéraments !

       Le train n’est pas rapide, sans doute moins de dix kilomètres par heure au pifomètre, ma randonneuse n’etant pas munie d’un compteur. Je ne m’emploie pas à fond. J’évalue ma dépense à ‘’80% cuisses’’. Bizarre me direz-vous comme indice de référence, mais il est le mien et il me donne plein d’indications.

       Bernard remonte par moments à ma hauteur. Il vient me rendre visite, prendre des indications sur mon état de forme. Un petit ‘’comment ça va’’, un sourire et il disparaît à nouveau pour se laisser glisser à l’arrière et venir se caler dans ma roue.

       Bernard, c’est le rigolard du groupe, toujours de bonne humeur, le mot gentil, le comportement généreux. Sans que l’on ait eu auparavant l’occasion de se découvrir dans ce type de ‘’couillonnades’’, une complicité s’est mise en place pour le meilleur du sport et pour le rire.

      Elle est restée le gage de cette entente jusqu’à Trieste. Ce qui était devenue une animation quotidienne, dont chacun s’improvisait acteur à la forme du moment, a donné à nos étapes une couleur de kermesse où le comique était à la fête.

       À l’avant, les visites de Bernard commencent à se raréfier. Un soleil brûlant fond le maigre revêtement goudronneux de la route qui se soulève en une quantité de petites de bulles. Je le devine à la peine d’autant que les premiers kilomètres parcourus m’ont pleinement rassuré sur un état de forme comme je les aime . Depuis quelques centaines de mètres, j’ai pu descendre de deux dents sur ma roue libre. Deux dents de moins, soit 28x24. Je suis dans ‘’mon affaire’’, tout baigne. J’enroule le braquet tout en ménageant la monture !

       C’est parti pour quelques milliers de tours de roues. Je me suis entouré d’un Univers que je sais mettre en place, un environnement qui m’accompagne, qui me guide, qui me rassure. Je suis là, bien présent, et ailleurs à la fois. Je me contrôle, je me programme dans l’effort à fournir.

       À partir de cet instant tout change, Bernard n’est pas, n’est plus un adversaire à battre. Il devient ce compagnon de route que j’espère sacrifier sur l’autel d’un engagement dont les raisons m’appartiennent. Il me devient proche dans des émotions que nous sommes seuls à partager. Lui dans son voyage et moi dans le mien.

      La fraîcheur rencontrée sous l’un des longs tunnels que nous venons de traverser redonne de l’énergie à Bernard qui d’un coup de reins me passe pour s’en aller à une cadence que je ne peux pas suivre. Je suis surpris du braquet qu’il tire. Je pense qu’il est en train de me la faire à l’esbroufe, et que nous nous reverrons. Non pas un jour ou l’autre comme dans la chanson de Charles Asnavour, mais bientôt. À moins que depuis le départ il m’ait joué la comédie du faiblard d’en le but de vouloir m’endormir. Une centaine de mètres nous séparent, la route monte en ligne droite. La pente est de plus en plus raide. Des bâtiments s’étalent au loin, mais ils ne me paraissent pas être assez hauts pour indiquer le sommet. Mon impression n’a pas mis longtemps à se confirmer, la Passe est à quelques kilomètres au dessus. Bernard, bien plus jeune que moi et une vue sans ombre, a dû croire que nous n’étions pas loin du bout et a voulu me le faire au sprint. En effet je suis un grimpeur au train, les accélérations violentes, très peu pour moi, et cela le coquin a eu l’occasion de le repérer!

      Il s’agit en fait du village de Braulio et non de la station construite au pied de la trouée qui couronne le passage permettant de basculer vers Prato-Allo-Stelvio.

       Dés les dernières maisons passées, les lacets hissent la route vers la cime en déroulant des méandres à perte de vue. Un monde minéral sur lequel l’eau saute de cascade en cascade éclabousse les rochers, faisant fleurir par endroits de minuscules arc-en-ciel. Je suis au Paradis dans cette ambiance que je qualifie de lunaire, aux Anges même, d’autant que je viens de rattraper Bernard. Trahi par le mirage du village trompeur, il présente la mine des mauvais jours. Un rictus que j’ai déjà eu l’occasion d’observer n’annonce rien de bon pour lui. Le --comment ça va -- ? que je lui adresse n’obtient pour toute réponse qu’une longue expiration. Mélange d’expression de lassitude et de déception pour s’être laissé emporter par l’illusion de ce qu’il avait cru, ou voulu croire comme étant le  trône de son couronnement.

 

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                                        Dans le Stelvio: 90 kilos à monter au sommet!

 

               Je suis seul. Bernard a perdu pied. La chaleur une fois de plus a eu raison de lui et les efforts consentis inutilement au cours de cette longue accélération ont sans doute achevé de le démotiver. Je pédale vers mon sacre, mais pas pleinement heureux. Même si je me suis assuré qu’il allait bien, même si je ne le sais pas isolé, le reste du groupe est derrière nous, j’ai le regret de ne pas avoir su être charitable, magnanime.

      En levant la tête, c’est évident, la tranchée que j’aperçois et qui pourfend la montagne ne peut être que le col. Perdu dans mes pensées et absorbé par l’effort, j’ai raté le contrôle de l’Umbrail-Pass. Il s’agit d’un point de vue qui effectivement figure sur le carnet de route. Ceci dit je ne serais pas le seul, Bernard et Pierrot l’on également escamoté. Pour rendre justice à ce dernier, il parait qu’il est redescendu pour ne pas être contrevenant au règlement du Sieur Rossini ! Le monsieur, auquel une fois la randonnée terminée, nous aurons à expédier notre carnet de route pour la validation de notre Thonon-Trieste.                       

       Je devine le dernier virage qui va terminer mon ascension. Depuis un moment j’ai ralenti mon allure. Je peux distinguer les skieurs qui descendent sur une langue glacière jusqu’à la route sur laquelle je vais arriver. Je roule au pas, l’esprit habité par une foule de pensées.

 

                                                                                             

 

       Subitement l’une d'elle m’attriste. Je viens de réaliser que je suis seul au milieu de ces gens qui ne me sont rien. Mes collègues ne sont pas là, peut être loin derrière, et Bernard qui n’arrive pas.

