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20 mai 2011 5 20 /05 /mai /2011 21:40

 

 

                                                           Au départ de Lagnes

 

Les Esclops....  à la rencontre du mur de la Peste.

 

                                                      Photos classées divers 025 

 

             Ce dimanche 8 Mai 2011, le sort m’a désigné pour conduire ce groupe qui ne vous est pas inconnu... si vous avez pris connaissance du récit de nos dernières sorties.

       Marcher pour le plaisir de la découverte, marcher pour entretenir cette fonction mécanique qu’aucun robot à ce jour n’est encore capable d’en reproduire l’activité dans ses équilibres et sa précision. Même si pour ce groupe il ne s’agit pas d’aller vers une découverte, reprendre les traces de nos pas anciens nous amènent à nous réunir. À faire de nouvelles rencontres.

 

        Lagnes se trouve à une vingtaine de kilomètres d’Avignon. L'approche du site se fait en voiture. Le départ effectif de la randonnée est alors placé idéalement pour préparer l’échauffement musculaire servant à mouvoir nos vieilles carcasses, avant de s’attaquer à la dénivelée et de passer aux choses sérieuses!

      Lagnes est une commune de 1700 habitants située sur la pointe sud-ouest des Monts de Vaucluse. De son passé médiéval, elle conserve les vestiges d’un château dont l’origine remonte au XIIIe siècle. Une balade au cœur du village vous permettra de découvrir de magnifiques demeures d’un antan riche d’histoire.

                                                                                                                                                                                                            Photos classées divers 008

  

                                                   Fontaine '' Papale'' de Lagnes

 

 

       Le thème choisie pour cette sortie me donne l’occasion de vous parler de ce mur que les hommes ont construit en 1721 en vertu du principe de précaution !

      En préambule, je veux souligner le côté cocasse de cette histoire : À savoir que le cheminement et l’origine de la propagation des maladies étaient encore inconnus. Ce n’est qu'en 1881 que Pasteur met à jour l’existence des microbes.

      Ce mur sera gardé en armes dans un premier temps par les soldats de la Papauté, puis par ceux du Royaume à partir du moment où, en Août, la peste touche Avignon. Ce mur édifié pour protéger le Comtat Venaissin, sera alors pris en charge par la France qui à son tour isolera le territoire Papal infecté. Le blocus sera levé en Janvier 1723.

       A priori, ce fronton, rempart ridicule au regard de nos connaissances actuelles sur la science et sur la médecine, était censé faire barrage à l’épidémie de peste qui sévissait à Marseille.

       La Provence a connue trois grandes épidémies de peste répertoriées dans son histoire : 1347/1353. 1580 et 1720, celle qui est à l’origine du mur en question dans ce récit.

       Le coupable de cette catastrophe sanitaire est le Grand Saint Antoine, bateau en provenance de Syrie, dont la cargaison était essentiellement constituée de tissus de soie, prévus pour fournir la très importante foire de Beaucaire qui se déroulait en Juillet, et de toile de drap pour une fabrique de voiles destinées à la marine marchande. Arrivé en rade de Marseille le 25 Mai 1720, il est mis en quarantaine au large de l’île de Jarre, car durant la traversée, des marins ont été victimes de morts suspectes.

       En vérité, l’explication de la pandémie est à imputer à la corruption. Si, dans les faits, le bateau n’a pas accosté dans le port à son arrivée, sous la pression du propriétaire de la cargaison, un certain Jean-Baptiste Estelle, les tissus ont été ramenés à terre. Entreposés dans la cale, ils se sont trouvés contaminés pas les déjections des rats qui, avec les puces, semblaient être les vecteurs connus de la contagion. La manipulation, puis la dispersion de la marchandise, ont rapidement propagé le bacille de Yercin. L’identification formelle de ce dernier ne sera confirmée qu'en 1898 par le chercheur du même nom.

      Marseille, dans les années 1700, comptait une centaine de milliers d’habitants. Elle en perdit 50.000. Un Marseillais sur deux fut emporté par l’épidémie. La Provence, totalisa, quant à elle, 120.000 morts

 

                                                            Photos classées divers 020

 

                                                        Borne balisant le sentier de la peste

 

 

       Des bornes montrant l’entrée du chemin conduisant sur les lieux du site, montrent l’accoutrement des médecins de l’époque. Il présente un espèce de masque prolongé d’un grand bec qui semble être fabriqué en bois. L’intérieur contenait des épices forts qui se voulaient à la fois, protecteur de l’agent infectant et efficaces contre les odeurs pestilentielles des cadavres qui empuantissaient l’atmosphère des hôpitaux et des rues de la ville. Aucun traitement efficace n’était en mesure de venir à bout de cette infection. Seul l’isolement des populations malades était capable d’en éteindre la progression.

       Le mur de la peste, appelé également mur de la ligne, dont ces dernières années le sommet qu'il traverse au dessus du village de Murs fut baptisé Col de la Ligne, parcourrait notre région sur 27 kilomètres. Ailleurs, pour se protéger, la méthode consistait à creuser des fossés de plusieurs mètres de profondeur sur autant de largeur!

       La hauteur du mur,  de cette giroflée ( belgicisme ) a été fixée à six pieds, soit 1m,95 et à deux pieds de largeur, soit 65centimètres par le Carpentrassien Antoine D’Allemand, ingénieur et cartographe de son état. Le mur, dans un premier temps, fut élevé par les locaux, les habitants des villages près desquels devait passer la muraille. Ils étaient réquisitionnés, sans solde et ils devaient, en outre, fournir leurs outils de travail. L’épidémie se propageant plus rapidement que l’avancée de la construction, des salariés furent mis sur le chantier avec un contrat au mètre construit, ce qui bousta l’énergie des travailleurs !  

 

 

                                         Photos classées divers 023                                                                                                                                                         

                                     Abri servant à la protection du soldat montant la garde.

  

       Érigé en pierre sèche le mur était équipé, en intervalle régulier, par une quarantaine de guérites destinées à abriter un soldat en arme. Sur sa longueur, plusieurs petits bâtiments servaient de logements de repos pour les hommes ayant terminés leur tour de garde. Une écurie et un local à fourrage complétaient l’édifice. Les consignes étaient des plus strictes. Personne ne devait franchir le mur pour pénétrer sur les terres du Comtat. Les animaux, les rats étaient particulièrement visés et chassés.  

      Depuis 1983, une association composée de bénévoles, se charge du relevé précis de l’emplacement originel de cette construction. Elle organise des chantiers de restauration des différents édifices le longeant. Se trouvant, encore aujourd’hui, et pour l’essentiel de son tracé en zone non carrossable, les pierres n’ont pas pu être récupérées à d’autres fins. Elles gisent à même le sol, au pied des ruines que les intempéries, le gros gibier, tels que les sangliers nombreux dans cette contrée, ont réussis à mettre à terre.     

                                                                                                                                                   

                                                 ________________________ 

                                                                                           

       La randonnée. Près de l’école communale, une place située dans le bas du village de Lagnes permet de garer les véhicules en sécurité. Face à l’école, prendre un chemin goudronné sur quelques longueurs qui indique Cabrières-Les Esperelles. Le panneau précise une altitude de 116 mètres.                       

      Rapidement, la garrigues devient notre environnement. Chênes verts, Genêts de Provence, chèvrefeuille, Romarin, thym et fleurs diverses nous accompagnent le long de ce qui devient, tantôt un sentier, puis plus loin, une voie empierrée. Un petit étang est à contourner par la droite, des traces jaunes sont à suivre jusqu'à la traversée de la route de Cabrières.

 

 

                                  Photos classées divers 056

                       

       Pour un rappel de mémoire : Dés la route traversée, un monument et une plaque commémorative indiquent un lieu de résistance à la gloire de Jean Garcin, allias colonel Bayard. Comme résistant, Jean Garcin a, à son actif, de nombreux faits d’armes. Entre autre action, il a organisé et sécurisé le parachutage de Jean Moulin sur les Alpilles qui eut lieu le 2 Janvier 1942 à 3h 30 du matin.

 

                                   Photos classées divers 019

      Au plan spécifiquement politique, Jean Garcin, né à Fontaine de Vaucluse (1917-2006) occupa diverses fonctions communales et départementales. Il fut maire de Fontaine de Vaucluse et conseiller municipal du Thor, président du conseil général du Vaucluse et vice-président du conseil régional de Provence-Alpes et Côte-d’Azur.

       Après une halte sur ce lieu chargé du passé glorieux d’un homme, qui à travers le sien, honore celui de nombreux autres patriotes, l’histoire du mur reprend son cours.

 

       De cette aire, un regard sur votre gauche vous laissera voir le panneau indiquant la direction à prendre. Outre la signalétique classique, une borne ornée d’un dessin à la caractéristique surprenante vient vous confirmer le sens de la visite. Au milieu d’une végétation aux essences diverses, et après quelques centaines de mètres, des travaux relativement récents montrent le début de ce mur qui, en son temps, occupa des centaines d’hommes pour sa construction et un millier de soldats chargés de le garder durant près de trois ans.

       Sur deux bonnes heures de marche, un sentier caillouteux longe ce rempart qui se voulait être le garant de la santé des Comtadins, en ce temps où l’on pouvait aller jusqu’à croire qu'il pouvait servir de filtre au mystère qui entourait les maladies. 

      Une citerne destinée à recueillir les eaux de ruissellement marque l’intersection qui permet de rejoindre directement, soit Lagnes ou Fontaine de Vaucluse. Notre parcours, quant à lui est prévu pour continuer sur les traces de la muraille, par la piste de La Pouraque. Ce qui fut un mur, n’est à présent que ruines qui petit à petit s’écarte de la piste en direction du Col de la Ligne. Au point où il part sur la droite, l'emplacement d'un corps de garnison reste visible. Il devait s’agir d’un bâtiment capable d’accueillir bon nombre d’hommes, de  chevaux et de provisions pour ses locataires.

 

                                     Photos classées divers 005     

       

      Même si le paysage est agréable, et la vue sur le grand Luberon riche de ses reliefs, le chemin tracé droit devant nous devient lassant.  Sur la gauche, un abri pour les chasseurs de sangliers, espèce de tourelle en bois, annonce la proximité de l’intersection à prendre pour descendre sur le village de Fontaine de Vaucluse.

