De Lamanon au Castellas de Roquemartine
Ce dimanche 26 février 2012, ‘’Li galèjaïres’’* de Barbentane ont programmé leur rando bi-mensuelle dans les Alpilles. Il s’agit d’un crapahut sur les derniers ressauts sud de la chaîne.
Un mistral à décorner les bœufs balaie les crêtes au point de nous bousculer, de nous laisser sur place quand une rafale nous arrive de front.
- Elle était programmée la balade nous a dit Paulette, la responsable du groupe. Et d’ajouter…
-On ne va tout de même pas se laisser dicter le calendrier de nos sorties par le vent, qui soit dit en passant, précise t’-elle, est fort salutaire pour notre santé. "
Effectivement son souffle nous débarrasse d’une pollution générée par les industries restantes du coin et de celle produite par les centrales nucléaires dont la concentration sur la vallée Rhône depuis le bas de Lyon, est l’une des plus forte recensée au monde.
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Lamanon se situe au nord de Salon de Provence, aux portes des Alpilles. Sur les hauts de ce village provençal, on peut y visiter les vestiges de maisons troglodytes autour desquelles, déjà, s’organisaient une vie sociale au VII et VI siècle AV JC. Les grottes de Calès en constituent l’essentiel. Depuis des millénaires, ce site exceptionnel, composé de falaises ocres, a été façonné par L'homme.
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Le castrum se structure avec ses rues et ses maisons adossées. Ses premiers habitants furent sans doute les Ligures. Plus tard, l’arrivée des Romains mettra un terme à ce type d’organisation.
Au moyen âge, à l’apogée de son développement, deux cents Ames vivaient dans ces niches creusée dans la safre.
Le site est composé d’une série d’anfractuosités excavées à l’aide d’outils rudimentaires.
Cinquante huit cavités ont été comptées à l’intérieur du cirque. D’autres habitats, semblables aux premiers, se retrouvent parsemés à l’extérieur d’une place forte que les falaises environnantes protègent. Deux porches, maçonnés de façon à rejoindre la roche en permettent l’entrée. L’un côté nord et l’autre côté sud.
D’autre part, Lamanon se distingue par ses nombreux platanes parmi lesquels figurent un spécimen géant, réputé pour être le plus grand et le plus volumineux d’Europe.
Sa circonférence est de huit mètres et son branchage vêtu de son feuillage couvre……1500 mètres carrés.
Le platane fut réintroduit en France par Pierre Belon en 1550. Ce grand voyageur devenu naturaliste en ramena des graines du Liban. Nous lui devons également le lilas, la rose de Noël et quelques autres plantes, qui utilisées comme herbes à fumer, permettaient de côtoyer les Dieux. Il est noté que le commerce qu’il en fit plus tard lui couta la vie. En effet il mourut assassiné en 1564 pour des raisons liées à un trafic illicite de drogues!
Pour revenir au platane, celui qui fait l’admiration des touristes, il aurait été planté par Catherine de Médicis lors de sa visite à Nostradamus!
Une calade, un chemin empierré par l’homme et dont le départ de situe place de l’église, monte en pente douce à travers une végétation dense où poussent des pins et des chênes verts. C’est au sommet de la colline qu’apparaît, légèrement enfoncée, l’esplanade autour de laquelle, dans cette roche tendre, les hommes ont creusé leur habitat. Au centre du terre-plein on peut y voir les restes d’une enceinte à ciel ouvert. Il s’agissait d’un espace de réunions, de tribunal également.