       Encore aujourd’hui, je ne peux toujours pas dire ce qui a motivé mon attitude, mais la vérité reste la même. Je n’ai pas, seul, pu aller au bout. Oui, avec la volonté délibérée de lui tourner le dos, je me suis arrêté et mis pied à terre à quelques dizaines de mètres de la ligne blanche qui marque le passage au sommet. Oui, je pleurais. À la fois de bonheur pour en avoir fini comme j’en avais rêvé et de tristesse sans pouvoir m’en avouer la raison. Le  temps s’écoulait. Je scrutais en direction de la sortie du virage, de la route qui m’avait posé là, observant, espérant à tout instant voir déboucher le maillot et les sacoches rouges de Bernard.

      Ému en lui voyant le visage marqué par la fatigue et la chaleur. Encore plus ému de le voir sourire. Manifestation rassurante que j’ai remarqué de loin et qui, le connaissant bon joueur, m’acquittait de tout reproche. Quelques mètres avant qu’il ne me rejoigne, je suis monté sur ma randonneuse pour que nous puissions rouler de front. Spontanément, sans calcul, nos mains se sont alors rassemblées, et c’est les bras levés comme à la parade que nous avons, ensemble, franchi la ligne. Ce qui venait de se passer m'autorisait enfin à regagner le droit d'être pleinement heureux. 

     

                                                   Bernard, tout en rouge....enfin                                                   

                                                                                                                                                                                                           numérisation0002-copie-5              

 

           En effet, la victoire, si de victoire il s'agissait, ne pouvait me réjouir qu'à cette condition.   

 

 

 

                                                              

                                                                         

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3 mars 2011 4 03 /03 /mars /2011 19:02

                                      REFLEXIONS

 

 

                      Livigno, nuit du 18 au 19 Juillet 1985.

 

        Ma tente est agitée par un vent qui petit à petit s’emballe. Mal tendue, la toile de la doublure battant au rythme des rafales est venue m’effleurer le visage. Me voila réveillé. IL fait très noir.

 

 

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       Je dors sous une petite canadienne achetée au Vieux Campeur. L’ensemble de mon matériel provient également de cette maison spécialisée dans le registre du vacancier itinérant. Il en va ainsi de mon mini camping-gaz, de la petite vaisselle, du pack comprenant le sel et le poivre, et de la carafette en plastic qui fait pour l’huile et le vinaigre. Il avait été plus où moins convenu que l’autonomie serait un garant pour chacun, au cas où l’un d’entre nous ne pourrait pas continuer le chemin. Le récipient me servant à boire le café du matin, parfois la soupe ou tout autre liquide, n’est autre que mon car de militaire que j’ai volé en représailles pour de les vingt huit mois retenus sous les drapeaux. A part les rencontres de camaraderies heureuses, il reste le seul souvenir de cette période. Souvenirs de bons coups bus entre amis alors que nous avions vingt ans. Je n’ai pas de nostalgie particulière de cette époque. Ce retour veut bêtement préciser que tout homme qui a vécu ce qu’il est convenu d’appeler l’armée, se souvient de ce qu’a pu représenter son car !

       A présent ma crainte se confirme. Le vent était en fait les prémices à l’orage qui gronde, se rapproche et s’abat sur ma frêle habitation. Je suis bien équipé, la toile est imperméable. Je suis sur un matelas auto-gonflable, certes un peu dur mais qui m’isole bien du sol. Quant à mon duvet c’est un moins trente degrés. je ne risque pas d’avoir froid. Le vacarme que produit le phénomène a également sorti mes collègues de leur sommeil. Des échanges chuchotés véhiculent entre nous des informations rassurantes. Personne ne prend l’eau.

      Entendre pleuvoir alors que l’on est pelotonné dans ce qui reste un lit douillet est une situation particulièrement agréable et propice à la réflexion. A défaut de pouvoir me rendormir, je refais le chemin à l’envers. Le départ de la maison ce 13 juillet, les embrassades des enfants, les tendres recommandations de prudence de mon épouse qui me sait un peu foufou en descente. Rémi, notre jeune fils est inquiet quant à savoir si je ne vais pas me perdre en route :

----Papa, pour revenir, comment tu vas faire ? Dans combien tu reviens ?

----Une quinzaine de jours, trois fois les doigts d’une main.

      Je me revois lui tenant un discours ‘’cucul la praline’’ qui se voulait rassurant, comme s’il était encore un bébé. Et lui de me rappeler qu’il savait compter. Effectivement à neuf ans, déjà 9 ans, l’on sait au moins aller jusqu’à quinze !

      Magali, notre fille de dix sept ans ne semblait pas soucieuse quant à ma capacité à retrouver la maison. De plus, elle savait pouvoir négocier quelques sorties avec sa maman sans m’avoir sur le dos avec mes recommandations de papa poule. Je me savais accompagné de son affection et de celle de son frère. Je savais ma Jojo consentante sans restriction à ce besoin d’escapade dont elle devinait le plaisir qui allait être le mien.

      Pendant la projection du film qui déroulait ces images, je me suis surpris à devoir maîtriser des montées humides qui venaient gonfler mes paupières. Le phénomène n’avait rien à voir avec les conditions climatiques du moment. Ce qui n’était pas tout à fait des larmes me faisaient revivre des sentiments aux multiples facettes. Je pensais à eux, à leur générosité, à leur compréhension, à leur amour. Je pensais à mille choses à la fois. mille choses qui avaient un dénominateur commun, sans toutefois pouvoir dissocier le mot bonheur de celui de chance. Chance de les avoir à moi et pour moi. Chance d’être en forme et de pouvoir optimiser tout ce que ce voyage m’offrait au plan des paysages traversés, de l’accueil des personnes rencontrées, de l’expérience humaine vécue. Chance, de pouvoir goûter au plaisir qu’il y a à grimper des montagnes répertoriées parmi les plus belles d’Europe.

       Le bonheur, mon bonheur est grand. Il est simple. Il est au bord de la route. Il est là tous les jours y compris dans la difficulté. Il est entier car il satisfait un désir. Il est l'aboutissement d'un projet, d'une aventure, d'un rêve que le cyclo que  je suis a le loisir de pouvoir réaliser.