       Trois heures de marche d’un pas raisonnable, midi et demie sonnant, sont les bonnes raisons qui marquent ce lieu comme étant l’endroit rêvé pour le pique-nique.                                                                                                                                                                      Je ne vais pas refaire le descriptif de l’étiquette des bouteilles qui sont sorties des sacs, puis des gâteaux et autre sucrerie qui honorent le parterre de nos arrêts champêtres. Sachez une bonne fois pour toutes que ces agapes sont inscrites à notre régime de randonneurs. Certes, si nous usons de tout cela avec modération, comment résister aux produits régionaux, dont le vin, qui en plus de dessoiffer, renouvelle à cette occasion l'idée du partage.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  

              Arrivé à ce terme de la balade, le plus gros de l’effort est signé. Il reste, pour rentrer, à descendre le vallon de la fontaine de l’Oule. Le sentier est exigent au niveau de l’attention. Beaucoup de cailloux non stabilisés mettent l’équilibre du marcheur en difficulté. A mi-chemin de la désescalade, se présente la particularité de l’endroit. Elle se manifeste par une cavité naturelle dans laquelle, de son plafond, de l’eau goutte pour former un espace humide amménagé.

 

                                     Photos classées divers 036

 

       Nouvelle croisée de chemins. Pour nous c’est à gauche. Lagnes est indiqué. Le sentier surplombe la route goudronnée. Un raidillon nous ramène sur le plateau. A noter qu'à cet endroit, la lecture du tracé n’est pas évidente. Le retour au village se fait à présent au milieu d’une campagne dans laquelle fleurissent des maisons restaurées au regard d’un cahier des charges strictes. Il faut dire, je le souligne, nous sommes pas n'importe où, mais dans le parc naturel régional du Luberon!

      Sans se presser, mais sans prétendre pouvoir faire une longue sieste, six heures sont nécessaires pour boucler ce circuit de 20 kilomètres. Calcul obtenu grâce au podomètre de notre président. Hormis cette longue ligne droite avant le repas, la randonnée reste intéressante tant au plan culturel, qu'à celui de la découverte de paysages marquant les caractéristiques de la région des monts de Vaucluse.

       Ils sont faits d’un monde minéral et d’une végétation typique de la garrigue. Chênes verts, buis, cistes, de fleurs de lin, aphyllante de Montpellier et ses plantes aromatiques en recouvrent un sol aride et rocailleux.

 

                                       Photos classées divers 026

 

                               Aphyllante de Montpellier, à distinguer de la fleur de lin.

 

      A part quelques grimpettes courtes mais  raides, les six cent vingt mètres de son point culminant s’atteignent, pour sa majorité, par une pente douce. A préciser toutefois que le sentier présentant de bonnes montées-descentes, le cumul de la dénivelée est largement supérieur à la soustraction de base qui ne prendrait en compte que l’altitude du départ à celle de son passage le plus haut!

 

      Avant les grandes chaleurs de l’été, il reste encore quelques semaines pour prévoir une prochaine rando. Si je suis de la partie,  je vous promets de vous rendre compte du comportement  de  mes camarades  ! 

                                                                                         

                                                                                                                                                      

                              @ plus, comme écrivent les jeunes !

 

Note : Google a été l’un de mes canaux d’information pour l’historique du mur de la peste.

 

  Vous éprouvez le besoin d'avoir de plus d'informations sur le site du Mur de la Peste en particulier? Et plus largement sur le Luberon?

 Ci joint le lien permettant  d'accéder à toute une série de compléments sur le Luberon, ses monuments, ses particularités.....

 

         http://luberon.fr/tourisme/les-sites-touristiques/monuments/annu+mur-de-la-peste+1706.html

                                                                                     

 

                                                                                Fleurs de lin.

 

 

                                              Photos classées divers 031 

                                                                                          

 

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4 mai 2011 3 04 /05 /mai /2011 23:59

                                           22 Juillet 1985  

    

                                          Photos classées divers 005-copie-1

                                                                              

                                         Alors que nous prenons notre petit déjeuner dans un bistrot, le titre d’un article du journal posé près de notre table nous interpelle. Un barrage hydraulique a cédé voici quelques jours, le déluge d’eau et de boue qui s’en est échappé à dévasté un village. De nombreuses victimes sont à déplorer. Il s’agit d’un ouvrage construit dans une vallée parallèle à notre itinéraire emprunté tout récemment. Les photos n’ont pas besoin de légende pour commenter l’horreur du sinistre. La fonte des neiges et les très fortes pluies tombées en haute montagne en seraient pour partie la cause. Enregistré dans les environs, un petit séisme aurait également pu fragiliser la construction qui, suite aux dégâts causés sur sa structure, n’a pu résister à la trop forte pression des eaux.

       Nous sommes de passage dans cette région superbe où le bonheur et le plaisir se découvrent journellement à travers les paysages que nous offrent la nature pendant que des hommes et des femmes sont face à l’incompréhension et à douleur d’un drame. La vie est ainsi faite, mais qui faire au-delà de nos pensées compatissantes ?

 

                                                                          ________________                                                                                                                                                              

                                                                    Le temps de la préparation      

 

                                                                                                                                                                                                           numérisation0004-copie-2

 

 

       Valparola, Falzarego, Le colle Ste Lucia, La Passo di Giau, La Passo tri Crocci, Le Colle di Varda, et li Tri Cime di Lavaredo sont au menu du repas cyclo pour cette étape. Espérons que la journée suffira pour en digérer, non pas les plats, mais les grimpettes dont certaines sont répertoriées comme étant d’anthologie !!:!.

       A l’écoute d’Hubert faisant l’énumération du profil, Gérard se pose des questions quant à savoir comment gérer cette succession de ‘’bosses’’ !!!! 

 

 

 

Gérard dubitatif à l'écoute du programme du jour!!numérisation0002-copie-4

                                                                                                                                                  

                                                                                         

       Si la distance à parcourir n’est pas longue, moins de cent kilomètres, elle accuse près de 2700 mètres d’une dénivelée positive. Il y a eu pire, mais le cumul des ascensions depuis le départ, fait que l’addition des hauteurs à avaler nous parait, depuis deux ou trois jours, se faire à partir de nouvelles échelles de valeurs. A croire que les Italiens ont dans le domaine de la mesure, et plus précisément dans cette contrée, un mètre qui se ratatine, minorant ainsi la véritable altitude des sommets !!!

       Peu après notre départ, nous rencontrons pour la seconde fois le cyclo-clodo comme le nomme Hubert dans son petit carnet rouge. Je rappelle qu’il s’agit du livret qui me sert, entre autres sources, de fil conducteur pour ce qui concerne la chronologie de notre progression vers Trieste. Le récit, les commentaires, sont eux, à mettre à mon actif. D’ailleurs, certains de mes camarades me reprochent déjà d’en relater certains épisodes d’une écriture fantaisiste.

       Il faut dire que je roule avec des hommes dont la profession exige beaucoup de rigueur et pour d’autres une précision d’horloger qu’ils voudraient retrouver dans ce qui, de toute façon, ne se veut pas être un compte-rendu factuel. En effet, depuis le premier épisode, j’ai décidé de m’offrir le plaisir de donner à ce condensé de souvenirs, un accent folklorique qui sans en travestir le déroulement, m’autorise certains débordements quant à mon propos narratif. 

 

 

                                         numérisation0001-copie-5

 

 

                                          Chapelle dans le Falzarégo. 

 

 

       Bernard se retrouve des ailes, il survole le Falzarégo, glanant ainsi des points pour ce maillot qu’il convoite, mais c’est sans compter sur de nouveaux adversaires dont je vois le dessein se mettre en place au fil de l’étape. Dans le colle Ste Lucia, le tempo est mené par Georges. 

 

 

                                             . numérisation0016-copie-2

 

                Georges, je voudrais un peu vous en parler, mais il se débrouille toujours pour passer inaperçu, pour se fondre au sein du petit groupe que nous composons. Sa discrétion le fait oublier, sauf pour attester comme cela fut le cas, de la justification à vouloir dormir à l’abri lorsque l’orage menace gravement la fiabilité de nos toiles de tente. Il est vrai qu’à deux reprises déjà, il a fait cause commune avec moi pour un besoin de sécurité qui nous a conduit à partager une chambre d’hôtel. Je l’ai déjà écrit, nos soirées passées ensemble ont été peu bavardes. Dès assis devant une table, ou allongé sur son lit, il sortait un livre de l’une de ses sacoches et je ne l’entendais plus jusqu’au bonjour du matin. C’était sa vie, mais cela m’a étonné d’autant qu’il trimbalait, et cela pour l’avoir vu, plusieurs bouquins dans ses bagages. Le poids n’était pas son ennemi? Ou avait-il un besoin impératif de ses livres pour fuir quelque diable ?

       Par endroit, la route du col de Ste Lucia est taillée dans la montagne, puis se retrouve pour passer en corniche. La pente n’est pas sévère, quoiqu’il faille tout de même s’activer sur les pédales pour bouger une masse approchant cent kilos de poids à faire rouler. Les belligérants du début de matinée semblent se contenter du rythme. Ils suivent tout en s’observant, le regard réciproquement rivé sur la roue libre du vélo de leur concurrent potentiel pour voir où ils en sont de leur réserve de braquets, au cas où... !!!. Je surprends des coups d’œil complices de la part de Pierrot et de Gérard qui s’interrogent sur l’opportunité d’une attaque qui, cependant, en restera pour cette ascension au stade de l’indécision.

       Depuis ma mise en retrait de la ‘’compétition ‘’, je savoure le plaisir pris à jouer le rôle de compteur de points. A présent je monte les cols à une allure de sénateur, mon ambition se limitant à observer les manœuvres malicieuses de mes camarades et de contempler la flore! 

 

 

                                 Ancolie Bertolini. Pyrénéee

 

                                       L'Ancolie des Alpes 

 

       Je vis différemment mes journées depuis que j’en ai écarté, pour ce qui me concerne, l’ambition stupide de faire les pancartes des sommets au prix d’efforts qui, raisonnablement, ne sont plus de mon âge et dont le compteur accuse déjà 47 balais comme disent les Parisiens. Mais au fait, pourquoi balais ? 

       Mon Thonon-Trieste, à partir de l’objectif que j’avais visé lors de son élaboration, je l’ai gagné dans le Stelvio. A présent, aux Autres d’en faire autant dans les perchoirs qui restent à escalader, à moins que la sagesse amènent les futurs postulants à plus de raison. Mais de cela, j’en doute !!!

       Les courses pour le pique-nique de midi sont faites au village de Salva di Cadore, au pied du Giau. Bernard, toujours volontaire, prends la cargaison sur son vélo et nous voila sur la route, à l’assaut de ce qui est présenté comme étant l’épouvantail de la journée. Le repas est prévu au sommet du monstre, le ventre plein serait trop lourd à monter dans la pente !!!.

