Ordonnance pour un 'cyclopathe'
La plaque de cadre, carte d'identité du Cyclopathe....
L’idée de vouloir tenter l’aventure d’une grande randonnée à vélo ne m’est pas venue subitement. Je couvais, j’incubais le virus depuis longtemps au point que ma propre raison n’en dominait plus le sujet.
Dans ce domaine, rares sont les attaques sournoises et foudroyantes. Non, l’agent pathogène, invasif s’il en est un, s’installe lentement afin de ne pas mettre le patient en difficulté. Il sait avoir à mener un combat à long terme. Plusieurs, peut être, et encore beaucoup de séances d’une thérapie familiale seront nécessaires pour faire admettre à son environnement proche, l’impérative nécessité du temps de convalescence que demande une pareille atteinte.
Le virus fait le siège de l’esprit de sa victime Il est la semence d’une idée dont le germe croit au fil du temps, en particulier au bénéfice des beaux jours. Il conduit paisiblement son affaire en évitant toute manifestation intempestive, toute brusquerie, afin ne pas compromettre l’évolution favorable de cet état dont chacun en trouve sa propre justification. Il sait pour cela, entretenir une atmosphère paisible autour de lui. Il s’agit, en effet, de créer un climat et des conditions capables de maîtriser la formation d’anticorps, agents redoutables en la circonstance, et qui pourraient se développer chez les signataires potentiels de l’ordonnance. La mission finale du virus va consister à contaminer les proches du malade d’une manifestation passive que j’appelle :
...............Contamination incitative à l’acceptation.....
La particularité de cette atteinte réside dans le fait que le traitement n’est pas à administrer au malade, mais à ses proches. Pour cela, à lui de trouver une médication abaissant le seuil de leur résistance.
Je remercie mon petit lutin conseil, mon fidèle complice, qui tout au long de ce temps d’incubation m’a inspiré les bonnes démarches qui ont abouties au résultat escompté se traduisant par cette note d’humour signée par mon épouse et nos deux enfants :
Traitement ............. 8 heures de vélo par jour.
Posologie 100 kilomètres au quotidien.
Durée du traitement.. 12 jours.
Comme par hasard, c’est ce dont j’avais besoin pour réaliser mon Thonon-Trieste ou Léman-Adriatique. Deux appellations pour un grand cru, noblesse oblige !
Il ne me restait alors plus qu’à confirmer ma participation auprès du groupe déjà composé de Pierrot, Georges, Hubert, Gérard et Bernard. Je venais faire le sixième, amenant le nombre des participants à un chiffre rond. Lequel disent les "socio- psychologues", faciliterait les relations entre les personnes qui peuvent se recomposer par nombres pairs !!! Cependant rien ne nous a permis de confirmer ou de démentir ce concept, l’entente entre nous quant à elle, n’ayant pas eu à faire appel à ce type de raisonnement.
De G à D: Georges.Bernard.Pierrot.Gérard. En blanc...c'est moi et puis ..Hubert
L’ordonnance me fut rédigée à la fin d’un repas pris en famille au tout début du printemps de cette année 1985. Sans controverse et dans un esprit faisant preuve d’entendement de la part de ma famille, sollicitude que je me dois de souligner, un bon de sortie à la fois du foyer et du territoire me fut confirmé sans contrepartie.
Les entraînements spécifiques à une bonne préparation m’ayant mis dans une excellente forme, le rêve a pu se concrétiser. Je suis donc dans les meilleures dispositions possible pour vous raconter ce qui reste l’un de mes plus beaux souvenirs concernant mes sorties à vélo par étapes. Cependant, je ne vais pas faire dans le détail, ce serait bien trop long. Je vais, dans les chapitres qui vont suivre, m’appliquer pour vous en résumer ce que j’en ai retenu d’essentiel.
Si la curiosité vous amène à visionner la distance qui sépare Thonon les Bains à Trieste, en prenant le chemin dit normal comme itinéraire, rien n’est de nature à surprendre le voyageur. Cependant, la logique d’un concepteur de raids pour cyclotouristes est tout autre.