 

 

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      Parti à faire l’inventaire des six jours écoulés, soit la moitié du temps prévu pour boucler le parcours, il m’est agréable de constater qu’aucune ombre n’est venue à cet instant entraver le déroulement du programme concocté par Hubert. Malgré la galère d’avant hier, la distance parcourue a été conforme à une avancée qui n’a pas mis en péril l’homologation de notre périple. Il nous reste six jours pleins pour rallier Trieste et la fin du parcours sera roulant. Nous n’avons pas eu d’incident mécanique notable à l’exception de deux crevaisons. La chute, qui peut réduire à néant l’espérance du cyclo nous a jusqu’alors épargné. Redoutable et redoutée par tout rouleur, elle peut survenir sans pour autant avoir commis d’imprudence. Un chien, un chat, une pierre sur la chaussée à la sortie d’un virage et de surcroît en descente et tout peut basculer. Redouté également l’accrochage entre nous quand par vent de face, pour nous protéger mutuellement, nous roulons positionnés roue dans roue.

      L’entente est parfaite. Dans le respect d’un accord tacite mentionné dans l’un des paragraphes précédents, chacun garde le loisir d’exprimer ses aptitudes dans l’ascension des cols. D’ailleurs ‘’la compétition’’ qui s’organise autour du maillot à pois que l’on dispute à Bernard génère régulièrement des accélérations qui font éclater notre peleton. Les arrivées au sommet se faisant en ordre dispersés, un regroupement s’opère une première fois au terme de l’effort, puis au bas de la descente. Chacun, là aussi, effectuant le trajet à sa main et selon son savoir-faire. Les distances comprenant du terrain plat, profil à la caractéristique rare pour être souligné, ainsi que les remontées de vallées, se font groupées. Sur ces tronçons où circulent des courants thermiques, rester ensemble permet de s’organiser pour lutter contre le phénomène. A tour de rôle, un meneur nous en coupe l’aspect désagréable et épuisant. Cette tactique permet d’améliorer la progression à une bonne allure de l’ensemble du groupe et sans débauche d’énergie individuelle. La prise au vent se limitant pour chacun à son temps d’homme de tête.

 

      Il pleut toujours et mon esprit vagabondant d’une scène à l’autre m’amène à sourire quant je pense aux passe-d’armes livrées au cours des ascensions déjà effectuées. Depuis hier et par un calcul de décompte que gère Hubert, Bernard m’a repris le maillot à pois. Bien décidé à le défendre bec et ongles, il  promet de me livrer un combat de Titan dans le Stelvio dont il sait que j’en ai fait mon point d’Orgue. 

      A l’occasion du repas de fin de journée, ces passe-d’armes nourrissent quotidiennement nos conversassions de comptoir. Les palabres, accompagnés de leurs scénettes, de leur jeu théâtral dont je me fais le chantre auraient pu fournir à Marcel Pagnol des éléments pour un film comique. Le spectacle trouvait son public parmi les clients des restaurants de campagne dans lesquels nous nous arrêtions le soir. En effet, beaucoup d’anciens de ces contrées avaient dans les années 1940 et plus, travaillés en France dans les métiers du bâtiment. Fiers de nous montrer les souvenirs qu’ils avaient gardé de notre langue, certains intervenaient, se mêlaient à nous pour finir la soirée. Dans un accent que personnellement j’aime beaucoup, ils nous racontaient certains de leurs souvenirs, ceux du temps où ils étaient encore jeunes et vaillants. Combien de ces rencontres auraient pu devenir des relations durables tellement nous nous sentions en terre amie.   

                                                                                                                                                                    El pierrot

      C’est Pierrot, de sa voix de stentor qui me sort d’un sommeil profond. Je m’étais rendormi, sans doute sur le tard. C’est le lève-tôt du groupe qui gentiment fait chauffer de l’eau pour la préparation des boissons du réveille-matin. Cela va du café classique à la chicorée, au tonimalt, au caro, mixture hybride dans laquelle rentre plusieurs espèces de céréales grillées et dont notre doyen se délecte. Le petit déjeuner, le copieux, le consistant est pris dans le premier bistrot rencontré sur la route de l’étape.

       19 Juillet, le temps s’est levé, mais le soleil n’est pas suffisamment chaud pour sécher les toiles de tente qui sont rangées humides dans les sacoches. La troupe s’ébranle dans un chahut qui surprend des jeunes campeuses en nuisette. Elles s’agitent devant nous sans que nous sachions s’il s’agit d’un bonjour collectif ou d’une manifestation désapprouvant notre attitude cavalière et peu civique au regard des pensionnaires des lieux. 

      Je l’annonçais dans l’épisode précédent et depuis l’origine de la mise en perspective du projet, ce jour est pour moi celui de tous les challenges. Le Stelvio, 2758 mètres, est non seulement le point culminant de notre étape d’aujourd’hui, mais le sommet le plus haut que nous aurons à franchir au long de ce raid. Il est celui que je veux épingler au registre de mes souvenirs, celui que je veux disputer à qui voudra me le contester. 

       Je suis préparé psychologiquement au défi que je me suis posé. Il va au delà de toute conquête. Il est ma fantaisie. Il est mon besoin solitaire. Il veut satisfaire un caractère de compétiteur dont l’enjeu est de me vouloir fidèle à mes annonces. Il est sans doute ce que peut être vous ne comprenez pas et je peux le concevoir. Il est peut être également ce que ma raison ignore ou feint de vouloir vous cacher ! 

                                                                               

       Le prochain épisode du feuilleton : ‘’Thonon-Trieste’’ vous sera commenté prochainement et dans les détails de ce que fut l’étape !!!    

                                     

      Il me restera ensuite à vous parler de notre circuit dans Dolomites dont les paysages surréalistes offrent au plus loin que la vue porte, les plus grands décors pour un cinéma fantastique.

      Il y aura, plus tard, la traversée du Frioul, puis enfin la mer. L’Adriatique qui sera le signal de la fin du voyage.

                                                    

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21 février 2011 1 21 /02 /février /2011 18:31

 

                                                  Quand la suite est un enchantement......

 

                                                                                                                                                                                                       Lac prés du col de Maloja

                                                              Sur la route de la Maloja.

 

      Hier soir, il n’y eu pas de toile de tente à monter, pas de couchage à installer. Le confort de l’hôtel aussi modeste qu’il fut nous offrit un luxe fort appréciable. Pour ma part, j’ai fait chambre avec Georges. Nous ne nous connaissions pas avant ce projet qui nous réunit pour rouler ensemble vers Trieste. Il travaille dans la même société que Bernard et Hubert. Contrairement à moi il est peu bavard. La veillée fut brève.