       Au fil des hectomètres, le piège se referme sur le porteur du jour. Les coups de boutoir de Pierrot ne laissent guère d’illusion à Bernard sur la possibilité de monter à sa main. La couleur de l’attaque lui est à présent clairement annoncée. Je veux parler de celle de son maillot à pois rouges que sa sueur risque de faire pâlir. L’atmosphère sentait la poudre depuis un bout de temps, l’opportunité de tenter une estocade semblait se présenter sous les meilleurs hospices, d’autant qu’une forte chaleur commençait à peser sur l’allure de Nanard.

       C’est d’un œil amusé que je vois partir les conquérants des cimes, les voir s’échiner pour tenter de distancer Bernard le Valeureux. Titre qu’au fond de moi je lui décerne pour sa combativité et son esprit bon joueur, malgré le fait d’être la cible sur laquelle chacun tire son braquet.

 

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       C’est, chemin faisant sur mon 28x28 que je rattrape Hubert qui, sans doute lassé par le train des hommes de tête, a décidé de se laisser glisser vers des eaux plus calmes. Calé dans sa roue, contraint à un jeu d’équilibriste tellement le revêtement comporte de trous, de pierres et de débris de tous ordres, c’est au pas, mais sans mettre pied à terre que nous cheminons ce 22 juillet vers ce qui sera une des particularités de notre circuit dans les Dolomites. 

       En effet le Giau, col mythique parmi les plus spectaculaires par son tracé, se distingue à plusieurs titres. Tout d’abord il monte raide. La moyenne de sa pente sur les dix kilomètres de son ascension voisine les dix pour cent. Cela sous-entend des passages à douze, voire quinze mètres de dénivelée pour cent mètres parcourus, les cyclistes apprécieront d’autant que l’on ne roule pas à vide  !!! L’autre élément qui le caractérise se trouve au niveau de son revêtement qui n’est goudronné que sur les deux ou trois derniers kilomètres de sa fraction haute. Je sais qu’aujourd’hui, les responsables des équipements routiers Italiens lui ont fait un tapis digne de sa grandeur.

       La pratique du vélo dans ces conditions demande à rester concentré sur la partie du chemin où l’on va faire passer la roue avant de sa bicyclette. Le guidonnage permettant de slalomer entre les trous et les cailloux, sont autant de pièges compromettant la stabilité, que de risques pour nos pneus qui peuvent se déchirer au contact de pierres aux angles saillants. Les jantes, quant à elles, subissent des torsions qui entraînent des bris de rayons.

       Le ratio effort-rendement est déplorable. La motricité réduite par les effets de patinage et de dérapage qu’il faut sans cesse contrôler en réduisent l’efficacité. Inutile d’insister sur la séance de tape-cul et de casse-noisettes, car la position de pédalage dite ‘’en danseuse’’, permettant de décontracter la musculature et de soulager les fesses est plus que périlleuse. C’est ainsi que le chahut, qui génère des ressauts tout azimut sur la selle, finissent par la rendre inconfortable ce qui entraine parfois des irritations mal placées. Fort heureusement, j’ai ma pommade miracle de laquelle j’attends beaucoup.... si besoin était !!!                            

       Au détour d’un virage, bien installés sur un matelas d’herbe fleuries en guise table et de siège, l’équipe attendait patiemment notre arrivée pour entamer le saucisson et autres provisions composant la dînette. Entre deux chuchotements, nous apprenons que Bernard, toujours en tête avec son compagnon d’échappée venait de se trouver pris de fringale. Détenant les provisions, il aurait décidé, selon ce prétexte énoncé, de ce lieu comme étant approprié à son besoin de restauration. Un autre son de voix, celui de Pierrot, l’œil en coin et le sourire dubitatif, laisse entendre tout autre chose au sujet de ce subit arrêt. Poliment et sans vouloir en affirmer le doute, il égrène cependant quelques propos qui laissent à penser que la chaleur était sur le point de l’aider à gagner son duel.... quand la faim se mit à tenailler l’estomac de celui qui lui chicanait toute supériorité !!!!.

       Bernard, nous le savons ne craint rien, c’est un dur, un vaillant face à la difficulté, un coriace, mais la soleil est pour lui un adversaire redoutable. Ceci dit, nous n’en saurons pas davantage sur la vraie motivation de ce qui contrevenait à la décision collective de ne s'arrêter qu'au terme de la montée!

 

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        Il faisait la sourde oreille, et les sous-entendus lancés par ses contradicteurs ne lui coupaient pas l’appétit. Quant à Pierrot, se tenant mieux à table qu’à cheval, prendre le large et risquer de la ‘’sauter’’ dans l’attente que quelques restes lui parviennent au sommet, le choix d’abandonner la confrontation n’a pas dû le faire réfléchir bien longtemps !!!!.

       Heureusement qu’après le pique-nique nous retrouvons le bitume car la pente est très sévère. Je suis le premier à repartir, pas pour me remettre en course, quoique Bernard en doute encore puisqu’il fait l’effort de me rejoindre. Les Gérard, les Pierrot, les consorts et les autres semblent ne pas vouloir nous suivre et c’est à tous les deux que nous est réservé la primeur du Giau. 

 

 

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       Col hors norme à bien d’égards ce Giau. Col muletier s’il en existe un, et pour cela son revêtement en témoigne. Ses paysages ne font pas mentir la montagne qui est majestueuse et grande jusqu’au ciel. De l’eau à profusion qui descend des glaciers se bouscule sous des ponts trop étroits. Des fleurs, des Campanules géantes, des Digitales pourpres, des Asters. Encore et encore des fleurs qui s'offrent à nous en bouquets de remerciements pour cette visite pacifique que nous leur rendons. A  moins qu'elles soient là pour servir d'excuse à la montagne, en guise de pardon qui voudrait nous alléger des quelques souffrances que ce parcours nous fait subir, car nous sommes aujourd'hui en dehors des sentiers battus. 

 

                                                                              Digitale

                                                                                                                                                                                                                        

                                                                                                                                                                                                    Dijitale pourpre.

            

 

       J’étais heureux de ces retrouvailles avec Bernard sur lequel la concurrence ne pesait plus. Nous avons roulé sans se tirer la bourre. Rouler ensemble pour l’un de ces plaisirs qui se vivent sans besoin d’explication. Rouler en prenant le temps d’apprécier l’environnement, de s’apprécier différemment l’un, l’autre.

 

 

 

                                                 Asters des Alpes

 

 

                                                   Aster des Alpes  

 

 

       La descente sur Cortina d’Ampezzo nous réconcilie avec ce que doit être une route digne de ce nom. La ville qui reçu les jeux olympiques d’hiver en 1956 est en effervescence. Sur sa place principale, des sculpteurs à la tronçonneuse travaillent sur d’énormes troncs de bois qui me semblent être du mélèze. Le temps de bader un peu, mais peu seulement, car le bruit des pétarelles et l’odeur du mélange huile-essence nous deviennent rapidement insupportables au point de devoir nous en éloigner. Là, commence des recherches pour trouver notre direction en vue de rejoindre Dobbiaco par le Passo Tri Croci. 

       La France, parait-il, manquerait de précision à propos de sa signalisation routière. Cependant, et si tel est le cas, surtout que nos services spécialisés en la matière ne prennent pas, dans ce domaine, l’Italie pour exemple. Je rappelle que nous sommes en 1985, cela c’est peut être arrangé depuis, mais pour trouver son chemin sur les réseaux secondaires de ce pays, mieux valait la boussole ou un Italien serviable : Merci à eux, nous en avons trouvé. 

       Dans les Tri-Croci, Bernard se trouve un nouvel adversaire dont il se serait bien passé en la personne d’Hubert. En bon camarade qu’il veut paraître, il lui dit en le doublant, vouloir tester son niveau de réserves !!!. Mon œil, quel chafouin cet Hubert qui en fait voulait bel et bien prendre les points qui manquent encore à Bernard pour être assuré de la tunique qui doit, dit en passant, symboliquement lui coller à la peau tellement elle lui fait prendre de suées !!!

       Au bout du compte Hubert n’aura pas le bouquet du vainqueur, Georges ayant échappé à tout contrôle est au sommet depuis longtemps quand il arrive.

      La descente sur Misurina est la bienvenue, même si nous savons que l’étape, au plan des efforts à fournir ne sera effective qu’au refuge Arronzo, au pied des Tri Cimes de Lavaredo, où nous devons faire viser notre carnet de route pour que l’étape soit validée.                            

       C’est après m’être installé au camping de Misurina, au pied de l’ultime obstacle pour la journée, après avoir débarrassé mon vélo de ses sacoches que je décide d’aller me faire apposer le paraphe attestant de mon passage au sommet, puis redescendre vers ma guitoune.

       Pierrot et moi partons les derniers et bien plus tard que les autres. Il a fallu que je le tarabuste durant près d’une heure, pour enfin le décider à boucler l’étape, lui voulant faire l’ascension le lendemain matin de bonne heure, ce qui le rendait solitaire et contrevenant à notre règlement intérieur. Pour ma part, je voulais finir sur ma lancée, une bosse pareille à faire le matin à froid, très peu pour moi! 

 

 

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       Il s’agit d’une route payante, mais gratuite pour les cyclistes. Le comble vient de nous être épargné !!!. Les trois kilomètres du début se font sur une pente à pourcentage humain. C’est après la barrière du péage que les choses se gâtent. Vingt pour cent d’une dénivelée se dresse alors devant moi comme un obstacle, comme un défi voulant s’opposer à l’arrogance que peut représenter un cyclo face à la noblesse des lieux. Droit sur les pédales, les dents serrées et la fierté comme antidote à ma fatigue, j’avance.

       J’avance, égratignant par moment la peau du monstre par le dérapage de mes pneus que la rage fait patiner. La route par endroit serpente au milieu d’un monde minéral que le soleil rend blanc comme neige. A présent, des lacets donnent à la montée l’apparence d’être moins rude. Je souffre, mais paradoxe, je suis bien. Je suis au coude à coude avec cet adversaire qui en veut à mon orgueil de vouloir lui résister, de ne pas mettre pied à terre. La lutte est muette. Seul mon souffle, près du râle, en rythme le combat. Je m’oblige à ne pas porter mon attention trop loin de crainte de me laisser envahir par le découragement. Un peu comme les œillères que l’on met aux chevaux pour en réduire  le champ de vision, je m’impose un regard bas. Cette méthode me garantit une certaine maitrise de mon capital énergie. Elle induit une dépense parcimonieuse de mon courage.