C’était, sans compter sur la malice du Sieur Rossini, ‘’inventeur’’ du périple, qui n’ayant rien retenu des leçons élémentaires de géométrie nous a concocté un tracé cyclo-montagnard devenu depuis l’un des raids de référence dans ce domaine. La ligne droite, monsieur Rossini ne connaît pas, il est pour les détours. Un camarade me souffle qu’il serait plutôt pour la musique ; quel plaisantin celui la !!!
Tout ceci pour vous amener à une révélation qui peut surprendre. En effet, si tous les kilomètres sont identiques en longueur, ils ne le sont pas en notion de distance quand la pente en charge le profil. De plus, l’équipement de nos montures n’est pas venu alléger notre tache dans les ascensions. Mais cela, comme le reste d’ailleurs, personnellement je l’ai voulu.
Mais au fait, c’est quoi Thonon-Trieste ? Une balade qui, vous l’aurez compris, part des bords du lac Léman, traverse les Alpes Suisses et Italiennes, longe les Alpes Autrichiennes avec pour objectif d’en franchir tous les grands cols, soit une quarantaine, dont quinze à plus de 2000 mètres.
La carte de route.
13 juillet 1985, gare ferroviaire d’Avignon , six hommes sur un quai, banal comme savent l’être les quais de gare. Six cyclos excités comme des gamins à qui l’on auraient promis un grand tour de manège. Six fringants baroudeurs en partance pour Thonon les Bains, puisque le départ officiel démarre de cette belle cité balnéaire.
Chargés de toute une ribambelle de sacoches, dont celle destinée à équiper l’arrière du vélo pourrait bâter un âne, c’est certain, nous interpellons ! Les regards ne font pas de doute, nos bagages les intriguent. C’est une évidence, ils ne ressemblent pas à ceux des voyageurs, qui comme nous attendent le train. Des sacoches et pas de vélo, voila matière à en faire réfléchir plus d’un. Nous voyant ainsi pourvus de ce surprenant barda, nous passons sans doute pour des meneurs de baudets allant au point de ralliement, afin d’y entamer avec eux le fameux chemin de Stevenson!
Oui messieurs et mesdames, nous sommes bien des cyclistes, certes sans vélo, mais de ce pas nous allons les rejoindre !
Thonon gare il est 16 heures. Les vélos sont récupérés sans une égratignure. Il faut dire que nous avions acheté le carton S.N.C.F spécialement conçu pour le voyages des cycles !
Pour la première étape, seulement une trentaine de kilomètres, histoire de tester la matériel. Après avoir rempli nos bidons prés de la station thermale d’une eau sensée éliminer les calculs rénaux,
nous remontons la vallée de la Drance pour rejoindre Abondance. La distance à parcourir se boucle en deux petites heures. Sans traîner, nous nous mettons en quête d’un lieu où nous poser pour la nuit. Ce sera d’ailleurs le cas pour tous nos termes d’étapes, notre désir de liberté l’ayant emporté sur la crainte de se retrouver sans place de camping le soir tombé.
Pas triste le déballage de notre matériel sur un terrain en cours d’aménagement. A noter, à la décharge du propriétaire, qu’il nous fit grâce de tout paiement.
Pensant avoir rangé dans un ordre qui devait me faciliter le travail de recherche de ma tente, il me fallu, pour cette première installation, vider tout mon paquetage pour enfin trouver ce qui allait me servir de toit. Tels des boy-scouts, chacun des membres du groupe se mit à construire ce qui, sans flambeau ni fanfare, représenta tout de même l’inauguration du site!
Non pas tirés à quatre épingles, mais douchés et en jeans, nous voila partis à la recherche d’un restaurant. Petite précision que j’apporte à vous amis lecteurs, durant notre le périple, le midi, pique-nique pour tous, et le soir, le restaurant. Je vous fais remarquer que je n’ai pas écrit gargote. Il faut que je rajoute en effet, que parmi mes camarades, il y a des amateurs de bonnes tables.
Pour activer la digestion d’un repas qui fut apprécié, le groupe décide de faire le tour de la ville. Les rues étaient peuplées, l’esprit était à la fête. Tout à coup des bruits d’explosion nous entourent, des cris, des hourras, des couleurs magnifiques embrasent le ciel. Mais pour quoi, ou pour qui donc tout ce tra la la ? D’accord nous sommes le treize juillet, mais cela nous le savons, et c’est un jour comme les autres. Hé bien non, pas à Abondance, le feu du 14 juillet s’est tiré, cette année là, le 13 au soir. De là à y voir une coïncidence avec....., c’est un pas que je n’ose pas franchir, mais,.....et c’est là que, dans le doute, Hubert a pris soin d’immortaliser l’événement !