       17 Juillet. J’ai envie de dire déjà et.....seulement. Depuis notre départ, je vis le temps avec une telle intensité que sa notion m’est devenue imprécise. Quant au seulement il vient me rappeler tout ce qu’il me reste, qu’il nous reste à parcourir pour atteindre notre but. Aujourd’hui nous ne sommes pas encore à la moitié du voyage. Il reste du pain sur la planche et nous savons que la difficulté va aller crescendo.

       Ce matin, courageusement le soleil troue l’épaisse couche de brume pour venir saluer l’équipe que nous formons et qui s’apprête à reprendre le vélo. Le signe est révélateur d’une belle journée. La nuit a été réparatrice, le moral est revenu au beau fixe. Les rincées à répétition de la veille, je peux l’avouer, avaient entamé notre optimisme quant à l’idée de devoir repartir sous la pluie si tel avait dû être le cas.

       Le petit déjeuner pris à l’hôtel nous met dans les meilleures conditions possible pour entamer une route qui sera montagneuse. Des chèvres en liberté saluent notre départ. Sans pudeur, sans préambule une jeunette est venue faire du gringue à Hubert. La photo témoigne d’une proximité qui écarte tout doute sur la volonté qu'a cette dernière à vouloir le séduire!

 

                                 Hubert le séducteur....

 

   Hubert et sa chévre pour une photo souvenir. Pendue en bandouillère autour de son cou,          Bernard et sa corne de brume lui servant à claironner ses victoires au sommet des cols.

 

                   

      Plus loin, un troupeau de vaches nous barre la route. Avec précaution nous nous engageons dans un slalom qui ne manque pas d’originalité. En effet, mieux valait passer hors de portée de ces dames cornues, certaines nous regardant d’un œil noir. Il a fallu également savoir jouer d’adresse pour ne pas rouler sur les innombrables bouses qui recouvraient la chaussée au risque d’en porter l’odeur derrière soi !

      Nous remontons vers la source du Rhin. La nature est magnifique. L’allure adoptée permet un regard attentif sur les parterres de fleurs surfaçant des étendues d’herbes prêtes à être fauchées. Effectivement, nous roulons raisonnablement. Nous pensons qu’une partie de manivelles va se jouer dans le Splugenpass. En fait, à part la pente à gravir, rien de spécial se passera dans cette ascension. Aujourd’hui, la sagesse et la prudence semblent avoir pris le pas sur le comportement agité de certains membres du groupe !!!

 

                                Les tunnels du splugenpass

 

      La descente nous entraîne dans un florilège de virages en épingles à cheveux. De grands précipices s’enfoncent pour disparaître dans le ventre de la montagne. Pour conclure sur la spécificité des lieux, une succession de tunnels, percés pour la plupart sans doute depuis des siècles nous ouvrent la route sur une vallée où se nichent de très beaux chalets.                     

        Pour cette journée rien de spécial à vous signaler, sinon le plaisir de faire route avec des copains de partage. Avec des amoureux, comme je le suis, de tout ce qui nourri la passion du vélo. Rien de particulier si ce n'est le régal des yeux qui font la  provision  d'images des somptueux paysages alpestres. Rien de spécial à vous dire à part celui d’avoir le privilège de pouvoir m’offrir quotidiennement et à répétition des spectacles aux décors flamboyants. Rien, vous l’aurez compris est une douce litote, un euphémisme pour souligner la dimension de mon bonheur à traverser ces instants de vie.

       Plus terre à terre, et pour ce qui est de la conquête des points pour le maillot, les forces vives semblent avoir voulu se réserver pour plus tard, ...pour demain. Hubert, non sans malice, dira au cours du repas du soir que j’ai prétexté vouloir faire des photos pour camoufler’’ un jour sans’’. Personne, à part moi ne peut répondre à ce doute, mais je vous le livre aujourd’hui, et n’en déplaise à qui en douterait encore, ....j’étais bien.

      Je pense déjà au Stelvio qui se rapproche de notre route et dont j’ai décidé depuis la préparation de ce raid d’en faire mon préféré. Les photos que j’en ai visionné m’ont gonflé à bloc. L’ambiance du monde minéral qui accompagne la fin de son ascension sera de nature à me survolter. J’ai aimé, à chacune de mes tentatives, le relief de l’Izoard et de sa Grande Casse qui ont cette particularité. Je sais me dépasser dans ce type d’univers. Je suis en forme, j’ai pu me tester à plusieurs reprises depuis le départ. Et puis...j’y crois...

       Gondo arrive à point sur notre parcours pour nous servir de ville étape. Implantée sur la route du Simplonpass, la bourgade est là depuis l’antiquité. Les Romains y avaient leurs mines d’or dont l'extraction ne s'est arrêtée qu'à la fin du siècle dernier. La région organise encore de nos jours des stages pour les orpailleurs.

                          ____________________________________________                                                                                                                                                                        

       18 Juillet. Départ pour le col de la Maloja. La route se faufile au milieu des mélèzes et autres résineux. Tranquille, une petite rivière fait son lit entre les rochers. L’ambiance des lieux est bucolique. A l’unanimité, la qualité du paysage est classée quatre étoiles sur le guide de nos appréciations dans ce domaine, guide qui en compte cinq. La journée est l’une de celle où l’on s’incline avec compassion sur le sort des personnes devant travailler murées dans un bureau.

       La grimpée s’annonçait sans grandes difficultés. Tout était pour le mieux dans ce monde de quiétude quant brusquement un mur se dresse devant nous !  

       Au détour d’un virage faisant suite à une longue ligne droite comme c’est quelquefois le cas dans les fonds de vallée, la montagne se découvre à nous telle un imposant rempart. Des lacets s’empilent les uns sur les autres pour former une route au profil hallucinant. De droite à gauche, sur le versant qui nous fait face, elle étire un long ruban qui serpente pour se hisser vers un sommet que du bas l’on devine. Sur son tracé, à mi-hauteur, des voitures au semblant de miniatures paraissent être épinglées à la paroi. Impressionnant est un faible mot pour traduire ce que l’on découvre et qu’il nous faut à présent escalader.

 

 

 

                                            Le col de Maloja.

 

                                                         La Maloja                                                                     

 

       Pour ma part et face à ce type de difficulté je déroule un processus mental qui consiste en un dialogue interne, muet. Je précise, car déclamer à haute voix le contenu de mes divagations m’auraient sans doute valu des séjours en psychiatrie! Oui, il me faut trouver, en dehors du fait de devoir avancer, une raison spécifique et autre que celle répondant à la seule logique de pédaler pour pédaler.