       J’arrache comme je le peux mon vélo à l’emprise du goudron qui, à n’en pas douter, voudrait me scotcher au sol. Chacune de mes pédalées comptent, je les sens m’élever vers ces immenses dents qui , je le sais, sonneront la fin de l'épreuve. 

 

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       C’est les yeux rougis par la sueur à laquelle se mélangeaient à mon insu quelques larmes de bonheur, que je découvre un immense refuge-hôtel-restaurant situé à 2265 mètres d’altitude. Des dizaines et des dizaines de touristes ont rejoint en voiture le site. Parmi eux, des dames en talons hauts et en habits de gala veulent se donner l'illusion de pouvoir partir à la conquête des Tri cimes. Certaines ont au bras un homme ventru, dont l’élégance est couronnée par un méga-cigare qui lui condamne la bouche.

       Le paysage est grandiose. Moi le bavard, souvent à la limite de l’exubérance devant ce type de paysages, aujourd’hui je reste muet. La fatigue en explique pour partie sans doute la raison. Une autre explication est à chercher dans cette logique qui veut qu’à trop de plaisirs, l’énoncée des mots, aussi flatteurs soient ils, restent insignifiants face à la grandeur du spectacle.

                                                                                                                               

        Ils nous restent encore une grosse étape demain, puis nous rentrerons dans la province du Frioul qui le 6 Mai 1976 à subi un tremblement de terre dévastateur faisant près d’un millier de victimes. Le Frioul, c’est là que vit un Ami, dont l’histoire est à noter au registre des exceptions.

 

       Après, à part quelques coups de culs, nous roulerons vers Trieste sur des terrains plus reposants. Mais avant cela, j’ai encore des choses à vous raconter. 

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21 avril 2011 4 21 /04 /avril /2011 16:42

               

  

                             SUISI : Le 21 Juillet au petit matin.

 

 

                 Un confort, tout relatif soit-il, peut faire office de luxe quand...

 

                                                                                                        

                                  Personnellement, je n’ai pas boudé le lit calé sous l’alcôve qui jouxtait l’espace sensiblement plus grand dans lequel s’était installé Georges. Une douche et des toilettes à se partager à deux représentaient un confort appréciable en comparaison de certaines installations de camping.

       L’orage promis par le ciel noir qui, hier, nous accompagna en fin d’étape a tenu ses promesses. A peine couché, par intervalles semblant réglés par un métronome, des trombes d’eau s’abattirent sur la maison. Le tonnerre grondait par secousses  en faisant un boucan d’enfer.

       J’étais particulièrement content de cette opportunité qui me permettait d’envisager la nuit sans le souci d’avoir à écoper. Les tentes ont beau être fiables, un contact intérieur avec la toile se traduit systématiquement par une gouttière. Par un temps comme celui que laissait présager les nuages, il est toujours opportun de rentrer les sacoches dont le volume encombrant est de nature à provoquer des touchettes, lesquelles confirment généralement le risque.

       En contrepartie de mon abandon du groupe, je devais me préparer à faire face aux attaques en règle des inconditionnels du camping. Georges et moi étions avertis des ‘’lazzis et quolibets’’ de nos camarades qui se voulaient tenus à ce qui fut évoqué lors de la préparation de notre raid : A savoir, la Canadienne, seulement la Canadienne comme hébergement !!!.

       Jusqu’à présent, et tant que cela m’a paru raisonnable, je me suis conformé à ce point de ‘’règlement’’ qui, je le reconnais, s’est avéré être convivial et unificateur du groupe. Cependant, il y a des situations qui devraient ouvrir à la permissivité, mais ce soir là, je n'obtiendrai pas l’indulgence de ceux qui veulent rester d’incorruptibles baroudeurs !.

       Je remercie celui qui a dit qu'à l'impossible nul n’est tenu. Pour moi, risquer de prendre la sauce au nom d’un engagement, qui pour le coup me paraissait pouvoir être dépassé, valait bien quelques joutes oratoires dont le sujet alimenterait sans doute le temps du petit déjeuner. Alors au diable ce type de principe qui voudrait me rendre solidaire à tout prix et en toutes circonstances. Foutaise que d’aller jusqu’au sacrifice et attendre que Dame Nature veuille bien cesser ses clameurs de tous ordres en déversant son déluge sur ma tête. Foutaise que d’attendre avant de fermer l’œil et pouvoir dormir sur mes deux oreilles alors que je sais avoir besoin de récupérer des efforts de la journée.

 

       Ce matin, le ciel est d’un bleu parfait. Rien de plus rassurant que d’en voir son immensité sans l’ombre de l’ombre d’un nuage.

       Les rescapés de la nuit arrivent dans la salle à manger de la Pensioné di Famiglia. L’environnement humide du camping les a contraint à venir prendre leur petit déjeuner en notre compagnie, dans ce lieu qualifié la veille comme étant pour nous celui de la perdition et de la parjure !!.

      Hubert, dont un besoin l’a conduit en nocturne aux toilettes nous raconte avoir vu un cyclo-clodo dormant dans les ‘’chiots’’. Par économie, par nécessité faute d’argent ou pour satisfaire un comportement délinquant et se soustraire à tout règlement, cette homme qui semblait faire également le raid, fut en effet revu sur le circuit lors de notre progression vers Trieste. Il occupait généralement le local des douches avec  son vélo et ses affaires. Visiblement, il en faisait son lieu de repos pour la nuit!! 

      Cette anecdote relatée comme entrée en matière ou pour faire diversion, le reste du discours, dont chacun de nos contradicteurs y prit part, fut à la hauteur de leur jalousie à nous voir ainsi reposés, détendus, frais et dispos. Georges et moi, nous voulant sans rancune, charitables à leur endroit sommes allés, par compassion face à leur mine déconfite que leur fierté même ne pouvait dissimuler, sommes allés, je le confesse, jusqu’à beurrer et confiturer les tartines de nos camarades.... ces héros !!!! 

 

                                                        Dans le  Pordoï 

 

                                 Dans le Pordoï.

                             Le temps est magnifique. Les paysages que nous promet notre carnet de route ouvrent l’appétit de notre curiosité. Le Passo del Pinei nous est servi d’entrée de jeu avec des pentes atteignant seize pour cent.....à certains endroits !!!.

       Gérard, lequel, jusqu’à présent s’était fait discret, vient d’attaquer Bernard un peu avant le passage du col pour lui ravir la vedette. Ce dernier reste tout penaud de se voir ainsi ‘’coiffé’’ sur la ligne, à la hauteur de la pancarte signalant le sommet.

      Pierrot immortalise le lieu pour ce que nous croyons être notre véritable entrée dans les Dolomites pendant qu’Hubert, pour fêter l’événement, lui jette aux pieds un reliquat de pétards qu'il trimbalait dans ses sacoches depuis le 14 Juillet. Cocasse la scène de Pierrot tentant de les esquiver et Hubert prenant un plaisir amusé à voir notre camarade faire des bonds de droite à gauche pour ne pas avoir à subir le désagréments des éclats de la pétarade qui dura jusqu’à épuisement du stock.

       Sans doute victime de l’ivresse des cimes, à croire que l’homme, qui pourtant dans sa vie professionnelle assume de lourdes responsabilités de salut public et au demeurant sérieux dans la vie courante, venait de perdre la raison !!!! 

      Pour s’assurer de notre capacité à pouvoir avaler plusieurs milliers de mètres de dénivelée dans la journée, je parlais dans le second épisode de mon récit, du test que l’on s’était imposé lors de notre préparation. Aujourd’hui nous sommes au pied du mur, au pied de gigantesques montagnes qu'il va falloir escalader afin de transformer l’exercice en essai et ainsi faire que l’examen soit validé. 

       En effet, des cols il va falloir en franchir et pas des moindres. Pour rejoindre San Cassiano qui est noté sur notre agenda comme étant la ville à rallier avant ce soir, il y a Le Passo del Pinei 1437 mètres que nous venons de sauter. Comme je le précise quelques lignes au dessus, pas très haut en altitude mais avec des rampes difficiles.

 

 

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                                                       Hubert me refait '' le coup du genou " 

 

      La descente nous fait traverser Selva di Gardéna qui marque, là, notre véritable entrée dans ce massif montagneux unique en Europe que sont les Dolomites. Il y aura pour finir : Le Passo di Sella à 2240 mètres et Le Passo Pordoï 2234 mètres pour ne citer que les plus grands. 

       J’ai noté que les altitudes précisées sur les cartolines  Italiennes  sont sujettes à des variantes comparées aux cartes de route et autres relevés qui se veulent précis. C’est ainsi, mais peut être que cela a changé depuis le temps auquel je fais référence, que le Stelvio  prétendait être le col routier le plus haut d’Europe avec 2757 mètres, alors que l’Iseran, en France, est à 2762 mètres d’après mes sources prises chez Larousse !!!

      Peut être que les Italiens veulent ainsi se venger de notre insolence en nous ravissant le prestige d’un sommet, alors que nous gardons leur Joconde prisonnière chez nous depuis ......François 1er !!!!!

 

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       Quoi rêver de mieux comme aire de pique-nique qu’une vue imprenable sur La Sella. Quel spectacle que nous offrent ces alpinistes dont les corps agrippés à la gigantesque muraille de calcaire nous paraissent minuscules. Tels des araignées multicolores, ils progressent lentement vers une olympe qu'ils savent pouvoir atteindre qu'avec précaution et maîtrise. Ma passion pour l’escalade m’en fait regarder leur évolution dans les diédres ou sur des dalles, qui, vues d’où je suis, me paraissent lisses comme du marbre.

 

 

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                                                 Le Passo di Sella...dans la froidure 

 

 

 

       Chacun a sa façon de vouloir, non pas dominer, mais jouer avec la montagne. Si les deux approches, celle du cycliste et celle des adeptes de la varappe ne peuvent être mises en comparaison, elles portent cependant en elles un amour affectif, émotionnel pour cet élément, que l’on se doit de séduire pour en faire sa partenaire.

      Le Pordoï nous joue le remake de la Sella par la majesté de son paysage. Les fleurs, parmi les plus belles rencontrées en montagne, dessinent de chaque coté de la route un chemin aux couleurs de l’arc-en-ciel. De grands oiseaux, des rapaces dont j’ignore le nom, jouent à la ronde au dessus de nos têtes. Le chuintement des marmottes se répercute en échos d’une paroi sur l’autre dans un concert de singuliers sifflements. De l’eau à profusion roule sur le ventre de la montagne, puis dégringole en cascades pour se perdre au fond d’un gourd. Au loin, sur un sentier suspendu à la falaise, des marcheurs semblent faire du surplace tellement leur progression me parait lente.

