Le Simplon.......Pass
Cette deuxième étape, entre Thonon et Visp, malgré 130 kilomètres parcourus, mais seulement 700 mètres de dénivelées, n’a posé aucun problème majeur.
La mise en place des bagages, leurs positionnements dans les différentes sacoches avaient faits l’objets d’études sérieuses pendant les séances d’entraînements. Le dernier test, à la fois du matériel et des bonshommes, s’était effectué dans le Mont-Ventoux quelques jours avant le départ officiel. Dans la même journée, il fut grimpé jusqu’au sommet par Malaucéne, puis par Bedoin afin d’arriver à un équivalent de difficulté prévu de rencontrer dans les Dolomites.
Pour s’assurer d’avoir une marge de sécurité, il fut décidé qu’en redescendant sur le chalet Reynard, nous plongerions sur Sault pour refaire la montée jusqu’au chalet. Test réussi, mais il n’en aurait pas fallu beaucoup plus !
Le camping municipal de Visp fut rapidement trouvé, la ville n’est pas grande. Un ciel menaçant nous oblige à monter nos tentes dans l’urgence. Pas habitué à ce type de fonctionnement en France, ici prendre sa douche devient compliqué. Elles fonctionnent avec des jetons, sésames que nous n’avons pas. Autre particularité de ce camping, il n’est pas gardé. Le paiement pour la nuit doit être déposé dans une urne dont le contenu est relevé le matin, en même temps que sont vendus les jetons !.
Pour la douche, de généreux campeurs nous ont cédé la pièce magique qui ouvrait une cabine métallique. Curieux fonctionnement que cette installation dont l’habitacle est pour le moins étréci. Claustrophobes s’abstenir !. Une minuterie bruyante à la syncope cadencée est là pour nous inviter à faire vite si l’on ne veut pas se retrouver sous de l’eau glacée !. En Suisse, le seul fait de se laver devient une épreuve sportive !
La journée de ce 15 juillet n’augure rien de bon. Il pleut. Pierrot, courageux et pas du tout perturbé par le mauvais temps, fait chauffer l’eau pour le café. Les toiles de tente sont pliées humides. Le planning établi en fonction des 12 jours octroyés pour boucler le parcours ne nous permet pas de pouvoir faire relâche. Il nous faut donc y aller.
Aujourd’hui, l’itinéraire doit nous amener à franchir notre premier col à 2000 : le Simplonpass. La route est large, le revêtement est bon. Chacun monte à son allure. Le début est raide. Hubert commence à perdre pied dés les premières rampes. Un indice avait laissé présager de l’événement, en passant à Brig il s’était arrêté dans une pharmacie pour acheter de la pommade. Il souffre d’un genou et les cyclistes le savent bien, pluie, froid et genou douloureux ne font pas bon ménage. Puis, c’est au tour de Georges de se trouver en difficulté et moi de me laisser glisser pour rouler avec lui. La consigne, qui sera identique pour tous les sommets, est celle d’attendre que les deux derniers soient arrivés pour descendre. L’autre point de notre accord étant de ne pas laisser seul celui qui roule en queue du groupe.
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De magnifiques ouvrages d’art permettent à la route de sauter torrents et vallons, dont le plus somptueux est le Ganterbrücke, long de 678 mètres et de 174 mètres de hauteur.
Le temps s’est levé, Hubert a rejoint la tête, la pommade a réalisé un miracle ou son histoire de douleur, .....c’était du pipeau !
Une énorme statue de pierre représentant un aigle, symbole Napoléonien, nous accueille au sommet.
Les Romains connaissaient déjà cette voie de passage qu’ils empruntaient pour passer de la Padanie, aujourd’hui la plaine du Pô, à la plaine du Rhône. Quant à Napoléon-Bonaparte, il lança en 1801 de gigantesques travaux pour ouvrir une route passant par le col, en vue de relier le lac Léman au lac Majeur, dont le tracé reprend en partie celui que nous avons emprunté.
Le Simplon..pass,.....est passé , nous nous regroupons pour la photo souvenir, ce qui me donne l’opportunité de vous présenter les membres du groupe.
Pierrot 50 ans,
Marcel 47 ans
Georges 44 ans
Gérard 37 ans
Hubert 33 ans
Bernard 29 ans
Georges, Hubert et Bernard sont des relations de travail. Hubert et Gérard sont amis dans la vie. Pierrot et moi, camarades de travail, également complices et amis. Hubert et moi sommes voisins.
Une longue descente nous conduit au pied du col de Druogno.
A ce moment du récit, je vous dois quelques explications pour une meilleure compréhension de nos comportements à l’égard du plus jeune du groupe. Je précise récit et non compte-rendu, trop exigeant au plan de l’écriture et dans la chronologie précise du déroulement des faits. Je mentionne le détail pour Hubert, l’un des scientifiques du groupe qui m’a mis en garde de ne pas broder sur les événements au risque de me trouver dans la situation d’un devoir hors sujet !.