      Fêlé le bonhomme me direz vous ? Oui sans doute mais je le sais et je me soigne. Mon traitement ne comporte pas de contre-indication. Il n'a pour séquelles que des souvenirs dont il me plaît de vous faire part... Plus sérieusement, et même s’il y a du vrai dans la façon de m’auto-motiver, chacun doit trouver le moyen de s’évader pour ne pas trop subir l’effort qui en fait, et malgré les idées reçues à ce sujet ne peut pas être gratuit au risque de s’en lasser sans avoir eu le temps d’en tester les bienfaits ! Chacun se doit de cultiver ses raisons ou motivations. La recherche de l’effort pour le seul plaisir de souffrir s’inscrirait alors, et pour des signes répertoriés, dans le registre de la pathologie !             

 

                                               La vallée de St Moritz

                                                                                                                                                           La vallée de St Moritz

 

      La désescalade nous entraîne dans la vallée de Saint Moritz dont la réputation n’est plus à faire depuis longtemps. Nombre de familles régnantes y ont un chalet ou une villa dans la station de ski. L’entrée de la ville arbore une flopée de drapeaux qui soulignent la présence en ces lieux d'une résidence appartenant à un Président, à un  Prince ou à un Roi.                                                          

                                                                                                                        

                                                      La descente sur St Moritz

 

                                          numérisation0035                                          Nous ne ferons que traverser ce territoire, la vallée est bien trop sélect pour des cyclos-campeurs comme nous. Nos toiles de tente craignent de ne pas être les bienvenues au milieu de tous ces palais. Les hommes en cuissard que nous sommes feraient tâche dans les rues de la citée des rois et autres empereurs ! A chacun son monde et sa place. La notre est ailleurs, plus près des étoiles que notre démarche parfois enfantine, un peu folatre nous permet quelquefois de tutoyer !

      Respectant la logique implacable de tout circuit empruntant la montagne, après la descente et un fond de vallée, un col vient encore nous défier, nous mettre à l’épreuve en cette fin d’après midi. Il s’agit de la Berninapass qui va nous faire monter à 2328 mètres.  

 

                                            Le groupe à la Berninapass.                                                                                                    

        L'ascension est rendue originale par le spectacle d’un glacier, qui par un effet d'optique parait vouloir nous barrer la route. Elle fut le théâtre d’une manœuvre d’Hubert  sur laquelle, par camaraderie, je m’abstiendrai de porter tout jugement! En effet, prétextant vouloir faire une photo du groupe pendant la grimpée, ce dernier obtenant un bon de sortie de la part de Bernard mit à profit son avance pour aller empocher les points du maillot à pois !!!!!!.

      La journée que nous avions cru terminée nous réservait une dernière surprise avec le col de Livigno. Court mais pentu, il mit rapidement en berne le pavillon de notre photographe dont un genou   venait de flancher. Hubert payait illico son dû à la justice d’un droit que certains ont pensé divin! Bernard, que les grimaces de son rival n’apitoyèrent pas, et pour cause, s’envola vers une victoire qui ne lui fut pas contestée.                                                        

                                                                         

       Livigno, du nom du col que nous venions de franchir et surnommé ''souffrance'' par qui vous devinez, fut ville étape de ce 18 Juillet au soir.

                                                                                                 

          Le prochain épisode devrait vous rendre compte de la montée du Stelvio. De ce col mythique dans lequel se jouèrent plusieurs tours d’Italie. A noter que le premier Français à gagner ‘’le Giro ‘’ fut Jacques Anquetil en 1960. Il le regagna en 1964.

     Lors d’une interview dans les années qui suivirent et suite à des ’’magouilles’’ dont il fut la victime en vue de favoriser un coureur transalpin bien connu, Jacques Anquetil déclarait : Pour qu’un étranger gagne le Giro, il lui faut être au moins deux fois plus fort qu’un Italien !!!!

      D’ailleurs, en 1955, c’est Louison Bobet qui aurait dû avoir l’honneur de cette primauté. Il fut en effet injustement battu par Gastone Nencini qui, mis en difficulté dans les cols, bénéficia de nombreuses poussettes qui lui permirent de pouvoir rester au contact de son rival.

       Si aujourd’hui dans ce domaine et ce style de tricherie ces agissements n’ont plus lieu, le tour d’Italie, par le passé, a nourri les lignes de la tribune à scandales des journaux spécialisés dans le domaine du sport cycliste.      

                                            

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14 février 2011 1 14 /02 /février /2011 09:23

                            Quand les choses sérieuses.........

 

        L’étape d’hier a marqué le début de notre amicale confrontation avec Bernard. Pour ce qui me concerne, le Dieu de la montagne en accord avec ‘’Simplon’’ m’ont gratifié de l’un de mes souhaits qui était de porter le maillot à pois au moins un jour. Et ce soir, même s’il est fictif et provisoire, il est symboliquement sur mon dos. Des cols, il en reste encore un paquet et j’espère bien avoir l’occasion d’aller titiller les uns et les autres pour le fun, pour ce plaisir que les non-pratiquants ont du mal à pouvoir comprendre. Pour cela, il me faudra avoir les jambes et n’avoir que Bernard à contrôler.

       Je sais, pour l’avoir entendu, que chacun de mes compagnons de route voudrons faire leur baroud d’honneur. Mais où s’arrêtera leurs ambitions ? Cela demeure une inconnue. Quant à moi, et sans véritable surprise pour mes camarades, c’est dit : j’ambitionne le rôle du challenger...et qui sait..... peut être plus !!!!.

      Cela ne se veut en rien dévalorisant à son égard, mais nous avions tous les moyens de rivaliser avec Bernard. Bien que Georges et Gérard paraissent ne pas vouloir prendre part à notre ''guéguérre", il reste Pierrot et Hubert dont les intentions restent à décoder.

      Si vous avez lu mon article intitulé ‘’Du cyclisme au cyclotourisme’’ vous l’aurez compris, je l’évoque succinctement, la montagne était, en ces temps là, un domaine sur lequel je me sentais à l’aise. Sans pouvoir en donner d’explication rationnelle si ce n’est celle d’une morphotype sans doute adapté, l'effort particulier a fournir dans ce milieu me convenait.

      Les raisons, en dehors de celle évoquée sont à trouver dans les tiroirs de la personnalité du grimpeur. Dans la valeur subjective qu’il place entre la relation qu’il instaure avec les éléments et ce qu’il cherche à trouver comme satisfactions personnelles.