       Je ne vais pas vous refaire mon discours sur la contemplation, mais un spectacle comme celui vu à partir de ma situation de randonneur à vélo, jamais je n’avais rien vu de pareil.

      Si nos Alpes, nos Pyrénées ont également du charme et leurs particularités, elles ne peuvent être comparées à l’originalité des Dolomites. Le sommet des montagnes présente une architecture ressemblant à des cathédrales hors dimensions humaines. Dans une comparaison analogue, des châteaux touchants les nuages sont habités par une peuplade de volatiles habillés de tristesse qui me font penser à des comtes écrits pour faire peur aux enfants. Le contraste est frappant entre les fleurs, symbole d’accueil qui décorent la terre et ce que l’on aperçoit en levant les yeux. La hauteur des colonnes minérales qui s’élèvent jusqu’à toucher le ciel, l’environnement aux dimensions surréalistes, le col que l’on se doit d’atteindre sur nos minuscules engins et que l’on aperçoit au loin comme se voulant inaccessible, représentent un challenge dont l’enjeu peut être écrasant. Ou, au contraire, jouissif au possible pour peu que l’on prenne conscience du bonheur que l’on vit à être là. Simplement être là.

      Oui, je suis retombé dans ce travers qui fait que l’exception me noie d’un bonheur enfantin, voire ridicule à certains égards, mais dont je refuse à vouloir me défendre de son invasion. Je suis heureux pour moi, pour mes amis, qui, et peut être de façon différente, partagent cette représentation de ce que sont ces espaces et moments uniques qu’ils nous sont donnés de vivre.

      Je suis comblé par ce que je vis au point d’en laisser le groupe filer, négligeant volontairement toute poursuite vers une conquête qui ne me motive plus. En effet, depuis le sommet du Stelvio, et pendant que s’égrenaient les minutes de l’attente, celle de voir arriver Bernard, ma lutte pour ce que je voulais être un jeu m’est subitement apparue inconvenante et déplacée. Dieu sait pourtant combien j’aimais, dans certaines conditions ou contextes, me livrer à ce type de pugilat à la pédale, mais là, subitement, je n’en ai plus envie. Tout autour de moi était trop beau pour que j’en perde le souvenir. Bernard, quant à lui, allait se trouver d’autres ‘’adversaires’’. Pour ma part, fini le nez dans le guidon, ce qui vient de se produire restera cette résolution qui va faire de moi, et jusqu’à Trieste, un randonneur enfin raisonnable.

      Le terme de l’étape, bien que se rapprochant, n’est toujours pas en vue. Une longue et très belle descente nous conduit à Arraba où face à nous se dresse la route qui indique le Campolongo. C’est par là que passe notre chemin. Il couronnera Bernard d’un succès bien mérité en franchissant le sommet largement détaché d’un groupe de poursuivants, dont, je l’ai décidé, dorénavant, je ne ferai plus partie

 

 

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                                                          Vue Sur le Campolongo

                      

 

 

      De grandes prairies servent de pâturages à des troupeaux de chevaux en liberté dont certains se sont rendus propriétaires de notre lieu de passage. Habitués à ce qu’ils soient nourris de pain et autres caresses, ils n’hésitent pas à venir solliciter notre générosité.

 

 

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      La vallée nous ouvre ses bras, mais le village que nous croyons être celui d’un repos bien mérité n’est pas le bon. Je commence à apprécier ma décision consistant à vouloir ménager la monture car pour rejoindre San Cassiano, le Col de Gardéna se dresse comme étant la condition afin de pouvoir rejoindre notre ville étape et monter en toute légalité notre toile de tente. Surprise, en pleine nuit l’aire aménagée au sein d’une clairière n’était pas seulement habitée par des humains, des biches et autres cervidés sont effet venus troubler notre sommeil en venant, au cours de leur visite, se prendre les pattes dans les cordages de notre campement !!!

 

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      Sublime étape. Aujourd’hui encore, et pour les jours qui suivirent, j’étais heureux pour les miens, pour ceux que j’aime et auxquels, intérieurement, je criais ma gratitude et ma reconnaissance pour ce bonheur qu’il m’était permis de vivre grâce à leur compréhension et à leur générosité de coeur. 

 

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      C’est dans ce décor que Pierrot et moi allions simultanément décider pour nos familles respectives de ce qui allait être nos prochaines vacances d’été. Elles eurent pour cadre notre itinéraire de Thonon-Trieste. Cela se passa ainsi en 1986. Pas à vélo, les enfants étant trop jeunes pour une telle épreuve physique, mais en camping-car et dans les traces même de notre circuit.

 

                                                                                   

 Le prochain épisode aura encore pour cadre les Dolomites, le point d'orgue de mon Thonon Trieste.

 

                                                                                   

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4 avril 2011 1 04 /04 /avril /2011 21:52

                         QUAND LE PLAISIR EST AU BOUT DE L’EFFORT, 

   

                         

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                    Vu d’en bas, le Stelvio s’était affiché comme une citadelle, comme un fort qui voudraient en défendre l’accès à tout prédateur. L’inclinaison de la route fait office de rempart symbolique, d’une annonce à vouloir résister et défendre chèrement le droit à quiconque d’en fouler la cime. Au regard, à qui côtoie son pied, l’image d’une mise-en-garde vous est lancée comme un défi.

       Certes, si pour moi, comme pour celui de mes camarades, le chemin fut long et la bataille rude, j’en garde ce souvenir impérissable que je ne cesse de vouloir raconter.

       J’avançais, non pas le nez dans le guidon, mais à l’inverse, en regardant autour de moi. Je puisais mes ressources, ma motivation dans un plaisir indescriptible de désinhibition  où il m'était permis de communier avec ce monde fait de brume, d'eau, de soleil et de roche. 

        Une fois engagé sur sa route, la relation s'est faite accueillante, amicale. Pas d’hostilité entre la montagne et moi, plus aucune appréhension. Je me savais accueilli. Je me sentais en terrain de connaissance, accepté comme peut l'être un invité qui se voit offir un cadeau. Mon esprit alimentait avec elle une forme de dialogue où il était imaginé les termes d’un pacte de non agressivité. J’étais en accord avec tout ce qui fait que l’on se sent heureux, sans toutefois en trouver les mots précis pour expliquer ce qui nous arrive. Serein, à présent tout mon Être s’employait à escalader mètre après mètre la pente qui m’élevait vers mon objectif. Alchimie mystérieuse également que cet accord qui s’instaure entre l’effort à fournir, la souffrance qui en découle et la vivance d’un plaisir dont la nature échappe à toute rationalité.

        Plaisir : Comment définir ce mot alors qu'il fut obtenu au prix d’un effort gratuit, non productif de surcroît et qui n’a de but quantifiable que pour celui qui y trouve un intérêt. La récompense s'y rattachant est celle que l’on s’accorde, que l’on idéalise, à la fois grande et fragile. Certains seront éphémères, alors que d’autres continuent à habiter notre grange à souvenirs. Je peux comprendre que cette représentation du plaisir, sa qualification en tant que telle, puisse paraître suspecte, bizarre au regard des contemplatifs !!!!

      Il a été dit par je ne sais plus qui, que l’Etre vivant n'a de cesse de vouloir se créer des besoins. Le plaisir répond à cette nécessité de désirs, sa quête l'entraîne à naviguer sur tous les horizons. Celui que l’on tente d’obtenir au bout de l’effort n’a pas à être justifié, pas plus qu'il n’a à être compris par ceux qui ne peuvent adhérer à ce type de satisfaction. Pour ma part, déjà, à l’élaboration du projet, je vivais par anticipation le bonheur de rouler sur ces pentes, de gravir dans l’ombre des forçats de la route ces cols mythiques dont les histoires racontées dans le Miroir du Cyclisme fin 1940 me servaient à fabuler dans certaines de mes rédactions rédigées sur les bancs du primaire.

 

        Bernard et moi en avions fini depuis un temps qui pour nous ne comptait plus. Le spectacle que nous offrait la montagne, idéalisé par notre volonté conquérante, en avait estompé la durée au point de ne plus savoir ce qui s’en était écoulée.

      C’est en ordre dispersé que le reste du groupe nous a rejoint. Le rassemblement est à présent au complet. La descente sur Prato-Allo-Stelvio, notre point étape du jour est la plus spectaculaire qu'il m’a été donné l’occasion de faire à ce jour. Sur une vingtaine de kilomètres, des virages en lacés, liés, imbriqués les uns aux autres, dénouent sous nos yeux les fils d’un labyrinthe conduisant dans la vallée. 

 

 

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        Il n’y a pas eu de bobo, pas d’incident durant la journée. Seulement de la fatigue. De celle dont on ne se plaint pas car elle est convertie en une charge positive dés le poteau franchie. Elle devient le témoin d’un ressenti qui déleste tout l’Être de ce qu'il a dû vivre dans une difficulté comprise et acceptée. Cette fatigue n’est pas douloureuse lorsque l’on arrive à bout de son challenge.

 

 

                                              DE TOURS EN DETOURS

 

                                          Depuis notre départ de Thonon les Bains, nous avons fait une première entrée en Suisse pas le Pas de Morgin puis, nous en sommes sortis après le col du Simplon, aux alentours de Gondo pour enter en Italie. Notre itinéraire nous entraîne en direction de Ponté di Grivola et ce jusqu’à Piaggio di Valmara. Nouvelle incursion en pays Helvétique par Locarno, le Splugenpass. Court retour chez les transalpins pour nous faire traverser Chavanna. Dans le souci de ne pas nous faire rater de cols, le Sieur Rossini, je le cite pour rappel, car c’est lui le concepteur de ce raid cyclo-montagnard, nous dirige vers la Suisse par Castaségna. La bascule définitive sur le sol Italien se fera par la Forcola di Livigno. Italie que nous ne quitterons plus jusqu’à la fin de notre voyage.

 

                                    20 Juillet...En direction des Dolomites

                                                                                                                                                    numérisation0007-copie-2

 

      Le village où nous avons passé la nuit se trouve en zone semi-montagneuse. Il est amarré au flanc nord de la partie basse du Stelvio.  Du coin où j’ai planté ma toile de tente, son sommet se devine. Ce matin, des nuages en coiffent la tête.