Au diable la rigueur, il est dans mon esprit de vous faire part des quelques notes de folie qui ont jalonné le parcours. En effet il y avait eu entre autre préméditation, et cela fut évoqué lors de nos réunions préparatoires, de mettre, en toute amitié, les talents de grimpeur de Bernard à l’épreuve. Challenge qu’il avait par ailleurs sportivement relevé.
Tels des professionnels de la stratégie dans ce domaine, sans entente particulière, à la forme et à l’envie du jour, Bernard devait se sentir attaqué par l’un de nous. Je reprends pour la description que je veux faire de ce premier épisode, le carnet rouge d’Hubert, sur lequel je lis et je cite :
_ L’amorce du col Druogno se fait au complet. Le pourcentage est sévère, certains sont à la moulinette. Pierrot, qui nous le savons, se réserve pour une prochaine passe-d’armes est sur le tour de roue : soit 25 x 25 !. Il fait une chaleur lourde et orageuse. Bernard n’aime pas ça du tout. Les premiers kilomètres sont le théâtre d’observations diverses sur l’attitude de celui désigné de fait, comme étant la victime possible d’une attaque malicieuse. Des signes révélateurs apparaissent enfin. Bernard s’arrose nerveusement le visage et le cou à l’aide de
la ''giclette'' de son bidon d’eau. Un courant thermique de face annonce le basculement prochain de la pente. Marcel à les fourmis dans les jambes et la chaleur est son alliée. C’est parti, il vient de décider de le faire ‘’péter’’. Le bruit de son dérailleur annonce la descente de la denture de sa roue libre. La réaction de Nanard est immédiate. Nous le savons, la charge..... vient de sonner. Bernard s’accroche. Nous suivons, grâce aux découverts des virages supérieurs l’évolution des deux belligérants du jour. Marcel, à présent fait route en solitaire, Bernard a craqué, la chaleur a eu raison de lui. Fin de citation.
Toujours pour la petite histoire, mais dans la discrétion pour les plus malins, je savais que des plans d’attaques en côte étaient prévus. Les Gérard's, Georges et les autres, chacun avait coché son étape. Il fallait, d'autre part, obliger le prétendant au maillot à pois à s’employer tous les jours pour grappiller les fameux grains de la légumineuse qui feront de lui le vainqueur final.
Et puis, avouons le, passer en solitaire un sommet d'un col représente pour tout cyclo une fierté légitime. Elle est la récompense d’un effort. Elle solde le résultat qui découle d’une adversité entre la pente qui s’est opposée à lui et la pugnacité à vouloir la dominer. Pour ma part, depuis le début du projet, je claironne à qui veut l’entendre que je ferai en sorte de m’épingler le Stelvio.
Pour ce qui est des autres ascensions, plus ou moins classées anonymes, elles seront tour à tour à mettre au compteur de celui qui se sentira en forme pour attaquer le prétendant au maillot que vise Bernard. Tous équipiers contre lui, pour le plaisir du sport, pour la gloire du passage en solitaire d’un col après avoir fait rendre les armes à ses compagnons, mais non moins adversaires dans cette lutte. Attaques tournantes également, dans la détermination affichée d’obliger Bernard à nous prouver qu’il est bel et bien le meilleur, le plus vaillant, le plus courageux ou....le plus fou d’entre nous !
Ne croyez surtout pas que cela se déroulait à couteaux tirés. Non, tout se préparait autour d’attitudes et de provocations théâtrales. Bernard prenait part au film que l’on se jouait les uns les autres, sauf quant l’un de nous prenait quelques longueurs d’avance et qu’il sentait que le défi devenait clair. Alors il savait devoir sauter dans le roue au risque d’être ‘’brancher grave’’, le refus du combat ne lui serait pas pardonné. Courageux, le Nanard répondait à toutes les attaques au point, quelquefois, de nous user les uns après les autres. Mais comme dans cette publicité pour une assurance dont la vidéo passe en boucle à la télévision, à tour de rôle chacun pensait " qu'un jour....je l'aurai!!!"
Il est 17 heures quand nous franchissons l'entrée du camping de Zernasco, arrivée qui met un terme à cette troisième étape. La première passe-d'armes a eu lieu, elle en laisse présager beaucoup d'autres........
Ce type de séance s’est répétée jusqu’aux abords de Trieste, car le maillot passait d’un dos à l’autre. L’incertitude, quant à l’issue du résultat final, sera pour vous, entretenue jusqu’à la dernière étape.
Pour la suite, à travers cols, lacs et forêts, je vous conduirai jusqu'à Saint-Moritz,...... peut être plus loin, tout dépendra de la forme du jour.