       Vous pensez peut être solennel le fait que je dise me sentir en communion, en échange avec cette nature que je perçois comme étant particulière. Oui, en sa compagnie je vis différemment qu’ailleurs. Je suis dans un monde qui me convient. J’éprouve l’agréable sentiment d’être un invité à qui l’on permet un moment d’évasion, de liberté, de balade à la fois pour l’esprit et pour la chair qui exulte dans l’effort.

      Je connais le niveau d’exigence de la montagne. J’ai appris à son contact à reconnaître et à gérer les moindres signaux d’alerte invitant à lever le pied en cas de sur-régime. Une lien impalpable mais néanmoins réel s’instaure alors entre la dépense à consentir et sa propre réserve d’énergie pour mener l’objectif visé à son terme. Le propos peut paraître délirant mais je vivais les choses ainsi. La montagne me transcendait à la limite d’une approche mystique. Elle m’amenait dans le plaisir de cette souffrance positive que seuls les sportifs peuvent comprendre. J’étais, le temps de mon engagement avec elle, une personne différente de celle voyant défiler sous les roues de son vélo l’interminable ruban d’une route plate. La montagne offre à son hôte de passage un environnement qui le dynamise.

       Lors de notre périple et tout au long des cols, des champs de rhododendrons nous accompagnaient. A notre passage devant les cascades, de l’eau en fines gouttelettes formant des voiles comparables à de la soie nous entouraient, nous effleuraient de leurs caresses humides. La montagne, vous l’aurez compris je l’aime et elle me l’a bien rendu. Elle m’a permis d’inscrire au rang de mes souvenirs, certains de ses cols parmi les plus beaux d’Europe.

 

                                                    La journée ‘’galère’’

                                                                                                                                                                                                     Journée de Galère.

 

                                        16 Juillet. Le départ de Zernasco est pris sous un tapis de nuages menaçants. Aujourd’hui encore, mais nous le savons et ce jusqu’à Udines au moins, la route va monter pour redescendre et nous diriger vers de nouvelles ascension.                                                                                                        

      Nous abordons Le Piano di Sale sous un déluge d’eau et de feu. Le ciel nous tombe sur la tête. Pas facile de pédaler sous un poncho ou l’air n’y circulant pas, nos vêtements à défaut d’être trempés par la pluie le sont par une transpiration fort désagréable. Un vent violent de face vient encore augmenter la difficulté. Heureusement que nous avons été prévoyants sur notre équipement en braquets, car dans ces conditions, du statut de cyclos nous serions passés à celui de randonneurs pédestres avec en prime un vélo à pousser !    

                                      

 

      Je pense à cet instant aux propos tenus par un camarade, également cycliste, et qui ayant vu mon vélo monté avec à l’arrière une couronne grande comme un cul d’assiette, m’avait demandé ironiquement si sur le parcours que nous allions emprunter il y avait des arbres à grimper ! Il se demandait à quoi pouvait servir ces pignons à grandes dentures. Ils aident effectivement à pouvoir affronter l’impondérable et le cumul des difficultés. La pente, le poids des bagages, la répétition journalière de l’effort et des conditions climatiques telles que celles rencontrées ce jour là, justifient largement ce qui peut laisser croire à une débauche de précautions pour le non initié à ce type de raid.

      A présent un brouillard dense vient aggraver la situation. La visibilité est à moins de 10 mètres, la descente du Piano di Sale devient dangereuse. Merci encore à ma randonneuse 650 pour sa fiabilité et son freinage à la fois souple et efficace. Merci au concepteur de mes porte-sacoches avant et arrière qui répartissent parfaitement la charge, condition indispensable afin de pouvoir négocier correctement les virages tout en gardant une bonne vitesse.

       Avant d’arriver à Ponté, un éboulement obstrue la chaussée. Nous devons prendre les vélos en poids, de la terre gorgée d’eau s’accumule entre les garde-boue et la jante ce qui bloque les roues. ‘’Journée galère’’ porte bien son qualificatif. 

 

                                                                Le vélo de Gérard.                                                                                                                                                                                                                                                   Le vélo de Gérard

 

 

      Enfin des maisons, un café-restaurant-épicerie et des personnes pour nous héberger, nous permettre de nous réchauffer un peu.

       Il pleut de plus belle et le temps de repos convenu de s’octroyer est terminé. Dur de sortir de cette chaude ambiance que nous ont aménagé les clients du lieu, des ouvriers d’un chantier voisin sans doute. Mais notre point de chute est prévu plus loin. Nous devons nous faire violence pour reprendre la route afin de rester dans les prévisions de notre avancée vers Trieste.

      Un, deux kilomètres dans un rythme de ‘’moulinette’’, de pédalées rapides pour celles et ceux qui découvrent ce terme, et c’est reparti. Il pleut encore et le bruit du tonnerre résonne de façon infernale dans cette vallée étroite qui nous conduit vers le Lac Majeur.

       L’environnement devient luxueux. De magnifiques villas se devinent dans les parcs qui longent l’avenue. Les véhicules utilitaires des paysans, des Vespas à trois roues rencontrés dans les montagnes des alentours font place aux limousines. Quel contraste !

      Sans doute absorbés par les mauvaises conditions que nous fait subir l’orage, la lecture d’un panneau routier nous échappe et nous voila sur une chaussée interdite aux cyclistes. Les gens qui circulent dans leurs belles autos nous dévisagent comme si nous étions des extra-terrestres. En fait nous sommes à Ascone, mais........perdus.

      Ascône, ville implantée sur les rives du Lac Majeur ouvre le lot des petits incidents qui vont émailler le parcours. Pierrot lève le bras comme un professionnel pour signaler une crevaison, sauf que nous n’avons pas de dépanneur à notre service. Il est en effet temps de vous dire que nous faisons notre Thonon-Trieste sans aucune assistance, c’est à dire sans voiture suiveuse, sans téléphone portable....et pour cause.

       Les arcades d’une grande bijouterie nous servent d’abri pour le remplacement de la chambre à air percée. L’opération est exécutée sans souci alors que des regards curieux nous sont jetés par des passants étonnés de voir des bougres de notre espèce dans leur espace mondain.

      Il est midi. En temps normal il serait l’heure de manger. Mais la pluie ayant cessée de tomber nous en profitons pour rouler jusqu’à Bellizona où nous savons y trouver un restaurant. A journée exceptionnelle, une entorse peut être faite.  Manger sur l'herbe ne serait pas raisonnable d’autant plus qu’il recommence à pleuvoir. Bien installés, nous apprenons qu’Hinault, malgré quelques blessures sur chute est toujours maillot jaune et que Vichot vient de gagner l’étape. Les Italiens nous ont repérés. Ils nous adressent des sourires flatteurs.