      Le départ est matinal. L’étape, quoique longue, est qualifiée de transition par Hubert !!. Le début est en pente favorable. La descente d’hier soir a gardé pour nous une réserve de quelques centaines de mètres d’une douce dénivelée. Le terrain, propice à l’échauffement, fut salutaire à notre musculature fortement mise à contribution la veille. Nous fûmes bien inspirés de démarrer prudemment, car la route que nous découvrons au terme des kilomètres, se remet à monter pour atteindre Le Passo Di Palade. Dans l’ascension, Hubert sort ce qu'il croit être ses braquets des bons jours pour obliger Bernard à se donner à fond. Exigence de revers ou humour de circonstance, l’intrépide se disant fair-play, abandonne la lutte pour se laisser glisser à l’arrière et finir avec Gérard !! 

 

      Au sommet du col, le gardien du refuge-restaurant nous sert un copieux repas. Bernard, heureux de sa victoire arrose de plusieurs chopes de bière les pois rouges qu'il vient de grappiller pour la reconquête de son maillot de meilleur grimpeur. Dans la descente, il suit Pierrot la tête dans le guidon. Excités à l’idée de nous jouer un mauvais tour en nous distançant, ils manquent l’embranchement de la route qui conduit à la Passe de la Mandola, le second col de la journée. Là, pour le coup, et pour une question de navigation, les plus rapides ne seront pas les premiers au sommet! 

 

 

 

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      Bolzano : la signalisation nous pose un problème. Nous ne trouvons pas le panneau qui doit nous indiquer Suisi. Enfin la route est trouvée. Route sur laquelle se produira un incident, certes sans gravité, mais qui m’oblige à vous apporter une précision!

 

 

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                                Comment, ainsi ficelés,  ne pas perdre......ses bagages!!......

 

      En fait, depuis le départ, seulement quatre d’entre nous voyageons en totale autonomie, ce qui n’est pas le cas de Gérard et Hubert qui se partagent une toile de tente. Sans doute mal ficelés sur son porte-bagages arrière, le passage de son vélo dans un nid de poule, et voilà que Gérard en a perdu les piquets sur la chaussée. Un camion arrive, branle bas pour un signalement d’urgence. Il est à quelques centaines de mètres. Il va, à n’en pas douter, écraser le matériel qui fera de nos camarades des Sans-logis pour le restant des nuits à passer d’ici à Trieste.

       Le chauffeur, ayant évalué la situation et sans doute apprécié le coté comique de notre agitation, est venu, par jeu, immobiliser les roues de son camion à moins d’un mètre du matériel de charpente de la guitoune. L’essentiel vient d’être sauvé. Échange amical avec le conducteur du véhicule qui, visiblement, s’est amusé à nous faire peur. Ouf de soulagement, pour ne pas avoir à accueillir des naufragés sous notre habitat dès le soir venu ! 

 

 

 

 

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           Le chargement de nos vélos rend dubitatif cet Italien quant à notre capapicité à pouvoir,                                           ainsi lestés,.......franchir les Dolomites!

 

 

       La fin d’étape est difficile, les sept derniers kilomètres accusent une forte pente et un soleil de plomb annonce un orage qui ne saurait tarder. Alors que les Bernard, Pierrot et les autres sont à la recherche d'un camping, Georges et moi avons repéré un panneau annonçant ''''pensioné di famiglia"" Le ciel ne laissant rien présager de bon pour la nuit, un toit et le confort d’un vrai lit ont eu raison de notre faiblesse à ne pas vouloir subir les caprices du temps.

       Demain sera un autre jour, notre carnet de route , nous l’imaginons, saura nous entraîner sur de nouveaux terrains d’aventures dont les histoires nourrirons les lignes du prochain épisodes.

 

 

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23 mars 2011 3 23 /03 /mars /2011 07:42

 

Photos-classees-divers-066.jpg                              Au départ de BLAUZAC (Gard)

 

                                                 Photos classées divers 014                                      Capitelle possédant un étage

     

       Ce dimanche 20 mars 2011, le groupe des Esclots, avec pour accompagnateurs René et Pierre, est parti en direction de la frontière des Cévennes pour une rencontre avec les vestiges d’un passé. La mission de nos guides était de nous conduire dans la garrigue à la recherche de ces cabanes de paysans que l’on appelle ici des Capitelles

      Capitelles, en référence à chapiteau dans le département du Gard ou Bories, dans celui du Vaucluse. Deux appellations différentes pour des monuments aux techniques de constructions semblables, à peu de choses près.

      Si, pour les Capitelles, l’étymologie est arrêtée à celle de chapiteau, celle des Bories veut se distinguer par des origines aux racines multiples, dont deux parmi d’autres peuvent être retenues.                         Photos classées divers 059

      L’une est notée dans le dictionnaire de Paul Cayla. Elle fait référence à une unité de surface des terrains agricoles. Terrains qui comprenaient sur leurs sols une ou plusieurs  constructions en pierres sèches dont le nom était inspiré du latin Borium que l’auteur rapproche à celui de Buron. Il s’agit, là, également, de cahutes montées avec des techniques approchantes de celles des Capitelles et des Bories que l’on retrouvent sur les plateaux Lozériens, du Gévaudan et Photos classées divers 013plus largement en Auvergne.

 

        Le sommet de la toiture est fermé par cette lourde pierre.

 

      L’autre hypothèse parle d’étables à bœufs, Bovaria, Bovis en latin, puis Borie. Deux désignations différentes pour des monuments similaires. Il s’agit, généralement, pour ces deux modèles, de petits édifices réalisés en pierres sèches extraites à même les sols environnants, choisies, mais posées en l'état, sans taille particulière les unes sur les autres et sans aucun lien. Leurs constructions d’un poids considérable relèvent d’un savoir faire qui a fait ses preuves en matière de solidité. La conclusion du toit en forme de voûte fait appel à un équilibre d’ensemble fort ingénieux quant à la disposition de ses éléments qui en ferment son sommet.                                               

      Si l’architecture des édifices se trouve avoir des points communs pour ce qui concerne ces deux départements voisins, l’origine du nom de Borie faisant référence aux bovidés pose toutefois questions. En effet les terrains arides des alentours de Gordes, des monts de Vaucluse sur lesquels se trouvent moultes Bories ne revêtent pas les qualités de terres à pâturages aptes à pouvoir nourrir des animaux aussi consommateurs de verdure !. Il reste à penser que les bœufs qui servaient aux labours, étaient montés de la plaine avec le fourrage servant à leur nourriture le temps de la saison des cultures !!                                                        

      Mais revenons aux Capitelles. Nous sommes pour la journée sur de magnifiques sentiers  Gardois longés par de  larges murailles épaisses comme des fortifications à la Vauban. Elles sont, pour la plupart d’entre elles, restaurées avec soins par des associations de bénévoles ou par les propriétaires, pour ce qui concerne les domaines privés.  P1010988[1]

 

      Le circuit est fléché. Il tournicote au milieu des champs de vignes et de bosquets de chênes verts. Contrairement aux Bories, implantées sur des espaces caillouteux, secs et en plein soleil, les Capitelles se trouvent sous une végétation arborée. Elles se cachent au milieu d’une nature accueillante.Toutes sont entourées d’un mur d’enceinte délimitant un territoire qui peut, pour certains, s’évaluer à un hectare et plus.                                                                                               Photos classées divers 049

        L’époque de leurs constructions, quant à elle, reste sujette à des annonces mentionnées comme étant fantaisistes par les historiens qui se veulent réfléchis. En effet, certains ‘’érudits’’, sans preuves archéologiques, sans archives crédibles les ont datées, qui du néolithique ou remontant aux Ligures et pour d’autres aux Vaudois. Ces thèses parlant d’une ancienneté aussi lointaine ne semblent pas fiables. Les bâtiments étant élevés à même la terre et sans aucune fondation n’auraient pas pu résister aux turbulences du temps et n’auraient, par conséquent, pas pu laisser les vestiges que l’on peut rencontrer sur cette partie de notre territoire..

      Plus sérieusement, un testament de 1630 ( sous le règne de Louis XIII ) de Guillaume Amalric, laboureur de son état et résident à Moussac, mentionne pour la première fois le nom de Capitelles comme étant un bien répertorié sur le domaine lui appartenant. Il semblerait qu'à partir de cet écrit officiel rien ne prouve, à quelques dizaines d’années près, une existence antérieure à ce temps pour ce qui concerne ces constructions sur notre sol.           

                                                          Terme en pierre délimitant une propriété

 

                     Photos classées divers 057

      Les Capitelles, comme les Bories, avaient pour usage principal une fonction d’abri pour l’outillage et pour le bétail. Cependant, certains de ces édifices comprenant plusieurs pièces, dont certaines à l’étage, ont sans doute servi de logement soit à l’année, soit pour la saison agricole ou d’estive pour les bergers. Il n’est pas exclu également que des charbonniers, nombreux dans ces forêts propices à la fabrication du charbon de bois jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, aient utilisés les capitelles comme habitation.  Des citernes creusées dans la roche et destinées à collecter les eaux pluviales sont encore visibles à proximité de certaines de ces constructions. Elles semblent témoigner d’une vie sédentaire de personnes ayant vécues sur les lieux.

      Dans le Vaucluse, près du hameau de Travignon et sur la piste des Lays en particulier, grand nombres de ces réservoirs, appelés localement des ayguiers, taillés dans le calcaire et recouverts d’un petit bâtiment du style Bories ou Capitelles, attestent de cette probabilité.

      A noter que nous ne sommes pas les seuls à avoir des vestiges construits de la sorte. En effet, ils s’en rencontrent en Espagne, en Italie, en Suisse, en Grèce, au Pays de Galles, en Irlande et même en Palestine.

 

      Superbe la ballade. Riche grâce aux associations et à leurs bénévoles, qui pierre après pierre, remontent, restaurent ce que le temps a abîmé ou avait détruit.Photos classées divers 043

 

 Cependant, faute de main d'oeuvre spécialisée, les pierres des édifices effondrés sont quelquefois utilisées pour la construction de mazets provençaux de type classique.

                                                                

 

       Ballade riche de l’histoire de ces paysans qui ont, voici plusieurs siècles déjà, construit ces centaines de Capitelles autour de Nîmes et Uzès, pour ne parler que de cette région Gardoise.    Photos classées divers 034

       Merci à tous ceux, qui par respect d’une mémoire à entretenir, font renaître ce que les anciens nous ont laissé comme marque de leur passé.                            

 

             ''L’histoire avance, mais demain est sans avenir s’il ne prend pas le passé pour fondation'' .                    

 

Note de l’auteur : Certains éléments de ce récit sont inspirés d’informations recueillies sur Internet.

 

                                                                                                                                                                                                                                        numérisation0007-copie-1

                        Capitelle et Borie. Acrylique sur toile.  

