Il s'agit d'un blog dont l'objectif principal sera de présenter mes occupations de loisir. Mon travail d'écriture, ma peinture, ainsi que ma passion pour le sport,dont je m'apprète à commenter certains souvenirs.
Article en cours de ''réinstallation"
Quand l’escalade s’apparente à un art.
Patrick Edlinger est né le 15 juin 1960. Il grimpait depuis l’âge de huit ans où avec son père, passionné de montagne, il taquinait le rocher avec un talent déjà prometteur. A dix sept ans, il quitte l’école et c’est sac au dos qu’il s’en va de chez ses parents pour se consacrer entièrement à l’escalade. En rupture, non pas avec sa famille qui le soutient, mais avec un monde dans lequel il dit ne pas être en communion, il part alors dans une aventure qu’il veut faire sienne.
_Je voulais rompre avec une société trop injuste à mes yeux. À partir de ce choix, j’ai eu la chance de jouir d’une liberté totale, dans un cadre construit sur les bases de mon idéal. Je passais mon temps à grimper sans rechercher la difficulté, seulement pour me dépenser et faire des voies dans le meilleur des styles possibles. Cependant, car souvent seul, j’ai été contraint à faire des voies en solo intégral. Ecole de la maîtise de soi, où la limite de son l'engagement face à la difficulté ne doit pas dépasser les frontières de sa peur au regard du risque.
En vérité, c’est là qu’était ma quête. Au fil de mes expériences, je me suis découvert le besoin d’affronter ainsi les limites. Mes limites. Celui qui ne connaît pas ce sentiment ignore les signaux qui lui permettent d’identifier le danger. La peur est une nécessité absolue. C’est elle qui éveille en nous le seuil au-delà duquel le contrôle sur soi échappe à notre éveil. Le risque que l’on encours alors, est de perdre la maîtrise prudente et sensée de son comportement.
Fin de citation.
La répétition de ses mouvements avait pour objectif d'en approcher la perfection. Le geste se voulait pur. Son acquisition devait être accomplie sans hésitation et avec sang-froid. Ses exercices d'assouplissements allant jusqu'au grand écart facial, lui octroyaient des possibilités en falaises que peu, voire aucun de ses concurrents ne possédaient avec autant d’efficacité et de grâce que lui. Travailleur infatigable, son plaisir n'avait de goût qu'au terme du sans faute dans la conduite de ses enchaînements, dont la gestuelle se devait d'être parfaitement fluide.
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L'escalade qui se pratique en haute montagne
Certes, Patrick Edlinger n’a pas inventé l’escalade. Bien avant lui, des hommes ont eu envie de se confronter à la montagne, aux falaises, à leur verticalité, à tous les défis qu’elles posent à quiconque veut les dominer par sa seule force musculaire et mentale.
Pour schématiser, l’on peut dire qu’avant lui et dans ce type de challenge, l’homme ne cherchait pas à s’appliquer face aux obstacles. Son but avant toute autre considération était de pouvoir les surmonter.
Patrick Edlinger fut le premier à vouloir donner une autre vision de l’exploit en y ajoutant une dimension esthétique. Il avait l’art de savoir jouer avec les difficultés en donnant l'impression de pouvoir les effacer sous ses doigts, alors que ses jambes orchestraient les pas d'une chorégraphie suréaliste. Il se servait des écueils naturels de la paroi comme éléments, comme matériel pour en faire les alliés de sa progression. Patrick Edlinger dansait sur la paroi, sa facon de grimper devenait alors un fabuleux spectacle.
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Exercices d'assouplissement de Patrick Edlinger avant l'attaque d'une voie d'escalade
Rompu à un entraînement de sportif de haut niveau, doué d’un parfait contrôle de ses perceptions, sa précision dans la lecture du rocher ont fait de lui le grimpeur d’exception qu’il fut, et restera sans doute pour toujours.
Pour l’anecdote et l'originalité de la démarche, je veux évoquer un exemple de sa pugnacité à vouloir obtenir le meilleur, non par comparaison à un autre, mais pour lui-même. Surpris par une posture que réalisait l’un de ses amis, lequel grâce à l’un de ses seuls doigts majeurs arrivait à tirer son corps vers le haut pour atteindre une prise, Patick s’entraina comme un forcené pour enfin arriver à faire des tractions de son corps, seulement suspendu par l’un de ses auriculaires !
La pureté de sa gestuelle et une efficacité, qui chez lui paraissait naturelle, lui ont permis d’élever sa pratique de l’escalade au plus haut niveau mondial. Il en a par son originalité, tant de sa personne que de celle de son style, radicalement révolutionné l’exercice, qui dès lors et de fait, se détacha de celui de la montagne.