      Encore une trentaine de kilomètres pour boucler une distance équivalente aux valeurs prévues de faire quotidiennement, mais pour cela, le Saint Bernardino est à franchir.  

 

 

                                                                   Le San Bernardino.

 

 

                                                    numérisation0026-copie-1                                                                                                                 

 

  

      Bis, tri répétita, à nouveau un déluge s’abat sur nous et cette fois de gros grêlons sont mélangés à une eau glacée. Pour mémoire, nous sommes au mois de Juillet, mais en haute montagne la canicule peut alterner avec des températures hivernales en quelques minutes. Le ciel nous le rappelle.

       Le terme de l’étape n’est toujours pas fixé. Par sécurité et à cause du mauvais temps Hubert s’improvisant capitaine de route nous demande de rester ‘’groupir’’.

      En cours d’ascension, à la vue d’un coin de ciel bleu, Bernard que le froid excite se met à accélérer alors que la pente devient sévère. Petit à petit un écart se creuse mais nous le gardons à vue. Etrange sensation, je sens les pois de mon maillot de grimpeur se détacher les uns après les autres pour sauter, tels des puces sur celui du fugitif. Plus fort que le respect sensé devoir à mon capitaine, l’acte de désobéissance m’entraine alors à vouloir rattraper le coquin. Tout en écrivant, je pense à la chanson de Piaf ‘’ Encore un jour, laissez le moi encore un jour. Ma quête n’était pas la sienne. La mienne se limitait à mon maillot seulement !!

       Mézolo met un terme à cette journée de galère. La fin d’étape est animée par Gérard et Georges qui arrivent les premiers et trouvent un hôtel. Ce soir pas de camping, nous avons du linge à faire sécher et besoin d’un vrai lit.

       La journée rendue difficile à cause de cette série d’orages servit de tests quant à  notre état de forme et celui du choix de notre équipement individuel. Il fut probant sur l’ensemble des éléments à l’exception toutefois de nos appareils photos que nous aurions dû choisir...... étanches ! Ceci explique la pauvreté des images illustrant le récit de ce troisième épisode de notre Thonon-Trieste. Cependant, les caprices du temps n’ont en rien entamé notre détermination à vouloir repartir demain......qui sera un autre jour à vous raconter..........

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7 février 2011 1 07 /02 /février /2011 22:02

                                     Le Simplon.......Pass

  

                                                     L'Aigle Napoléonnien au sommet du col du Simplon

                                                 

 

       Cette deuxième étape, entre Thonon et Visp, malgré 130 kilomètres parcourus, mais seulement 700 mètres de dénivelées, n’a posé aucun problème majeur.

      La mise en place des bagages, leurs positionnements dans les différentes sacoches avaient faits l’objets d’études sérieuses pendant les séances d’entraînements. Le dernier test, à la fois du matériel et des bonshommes, s’était effectué dans le Mont-Ventoux quelques jours avant le départ officiel. Dans la même journée, il fut grimpé jusqu’au sommet par Malaucéne, puis par Bedoin afin d’arriver à un équivalent de difficulté prévu de rencontrer dans les Dolomites.

      Pour s’assurer d’avoir une marge de sécurité, il fut décidé qu’en redescendant sur le chalet Reynard, nous plongerions sur Sault pour refaire la montée jusqu’au chalet. Test réussi, mais il n’en aurait pas fallu beaucoup plus !

       Le camping municipal de Visp fut rapidement trouvé, la ville n’est pas grande. Un ciel menaçant nous oblige à monter nos tentes dans l’urgence. Pas habitué à ce type de fonctionnement en France, ici prendre sa douche devient compliqué. Elles fonctionnent avec des jetons, sésames que nous n’avons pas. Autre particularité de ce camping, il n’est pas gardé. Le paiement pour la nuit doit être déposé dans une urne dont le contenu est relevé le matin, en même temps que sont vendus les jetons !.

       Pour la douche, de généreux campeurs nous ont cédé la pièce magique qui ouvrait une cabine métallique. Curieux fonctionnement que cette installation dont l’habitacle est pour le moins étréci. Claustrophobes s’abstenir !. Une minuterie bruyante à la syncope cadencée est là pour nous inviter à faire vite si l’on ne veut pas se retrouver sous de l’eau glacée !. En Suisse, le seul fait de se laver devient une épreuve sportive !

       La journée de ce 15 juillet n’augure rien de bon. Il pleut. Pierrot, courageux et pas du tout perturbé par le mauvais temps, fait chauffer l’eau pour le café. Les toiles de tente sont pliées humides. Le planning établi en fonction des 12 jours octroyés pour boucler le parcours ne nous permet pas de pouvoir faire relâche. Il nous faut donc y aller.

      Aujourd’hui, l’itinéraire doit nous amener à franchir notre premier col à 2000 : le Simplonpass. La route est large, le revêtement est bon. Chacun monte à son allure. Le début est raide. Hubert commence à perdre pied dés les premières rampes. Un indice avait laissé présager de l’événement, en passant à Brig il s’était arrêté dans une pharmacie pour acheter de la pommade. Il souffre d’un genou et les cyclistes le savent bien, pluie, froid et genou douloureux ne font pas bon ménage. Puis, c’est au tour de Georges de se trouver en difficulté et moi de me laisser glisser pour rouler avec lui. La consigne, qui sera identique pour tous les sommets, est celle d’attendre que les deux derniers soient arrivés pour descendre. L’autre point de notre accord étant de ne pas laisser seul celui qui roule en queue du groupe.

 

 

  .                                  numerisation0014.jpg

 

      De magnifiques ouvrages d’art permettent à la route de sauter torrents et vallons, dont le plus somptueux est le Ganterbrücke, long de 678  mètres et de 174  mètres de hauteur.

       Le temps s’est levé, Hubert a rejoint la tête, la pommade a réalisé un miracle ou son histoire de douleur, .....c’était du pipeau !

       Une énorme statue de pierre représentant un aigle, symbole Napoléonien, nous accueille au sommet.