 

                                                       Marcel Tauleigne  DSC 8473 A

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13 mars 2011 7 13 /03 /mars /2011 00:28

                                      LE GRAND JOUR. (R )

                                                    

                                                                                  

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       Mon temps d’éveil consécutif au vacarme provoqué par le bruit du tonnerre et de l’eau, que le ciel déversait sur ma toile de tente, c’est vu comblé par les images rencontrées sur le chemin parcouru depuis mon départ de Thonon. Je rappelle que le bilan que j’en tire à cet instant est sans tâche. L’entente dans le groupe est des meilleures et aucun pépin notable n’est venu perturber, à ce jour, la bonne marche de notre organisation. Les paysages traversés, dont les plus beaux sont fixés sur la pellicule de mon appareil photos, resteront à jamais des cartes postales rangées dans l’album de mes souvenirs.

      Notre cohabitation est une première, et sans que cela soit une surprise, une ambiance de sympathie mutuelle s’est spontanément installée au sein de notre petite communauté. Si Pierrot et moi avons, ensemble, une longue expérience du partage de la route, le voisinage avec les autres membres de l’équipe est nouveau dans le domaine de ce type de proximité.

      Porté par un projet collectif, mûri par les réflexions personnelles que chacun a pu exprimer, l’engagement fait en connaissance de cause est devenu en toute logique un objectif communautaire.

       Le groupe ne souffre d’aucune concurrence, si ce n’est celle toute amicale que nous opposons à Bernard pour ce qui concerne le très symbolique maillot à pois. Ce qui, à priori, peut laisser croire à un sujet à problèmes, s’est vu transformé en une succession de scènes théâtrales toujours comiques. Leurs préparations donnaient lieu à des provocations, des intimidations. Tout cela respirait bon la farce, même si une fois l’ultime démarrage lancé, le provocateur se devait, le temps du sommet franchi, être à la hauteur de son défi, afin garder bonne figure. Si à quelques occasions, et cela fut pour chacun de nous le cas, un jour ou l'autre, les causes de l’échec ont toujours été expliquées sur le ton de l’humour, de l’excuse bidon, jamais sur celui de l’amertume. Jamais, durant ce qui était devenu bien plus un jeu qu’un enjeu, il n’y eut de manifestations de mauvaises humeurs. Le verbiage à outrance, la mise en boite, les commentaires au ton exalté refaisaient surface le soir au restaurant. Sans modération, ils animaient nos soirées et celles des clients, dont certains prenaient part au spectacle. Parfois, la comédie que nous entretenions par une joute oratoire bruyante, nous accompagnait sur le chemin du retour à nos toiles. Emporté par notre gouaille, ils nous arrivaient alors de dépasser les règles de la convenance. Ces moments d’égarements, et même si nous prenions le soin de nous installer à l’écart de la foule des campeurs, nous attiraient alors des remontrances de ceux pour lesquels la nuit avait déjà commencé.

 

                            19 Juillet au matin, il fait un temps radieux. 

                                    De Livigno à  Prato Allo Stelvio

 

                                   

      Aujourd’hui, c’est l’étape monstre, celle qui va enregistrer l’addition au total le plus haut dans le domaine de la dénivelée. Au menu des entrées, la carte nous place en premier plat, la Passe del Eira, puis celle du Foscagno. Le Stelvio, plat de résistance s’il en est un, se situe au rang du dessert, en fin de parcours.

 

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                                          Les notes d'Hubert qu'il prenait en roulant.

 De même, il faisait des photos sans s'arrêter de peur de se voir distancer et de perdre ses chances de pouvoir disputer sa place au sommet des cols!

 

             Nous savons tous que cette étape ne sera pas neutre, que face aux annonces faites depuis des semaines en ce qui me concerne, et depuis hier par Bernard, la bagarre aura bien lieu. J’imagine déjà ce que seront les mises en scènes autour de nous et je sais d’autre part qu’il y a des contestataires à mes prétentions ! Ma méfiance devra donc se porter, non seulement sur Bernard, mais sur l’ensemble de ceux que je considère aujourd’hui comme étant des rivaux potentiels.

       À défaut d’être des amis de longue date, nous nous respectons les uns les autres, cela va de soi, mais je ne les crois pas disposés à m’offrir le gâteau et la cerise, sans m’avoir mis en situation de les mériter! Je connais leurs ruses redoutables pour avoir été l’un des leurs dans des stratégies d’attaques lors des jours précédents. Attaques qui visaient Bernard, afin de lui montrer notre détermination à vouloir le contrer. Leurs malices mises de concert peuvent entraver ma route. Je les sais coquins, farceurs, éléments de nature à mettre de l’ambiance, mais également dangereux pour l’objectif que je vise.

      Pour paraphraser Philippe II Le Hardi, qui lors de la bataille de Poitiers, s’adressant à son père Jean le Bon que les Anglais entouraient et menaçaient de toute part, je vais devoir me garder à droite et me parer des attaques pouvant survenir de ma gauche tellement je pressens des machinations possibles et dont je pourrais bien être la cible !

      Le départ se fait à douce allure, la prudence est de mise. Le Passo del Eira se profile à l’horizon. Il est à 2208 mètres, de quoi nous amener à être raisonnable. D’autant plus qu’il sera, après la descente, suivi du Passo di Foscagno à 2291 mètres. La route est longue mais les pourcentages ne sont pas méchants. Je ne vais pas recommencer dans la description des paysages que nous traversons. Sachez seulement qu'ils sont beaux. Depuis trois jours, les montagnes présentent des sommets neigeux dont la luminosité éclaire nos ascensions. 

 

                                 Une aubépine de haute montagne

 

             Rencontre insolite, une aubépine  en fleurs à plus de 2000 mètres d'altitude !

 

 

                Je devrais le taire pour m’éviter d’être pris pour un parano, mais dans cette ambiance je me trouve être l’égal du roi du monde. Je baigne dans un bonheur total. Moi le bavard, le turbulent, je m’isole soit à l’avant ou décroché, pour vivre ce moment en égoïste, pour me l’approprier, le fixer à tout jamais dans cette mémoire qui me permet, encore, des décénies plus tard de vous en restituer le vécu. Mémoire aujourd’hui secondée grâce à l’aide des notes prises sur le vif et à celles empruntées pour la circonstance au livret rouge d’Hubert.                                   

      Par des montées, des descentes interminables, des toboggans à l’échelle surdimensionnée, la route nous rapproche d’immenses montagnes qui se profilent à l’horizon. C’est un peu avant le sommet de Foscagno qu’une crevaison arrête la caravane. Gérard, monté sur des pneus fins se retrouve à rouler sur la jante. Il est, avec Georges, le plus calme de notre tribu. Présent et participatif sûrement, mais il reste toutefois dans le registre de la discrétion, contrairement à d’autres, dont je fais partie. Ceci dit, je le sais complice d’Hubert et quand il s’agit de mettre le feu aux poudres il n’est pas le dernier pour enfoncer le clou. Je vais m’en méfier dans le Stelvio, où pour faire diversion il peut avoir l’idée de s’échapper et je le sais capable d’aller au bout.

      Le bas du col nous offre une aire de pique-nique dont nous profitons avant d’aborder le dernier obstacle, que dis-je ? L’Himalaya du jour. Des tables, des bancs représentent un véritable luxe pour les espèces de vagabonds que nous sommes au milieu de touristes italiens tirés, eux, à quatre épingles. Les transalpins, même sur l’herbe se veulent élégants. J’en ai vu en cravate, manger sur des nappes brodées, serviettes assorties et vaisselle en porcelaine. Certains poussaient le raffinement à boire dans des verres à pied, qui posés sur un sol instable, donnaient une image prêtant à rire !

      Je revois la tête que faisaient les enfants propres comme des sous neufs, nous regardant piocher notre nourriture avec les doigts et moi boire dans mon car en aluminium, culotté par des reliquats de café et de boissons de toutes sortes. Qu’ont dû penser ces gens de moi, de nous, à me voir boire dans ma timbale tirée des stocks d’un matériel réformé provenant sans doute de la guerre d’Indochine ? À tout vous dire, cela m’importait peu, ma conscience était ailleurs. Elle vivait les moments d’un luxe que je m’offrais et dont leur esprit était sans doute à mille lieux d’imaginer.

       Pour nos repas champêtres les achats se faisaient généralement la veille au soir au village étape, parfois même dans le petit commerce du camping. Selon les exigences des becs fins du groupe, il nous fallait trouver un plus grand magasin. Je me souviens d’une envie de l’un des camarades qui avait, un jour, voulu manger à tout prix du saumon fumé dans son sandwich !

        D’un havre de verdure, d’un air rafraîchi par l’eau du ruisselet qui bordait l’aménagement de notre coin dînatoire, sans transition, une atmosphère de fournaise nous saisie dès notre bicyclette enfourchée. L’air du fond de vallée qui nous conduit d’abord vers Valdidentro est pesant, lourd. Lente montée vers les masses imposantes de plusieurs montagnes, sans encore savoir celle sensée devoir nous accueillir pour notre passage. Elles se dressent face à nous dans une attitude insolente, dans une posture semblant vouloir nous mettre au défi d’en accrocher leurs pentes. Contrairement à La Maloja qui laissait voir, bien dessinée devant nous la route qu’elle nous proposait, ces montagnes là ne laissent rien apparaître d’un tracé permettant de les gravir.

                                                                     

      À l’approche de Bormio la situation s’éclairci. Une cime se devine, se distingue des autres. Son profil, rendu familier par la documentation qui nous a servi à la préparation de ce raid, ne prête à présent plus à la confusion. Le morceau du roi, celui qu’il va falloir chercher en son sommet est là, devant nous.

       Si cela peut s’évaluer en dépense physique, le Stelvio, abordé après deux ascensions majeures dans la journée, représente, en terme d’effort, bien plus qu’un Ventoux compte tenu de son altitude. Au dessus de 2000 mètres la carburation est plus difficile et là, l’escalade frôle les 2800 mètres. De son pied à la ligne de bascule il y a une vingtaine de kilomètres pour 1532 mètres d’une dénivelée à près de huit pour cent de moyenne.            

                                                                                                                                                                                                                                                                                                  

    Il fait chaud, très chaud. Le ciel est sans un nuage. Il arbore ce bleu qui est particulier aux Alpes en période de chaleur exceptionnelle. Il n’est pas celui de Cyan, n’y celui de Prusse bien trop foncé. Il est un mélange des deux. Il est superbe. Il est d’un azur que le peintre amateur que je suis ne peut en reproduire la valeur, et qui de toute façon, n’oserait pas la poser sur une toile tellement il parait surréaliste. La luminosité est éblouissante même à travers mes lunettes aux verres pourtant fortement colorés.