A présent, une multitude de sentiers nous mettent en difficulté quant au choix concernant celui qui doit nous conduire vers le Castelas de Roquemartine. Un conciliabule réunissant Paulette, Daniel et auquel je fus invité parut nécessaire pour mettre au point la meilleure des stratégies afin ne pas rater notre objectif. Je dois préciser, à leur décharge, que nos guides du jour ont du reprendre au pied levé la direction de la rando. Michel le parisien, qui en était le titulaire, est resté ce matin cloué au lit par une bronchite. C’est sans doute pour lui faire un clin d’œil que nous nous sommes retrouvés à bartasser grave* au milieu des genets épineux et autres végétations agressives. Itinéraires fantaisistes dont parfois le dit Michel nous gratifie donnant à ces occasions le champ libre aux roumégaîres*
-Encore heureux que l’on soit en hiver et que l’on ne soit pas en short sont des propos qu'une oreille indiscrète et fine peut parfois entendre !!!
L’honneur de nos guides est sauf, à quelques encablures nous apparaissent enfin les ruines du château. Reste à trouver pour le pique-nique un endroit à l’abri d’un vent qui souffle ici 180 jours par an, dont 100 avec force.
Depuis un bout de temps déjà nous marchons sur un chemin. Celui qui par le passé devait rallier le château aux localités environnantes dont celle d’Eyguières, commune sur laquelle se trouve cette immense propriété. Il présente au regard, les vestiges d’une succession de bâtiments qui en font un édifice colossal.
Le Castellas de Roquemartine, appelé également le Château de la Reine Jeanne date des XII et XIII siècle. Il appartenait à la famille d’Albe. A l’époque, plus de cent personnes vivaient au château et dans les bâtiments adjacents. Des serviteurs, des hommes d’armes, des paysans. Chacun d'entre eux, appliqué à leur tâche, était au service d'un maître de plusieurs centaines d’hectares de forêt, de terre arable sur laquelle poussait l’olivier, la vigne et toute une variété de céréales.
Le point de vue permet de voir à des dizaines de kilomètres à la ronde et tout autour du château, des constructions de dimensions plus modestes qui étaient les dépendances dans lesquelles vivaient le personnel agricole.
Un pigeonnier comportant près de 500 cents loges, donne l’importance de l'élevage qui se pratiquait en ce lieu.
Face à ce gâchis, à ce spectacle de désolation, et pourtant Dieu sait mon opinion sur ce que fut le temps des seigneurs, je regrette, ne serait-ce que pour la mémoire des serfs qui l’on construit, celui là et bien d’autres. Je regrette que l’on ait laissé se détruire de tels trésors d’architecture qui, réhabilités, pourraient être utilisés à des fins louables.
Tant d’argent nous appartenant et qui aurait pu être mis à profit pour cela et à d’autres missions, est distribué sans contrôle de son utilisation. Je pense à certains rois d’un continent voisin par exemple qui ont détourné à leur profit des milliards d’Euros destinés au peuple de leur pays pour acquérir en leur nom propre des empires immobiliers chez nous, en Suisse et ailleurs.
Le pigeonnier. Ses ruines extérieures
Je pense… je pense, mais j’en réserve le reliquat pour un prochain coup de gueule.
Je ferme la parenthèse. Mais en de pareils moments, et j’en suis peiné pour vous qui n’êtes pas tenus de partager mes états d’Ame, la rando, un climat particulier propre à ce type de lieu, l’atmosphère de liberté qui me baignent alors, m’entrainent, parfois et malgré moi, sur des terrains dont les sujets seraient à traiter ailleurs....Mais.......
Cinq heures de marche effective nous permettent de rallier Lamanon que Éole continue de venter à outrance.
Notes
*Galèjaïres: Se dit des personnes pratiquant la plaisanterie
*Bartasser: Terme voulant signifier : marcher hors des sentiers, tracer son chemin au milieu de la végétation. Autrement dit : C’est quant on est perdu et que l’on cherche à retrouver le bon itinéraire !!!!
*Roumégaîres : Mot du patois local du verbe rouméguer : râler en sourdine, parler dans sa barbe.
Les photos sont celles d’Hervé, le nouveau venu chez les Galéjaîres et à qui nous souhaitons la bienvenue.
Certaines informations concernant ce récit ont été recueillies sur le net