La nuit n’a pas apporté de réponse à l’effet de surprise suscité la veille par cet événement lumineux, qui, sautons la barrière de la paranoïa, nous était peut être, mais peut être seulement,... destiné ! Quant au sommeil que j’espérais réparateur en vue d’affronter la difficulté du jour, il ne fut pas à la hauteur de ce que j’en espérais. Le matelas auto-gonflable, matériel vendu pour être à la pointe du progrès et du confort, me laissa l’impression désagréable de celui qui s’est fait rouler par un vendeur peu scrupuleux. Heureusement dés les premiers hectomètres d’une pédalée souple, les courbatures firent place à un sentiment de plénitude, sensation qui présage d’une bonne journée à passer sur le vélo.
Fini les interrogations fantaisistes au sujet de la soirée d’hier soir, la route s’annonçant pentue, plus d’énergie à perdre en considérations improductives. 09D’ailleurs elle grimpe dés le départ, pas fort, mais tout de même. Le Pas de Morgin, certains disent le col, fait de nous des étrangers en terre Suisse. La douane et quelques formalités d’usage pour l’époque, nous mettent dans l’ambiance de voyageurs quelques peu originaux à la vue de nos sacoches rebondies. Il faut vous dire que nous sommes en autonomie, à la fois de matériel de couchage pour le séjour et de nourriture.
Pour l’événement, j’avais anticipé la construction sur mesure d’une randonneuse digne d’un baroudeur. Ce type de matériel est généralement équipée de roues de 650 de diamètre, ce qui rend la machine plus basse que les vélos dits de courses. Les avantages à cela sont multiples. Sa tenue de route est meilleure, et compte tenu du chargement qu’elle est destinée à recevoir, le détail n’est pas à négliger. Il est important, en effet, d’avoir les volumes et le poids de la charge le plus prés du sol possible. D’autant plus que si le cyclotouriste se veut être un grimpeur honorable, il revendique également le fait d’être un bon descendeur. Le 650 a cette qualité, dont le rendement s’améliore encore s’il est monté sur des pneus de bonne section. Il devient dans ces conditions un allié beaucoup plus sur que son homologue coursier.
Ce premier test du matériel en grandeur nature, affublé de mon poids maximum, c’est à dire 90kilos au total, m’apporta, sans avoir à en modifier les réglages, toutes les satisfactions attendues. Certes, l’efficacité n’est pas celle d’un vélo de course, mais quel confort mon Valéro.
90 kilogrammes de masse roulante!
Je reviens sur le poids dont le chiffre est peut être de nature à vous surprendre. Pour plus de clarté, je vais vous en décomposer les fractions : Cinquante neuf kilos pour ma personne, 14 pour le vélo et ses sacoches et 17 de bagages.
Nous remontons une magnifique vallée qui n’est autre que celle du Rhône. Elle est cultivée d’un vignoble haut sur pied qui produit le Fendant, vin blanc renommé. Même si j’avais appris à ma bonne école primaire de Rognonas que le Rhône nous vient de Suisse, j’ai du mal à le reconnaître, il me fait de la peine tellement je le vois petit !.
La suite du parcours, la traversée de la ville de Martigny, se font dans cet état d’esprit qui traduit une satisfaction que personne de nous ne veut refouler. Nous sommes heureux de tout, de rien, de nous, d’être ensemble pour vivre ce que nous pensons d’exceptionnel en matière d’expériences, à la fois collectives et personnelles. Ce n’est que le début de notre pari. Certes, nous savons que le parcours sera exigeant. Mais que la vie belle quant elle s’offre à vous, généreuse et ouverte à l’espoir d’y découvrir des régions qui comptent parmi les plus extraordinaires d’Europe.
Visp sera nôtre ville étape pour ce 14 juillet. Ce soir là, la bouteille de Fendant prise au restaurant ajouta à son palmarès, outre le fait d’être un bon vin, le souvenir d’avoir été ruineux pour notre modeste bourse !
Demain sera un autre jour, le temps de rassembler d’autres souvenirs et je veindrai vous raconter la suite..........