Au tout début des années 1980, Jean-Paul Janssen, caméraman de renom, producteur de documents spécialisés, entend parler d'un grimpeur au style spectaculaire. Egalement dans sa façon d'être. Janssen s'invite alors, caméra au poing, sur l'un des sites où s'entaîne Edlinger. Il est médusé de voir ce garcon jouer avec les obstacles sur une paroi verticale, alors qu'il est sans assurance, sans corde de vie à plusieurs dizaines de mètres du sol. Redescendu, Edlinger est invité à visionner les quelques prises discrétement filmées par son observateur qui lui demande s'il pourrait ''refaire''ça dans une situation de tournage convenu !
_Oui, je le peux, et autant de fois que tu le jugeras nécessaire. À la condition toutefois, que nous soyons d'accord sur ce que je veux que tu montres de l'escalade. D'autre part, je veux être partie prenante du choix des canaux qui diffuseront le document.
Suite à cette rencontre, une riche collaboration va naître entre ces deux sujets hors du commun. En effet, jusqu'au décès de Janssen, une amitié indéfectible unira les deux hommes.
La médiatisation générée par la diffusion de ce premier document montrant l'escalde de Patrick Edlinger filmée par Janssen suscite le fulgurant départ d'une pratique nouvelle dans le domaine du sport en falaises, en blocs, et plus largement dans celui d'aborder la haute montagne. Dés lors, l'équipement sécurisé des sites va en favoriser l'apprentissage des primo-débuttants. La jeunesse découvre cette pratique de plein air et va en devenir rapidement adepte.
Chacun, à partir du modèle que représente Patrick Edlinger et en fonction de leurs aptitudes propres, jeunes et moins jeunes se mettent à travailler l'aspect technique de l'activité. Rapidement, cette pratique amène des milliers d'adhérents au sein des clubs d'escalades, des clubs alpins, conduit à la formation de moniteurs professionnels, à la fabrique du matériel spécifique à la grimpe, aux tenues vestimentaires appropriées etc....
Cette nouvelle pratique, plus facile d'accès que la haute montagne par la proximité des nombreux reliefs répartis sur le territoire, va populariser une discipline sportive jusqu'alors réservée à l'élite. Garçons et filles, pratiquement sur un même pied d'égalité au niveau des performances se mirent à rivaliser dans des progressions surprenantes.
Une mode venait de naître attirant vers le rocher une jeunesse en proie à des sensations qu’elle découvrait au fil des aprentissages permettant d'accéder à l'aspect technique de l'activité. Cette nouvelle pratique, plus facile d’accès par la proximité des nombreux reliefs répartis sur le territoire et techniquement différente de celle adoptée en haute montagne, popularisa une forme de sport réservé jusqu’alors à une élite.
J’ai pu, à cette époque percevoir cet engouement sur les dentelles de Montmirail, sur les falaise d’Orgon et de Cavaillon pour ne citer que les endroits les plus facilement abordables au départ d’Avignon. Une flopée de tenues multicolores s’agitaient alors sur les voies dès les beaux jours arrivés. A la musicalité curieuse des mousquetons qui se clippaient sur les plaquettes, spits et autres pitons d’assurance, l’on pouvait suivre la progression du grimpeur de la voie parallèle à la sienne. Voir même se conseiller et s’encourager mutuellement.
Garçons et filles, disciples d’Edlinger s’appliquaient dans un esprit à la fois réfléchi et convivial à imiter certains mouvements du maître. Parents et enfants faisaient cordées ensemble. Ce fut le cas pour mon fils et moi où dans ce cadre nous nous sommes découverts dans un tout autre rapport à l’autre. Dans une relation de vigilance, d’attention particulière pour un exercice qui se doit d’être appliqué avec le plus grand sérieux. La confiance, qui reste l’un des mots clés se pratique là à tous les instants et dans une dimension évidente et palpable. L’escalade contient en elle toute une panoplie d’émotions liées au fait de se savoir à la fois dépendant et partenaire de son équipier, complice et associé à la verticalité de ce terrain de jeu que représente la paroi.
L’esprit habité d’une philosophie distincte des grimpeurs de sa génération, il fut la victime de multiples rivalités. Compétiteur à part des autres, Patrick Edlinger figure toutefois au palmarès de plusieurs rencontres internationales.