      Les Romains connaissaient déjà cette voie de passage qu’ils empruntaient pour passer de la Padanie, aujourd’hui la plaine du Pô, à la plaine du Rhône. Quant à Napoléon-Bonaparte, il lança en 1801 de gigantesques travaux pour ouvrir une route passant par le col, en vue de relier le lac Léman au lac Majeur, dont le tracé reprend en partie celui que nous avons emprunté.

      Le Simplon..pass,.....est passé , nous nous regroupons pour la photo souvenir, ce qui me donne l’opportunité de vous présenter les membres du groupe.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         

        Pierrot              50 ans,                                                     

      Marcel               47 ans                                                                       

      Georges              44 ans                          

      Gérard                37 ans                  

      Hubert                33 ans

      Bernard              29 ans

                                                                                      

       Georges, Hubert et Bernard sont des relations de travail. Hubert et Gérard sont amis dans la vie. Pierrot et moi, camarades de travail, également complices et amis. Hubert et moi sommes voisins.

      Une longue descente nous conduit au pied du col de Druogno.

       A ce moment du récit, je vous dois quelques explications pour une meilleure compréhension de nos comportements à l’égard du plus jeune du groupe. Je précise récit et non compte-rendu, trop exigeant au plan de l’écriture et dans la chronologie précise du déroulement des faits. Je mentionne le détail pour Hubert, l’un des scientifiques du groupe qui m’a mis en garde de ne pas broder sur les événements au risque de me trouver dans la situation d’un devoir hors sujet !.

       Au diable la rigueur, il est dans mon esprit de vous faire part des quelques notes de folie qui ont jalonné le parcours. En effet il y avait eu entre autre préméditation, et cela fut évoqué lors de nos réunions préparatoires, de mettre, en toute amitié, les talents de grimpeur de Bernard à l’épreuve. Challenge qu’il avait par ailleurs sportivement relevé.

       Tels des professionnels de la stratégie dans ce domaine, sans entente particulière, à la forme et à l’envie du jour, Bernard devait se sentir attaqué par l’un de nous. Je reprends pour la description que je veux faire de ce premier épisode, le carnet rouge d’Hubert, sur lequel je lis et je cite :

 

                _ L’amorce du col Druogno se fait au complet. Le pourcentage est sévère, certains sont à la moulinette. Pierrot, qui nous le savons, se réserve pour une prochaine passe-d’armes est sur le tour de roue : soit 25 x 25 !. Il fait une chaleur lourde et orageuse. Bernard n’aime pas ça du tout. Les premiers kilomètres sont le théâtre d’observations diverses sur l’attitude de celui désigné de fait, comme étant la victime possible d’une attaque malicieuse. Des signes révélateurs apparaissent enfin. Bernard s’arrose nerveusement le visage et le cou à l’aide de

 

 

                                       numerisation0013.jpg

 

la ''giclette'' de son bidon d’eau. Un courant thermique de face annonce le basculement prochain de la pente. Marcel à les fourmis dans les jambes et la chaleur est son alliée. C’est parti, il vient de décider de le faire ‘’péter’’. Le bruit de son dérailleur annonce la descente de la denture de sa roue libre. La réaction de Nanard est immédiate. Nous le savons, la charge..... vient de sonner. Bernard s’accroche. Nous suivons, grâce aux découverts des virages supérieurs l’évolution des deux belligérants du jour. Marcel, à présent fait route en solitaire, Bernard a craqué, la chaleur a eu raison de lui. Fin de citation.

 

                           Toujours pour la petite histoire, mais dans la discrétion pour les plus malins, je savais que des plans d’attaques en côte étaient prévus. Les Gérard's, Georges et les autres, chacun avait coché son étape. Il fallait, d'autre part, obliger le prétendant au maillot à pois à s’employer tous les jours pour grappiller les fameux grains de la légumineuse qui feront de lui le vainqueur final.

      Et puis, avouons le, passer en solitaire un sommet d'un col représente pour tout cyclo une fierté légitime. Elle est la récompense d’un effort. Elle solde le résultat qui découle d’une adversité entre la pente qui s’est opposée à lui et la pugnacité à vouloir la dominer. Pour ma part, depuis le début du projet, je claironne à qui veut l’entendre que je ferai en sorte de m’épingler le Stelvio.

       Pour ce qui est des autres ascensions, plus ou moins classées anonymes, elles seront tour à tour à mettre au compteur de celui qui se sentira en forme pour attaquer le prétendant au maillot que vise Bernard. Tous équipiers contre lui, pour le plaisir du sport, pour la gloire du passage en solitaire d’un col après avoir fait rendre les armes à ses compagnons, mais non moins adversaires dans cette lutte. Attaques tournantes également, dans la détermination affichée d’obliger Bernard à nous prouver qu’il est bel et bien le meilleur, le plus vaillant, le plus courageux ou....le plus fou d’entre nous !

      Ne croyez surtout pas que cela se déroulait à couteaux tirés. Non, tout se préparait autour d’attitudes et de provocations théâtrales. Bernard prenait part au film que l’on se jouait les uns les autres, sauf quant l’un de nous prenait quelques longueurs d’avance et qu’il sentait que le défi devenait clair. Alors il savait devoir sauter dans le roue au risque d’être ‘’brancher grave’’, le refus du combat ne lui serait pas pardonné. Courageux, le Nanard répondait à toutes les attaques au point, quelquefois, de nous user les uns après les autres. Mais comme dans cette publicité pour une assurance dont la vidéo passe en boucle à la télévision, à tour de rôle chacun pensait " qu'un jour....je l'aurai!!!"

 

       Il est 17 heures quand nous franchissons l'entrée du camping de Zernasco, arrivée qui met un terme à cette troisième étape. La première passe-d'armes a eu lieu, elle en laisse présager beaucoup d'autres........

 

      Ce type de séance s’est répétée jusqu’aux abords de Trieste, car le maillot passait d’un dos à l’autre. L’incertitude, quant à l’issue du résultat final, sera pour vous, entretenue jusqu’à la dernière étape.  

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              numérisation0017                                                                                                                                                                                                                                               

 

 Pour la suite, à travers cols, lacs et forêts,  je vous conduirai jusqu'à Saint-Moritz,...... peut être plus loin, tout dépendra de la forme du jour.

 

 

                                           numérisation0016

                                                                                                                          

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  • : Le blog de Marcel Tauleigne
  • : Il s'agit d'un blog dont l'objectif principal sera de présenter mes occupations de loisir. Mon travail d'écriture, ma peinture, ainsi que ma passion pour le sport,dont je m'apprète à commenter certains souvenirs.
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