Par son caractère, sa façon de voir et de pratiquer l’escalade, il se trouva marginalisé par des adversaires trop flamboyants à ses yeux. Certains de ses rivaux devinrent alors de sévères détracteurs.
Homme discret, réalisant ses prousses sans avoir nécessairement besoin du flonflon des fanfares, il trouva sur son chemin des personnes attaquant ses méthodes et allant jusqu'à railler sur ses prétendues performances
En bleu, Berhault à l'assurance
Dans les années 1980, en solitaire ou avec Patrick Berhault, il réalisa des ouvertures, des premières en cotations 8 et au delà qui lui furent contestées par ses pairs. Blessé par ce qu’il vivait comme étant de la calomnie, il participa alors à plusieurs rencontres réunissant les pratiquants du plus haut niveau mondial ayant adhéré à ce type de confrontation. Je note là que parmi les grands champions du moment, certains rentrèrent dans une dissidence de principe.
C’est à Bardonecchia en Italie puis à Snowbirs aux Etats-Unis, que Patrick Edlinger rétablit les vérités qui avaient été mises en doute, par ‘’le gang des parisiens’’ en particulier, en remportant la compétition devant ces mêmes contradicteurs.
Aux dires des commentateurs spécialistes sur place, Edlinger, enrichi que l’orgueil d’un homme blessé dans son amour propre peut transfigurer, fit une démonstration d’une escalade dont lui seul su en dénouer les pièges avec efficacité et une classe dont il ne se démentit pas.
Suite à son accident en 1995, Patrick Edlinger ne faisait plus de compétition. Il grimpait pour lui, pour l’amour du vide et sans doute aussi par besoin de se prouver qu’il continuait à exister.
Jean-Paul Janssen
Auparavant il fut fortement et doublement éprouvé par la mort de son ami Jean-Paul Janssen puis par celle de Patrick Berhault. Homme à la fois fort et sensible, il disait ne s’être jamais vraiment retrouvé suite à ces deuils.
Patrick Berhaut
Selon l’écrivain Jean Michel Asselin, Edlinger souffrait depuis d’un mal intérieur. Il s’était confié à l’auteur qui travaille sur une biographie du grimpeur
_Tu sais, je suis seul à pouvoir trouver une solution. C’est le plus dur des combats que j’ai jamais mené. Je suis comme dans un solo impossible, mais je vais m’en sortir.
Le sort en a décidé autrement.
Aujourd’hui, l’artiste s’en est allé laissant derrière lui une foule d’images, de souvenirs et de sentiments mêlés.
Les images sont nombreuses. Je veux retenir de lui sa grimpe fluide et déliée. Il était sur la paroi tel un danseur avec sa partenaire s’appliquant à réaliser sa plus belle figure. Celui, qui effleurant avec délicatesse le rocher allait saisir sa prise dans un geste précis et léger. Il progressait alors dans une chorégraphie digne des meilleurs ballets modernes.
Catherine Destivelle, grande parmi les grandes du milieu de la grimpe et de la montagne vient de dire de Patrick Edlinger :
_ Pas un grimpeur n’a égalé sa façon de faire. Sa gestuelle était magnifique. Il était comme un lézard sur la roche.
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Bien que ne l’ayant jamais rencontré, sa conception de la liberté, comme celle d’aborder les espaces et la nature allaient dans un sens qui me plaisait.
Les génies, et il en était un exemple incarné, ne peuvent pas être par définition des personnes ordinaires. D’après ce que j’ai pu apprendre de lui en glanant des informations sur différents médias, il était en effet un homme singulier, au sens d’étonnamment unique.
Outre ses performances et son style, j’aimais son côté marginal et l’originalité de son look.
Je vous salue Patrick Edlinger. Comme il se doit d’un homme qui fut un modèle dans le domaine de l’élégance et de la simplicité.
Soyez assuré de la reconnaissance des milliers et des milliers d’humbles grimpeurs à qui vous avez donné l’envie et la possibilité d'aller, à leur niveau, côtoyer la demeure des Anges.
En hommage pour tout ce que vous avez apporté à la jeunesse d’une époque et aux moins jeunes comme moi, nous qui n'avons jamais douté de votre éthique, ni de vos performances, nos affectueuses pensées vous accompagnent.............
-Récit rédigé à partir de l’expression de sentiments personnels.
-D’informations glanées sur le net, de l’écoute d’un interview de Jean Michel Asselin et de la lecture de ‘’ Grimper’’ de Alain Ferrand, de Jean François Lemoine et de Patrick Edlinger, aux Editions Arthaud
Les photos sont tirées du net et du livre ’’Grimper’’