      Les premiers kilomètres se font en groupe. Des œillades de la part de Pierrot, de Hubert, de georges et de gérard fusent en ma direction, à l’exception de Bernard qui depuis le début de la pente reste dans ma roue. Ils se relaient et me tournent autour pour me provoquer, m’obliger à prendre ‘’mes responsabilités’’. Sans avoir besoin de les entendre le verbaliser, je sais ce qu’ils veulent me dire. 

    Effectivement, je suis au pied du mur et c’est à moi d’abattre les cartes, mes cartes. Je crois comprendre qu’ils souhaitent nous voir les laisser monter à un rythme qu’ils veulent choisir. Ils ne viendront donc pas nous mettre des bâtons dans les roues. Ils ont décidé que cet engagement n’est pas le leur et nous laissent le loisir de nous expliquer en toute liberté. Conformément à ce qu’avaient laissé supposer mes camarades, sans avoir eu besoin de me retourner, rapidement je sus que nous n’étions plus que deux.

      Je me dois de rappeler pour écarter tout malentendu entre vous qui me lisez, et la description que je fais de nos traquenards par manivelles interposées, nos confrontations depuis le départ ne relèvent d’aucune animosité. Elles reflètent un état d’esprit qui se veut bon enfant, espiègle, pétillant au sens sportif du terme. Il s’est trouvé que Bernard et moi aimions cette conduite qui admet la dualité. Entraînés à l’effort, ayant lui et moi une bonne expérience de la montagne, nous savions à quoi nous engageait ce type de fantaisie. Ce que nous avions sans doute en plus que nos camarades, c'est ce brin de folie qui n’est autre que le trait de nos tempéraments !

       Le train n’est pas rapide, sans doute moins de dix kilomètres par heure au pifomètre, ma randonneuse n’etant pas munie d’un compteur. Je ne m’emploie pas à fond. J’évalue ma dépense à ‘’80% cuisses’’. Bizarre me direz-vous comme indice de référence, mais il est le mien et il me donne plein d’indications.

       Bernard remonte par moments à ma hauteur. Il vient me rendre visite, prendre des indications sur mon état de forme. Un petit ‘’comment ça va’’, un sourire et il disparaît à nouveau pour se laisser glisser à l’arrière et venir se caler dans ma roue.

       Bernard, c’est le rigolard du groupe, toujours de bonne humeur, le mot gentil, le comportement généreux. Sans que l’on ait eu auparavant l’occasion de se découvrir dans ce type de ‘’couillonnades’’, une complicité s’est mise en place pour le meilleur du sport et pour le rire.

      Elle est restée le gage de cette entente jusqu’à Trieste. Ce qui était devenue une animation quotidienne, dont chacun s’improvisait acteur à la forme du moment, a donné à nos étapes une couleur de kermesse où le comique était à la fête.

       À l’avant, les visites de Bernard commencent à se raréfier. Un soleil brûlant fond le maigre revêtement goudronneux de la route qui se soulève en une quantité de petites de bulles. Je le devine à la peine d’autant que les premiers kilomètres parcourus m’ont pleinement rassuré sur un état de forme comme je les aime . Depuis quelques centaines de mètres, j’ai pu descendre de deux dents sur ma roue libre. Deux dents de moins, soit 28x24. Je suis dans ‘’mon affaire’’, tout baigne. J’enroule le braquet tout en ménageant la monture !

       C’est parti pour quelques milliers de tours de roues. Je me suis entouré d’un Univers que je sais mettre en place, un environnement qui m’accompagne, qui me guide, qui me rassure. Je suis là, bien présent, et ailleurs à la fois. Je me contrôle, je me programme dans l’effort à fournir.

       À partir de cet instant tout change, Bernard n’est pas, n’est plus un adversaire à battre. Il devient ce compagnon de route que j’espère sacrifier sur l’autel d’un engagement dont les raisons m’appartiennent. Il me devient proche dans des émotions que nous sommes seuls à partager. Lui dans son voyage et moi dans le mien.

      La fraîcheur rencontrée sous l’un des longs tunnels que nous venons de traverser redonne de l’énergie à Bernard qui d’un coup de reins me passe pour s’en aller à une cadence que je ne peux pas suivre. Je suis surpris du braquet qu’il tire. Je pense qu’il est en train de me la faire à l’esbroufe, et que nous nous reverrons. Non pas un jour ou l’autre comme dans la chanson de Charles Asnavour, mais bientôt. À moins que depuis le départ il m’ait joué la comédie du faiblard d’en le but de vouloir m’endormir. Une centaine de mètres nous séparent, la route monte en ligne droite. La pente est de plus en plus raide. Des bâtiments s’étalent au loin, mais ils ne me paraissent pas être assez hauts pour indiquer le sommet. Mon impression n’a pas mis longtemps à se confirmer, la Passe est à quelques kilomètres au dessus. Bernard, bien plus jeune que moi et une vue sans ombre, a dû croire que nous n’étions pas loin du bout et a voulu me le faire au sprint. En effet je suis un grimpeur au train, les accélérations violentes, très peu pour moi, et cela le coquin a eu l’occasion de le repérer!

      Il s’agit en fait du village de Braulio et non de la station construite au pied de la trouée qui couronne le passage permettant de basculer vers Prato-Allo-Stelvio.

       Dés les dernières maisons passées, les lacets hissent la route vers la cime en déroulant des méandres à perte de vue. Un monde minéral sur lequel l’eau saute de cascade en cascade éclabousse les rochers, faisant fleurir par endroits de minuscules arc-en-ciel. Je suis au Paradis dans cette ambiance que je qualifie de lunaire, aux Anges même, d’autant que je viens de rattraper Bernard. Trahi par le mirage du village trompeur, il présente la mine des mauvais jours. Un rictus que j’ai déjà eu l’occasion d’observer n’annonce rien de bon pour lui. Le --comment ça va -- ? que je lui adresse n’obtient pour toute réponse qu’une longue expiration. Mélange d’expression de lassitude et de déception pour s’être laissé emporter par l’illusion de ce qu’il avait cru, ou voulu croire comme étant le  trône de son couronnement.

 

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                                        Dans le Stelvio: 90 kilos à monter au sommet!

 

               Je suis seul. Bernard a perdu pied. La chaleur une fois de plus a eu raison de lui et les efforts consentis inutilement au cours de cette longue accélération ont sans doute achevé de le démotiver. Je pédale vers mon sacre, mais pas pleinement heureux. Même si je me suis assuré qu’il allait bien, même si je ne le sais pas isolé, le reste du groupe est derrière nous, j’ai le regret de ne pas avoir su être charitable, magnanime.

      En levant la tête, c’est évident, la tranchée que j’aperçois et qui pourfend la montagne ne peut être que le col. Perdu dans mes pensées et absorbé par l’effort, j’ai raté le contrôle de l’Umbrail-Pass. Il s’agit d’un point de vue qui effectivement figure sur le carnet de route. Ceci dit je ne serais pas le seul, Bernard et Pierrot l’on également escamoté. Pour rendre justice à ce dernier, il parait qu’il est redescendu pour ne pas être contrevenant au règlement du Sieur Rossini ! Le monsieur, auquel une fois la randonnée terminée, nous aurons à expédier notre carnet de route pour la validation de notre Thonon-Trieste.                       

       Je devine le dernier virage qui va terminer mon ascension. Depuis un moment j’ai ralenti mon allure. Je peux distinguer les skieurs qui descendent sur une langue glacière jusqu’à la route sur laquelle je vais arriver. Je roule au pas, l’esprit habité par une foule de pensées.

 

                                                                                             

 

       Subitement l’une d'elle m’attriste. Je viens de réaliser que je suis seul au milieu de ces gens qui ne me sont rien. Mes collègues ne sont pas là, peut être loin derrière, et Bernard qui n’arrive pas.

       Encore aujourd’hui, je ne peux toujours pas dire ce qui a motivé mon attitude, mais la vérité reste la même. Je n’ai pas, seul, pu aller au bout. Oui, avec la volonté délibérée de lui tourner le dos, je me suis arrêté et mis pied à terre à quelques dizaines de mètres de la ligne blanche qui marque le passage au sommet. Oui, je pleurais. À la fois de bonheur pour en avoir fini comme j’en avais rêvé et de tristesse sans pouvoir m’en avouer la raison. Le  temps s’écoulait. Je scrutais en direction de la sortie du virage, de la route qui m’avait posé là, observant, espérant à tout instant voir déboucher le maillot et les sacoches rouges de Bernard.

      Ému en lui voyant le visage marqué par la fatigue et la chaleur. Encore plus ému de le voir sourire. Manifestation rassurante que j’ai remarqué de loin et qui, le connaissant bon joueur, m’acquittait de tout reproche. Quelques mètres avant qu’il ne me rejoigne, je suis monté sur ma randonneuse pour que nous puissions rouler de front. Spontanément, sans calcul, nos mains se sont alors rassemblées, et c’est les bras levés comme à la parade que nous avons, ensemble, franchi la ligne. Ce qui venait de se passer m'autorisait enfin à regagner le droit d'être pleinement heureux. 

     

                                                   Bernard, tout en rouge....enfin                                                   

                                                                                                                                                                                                           numérisation0002-copie-5              

 

           En effet, la victoire, si de victoire il s'agissait, ne pouvait me réjouir qu'à cette condition.   

 

 

 

                                                              

                                                                         

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3 mars 2011 4 03 /03 /mars /2011 19:02

                                      REFLEXIONS

 

 

                      Livigno, nuit du 18 au 19 Juillet 1985.

 

        Ma tente est agitée par un vent qui petit à petit s’emballe. Mal tendue, la toile de la doublure battant au rythme des rafales est venue m’effleurer le visage. Me voila réveillé. IL fait très noir.

 

 

                                  numérisation0014-copie-2

 

 

       Je dors sous une petite canadienne achetée au Vieux Campeur. L’ensemble de mon matériel provient également de cette maison spécialisée dans le registre du vacancier itinérant. Il en va ainsi de mon mini camping-gaz, de la petite vaisselle, du pack comprenant le sel et le poivre, et de la carafette en plastic qui fait pour l’huile et le vinaigre. Il avait été plus où moins convenu que l’autonomie serait un garant pour chacun, au cas où l’un d’entre nous ne pourrait pas continuer le chemin. Le récipient me servant à boire le café du matin, parfois la soupe ou tout autre liquide, n’est autre que mon car de militaire que j’ai volé en représailles pour de les vingt huit mois retenus sous les drapeaux. A part les rencontres de camaraderies heureuses, il reste le seul souvenir de cette période. Souvenirs de bons coups bus entre amis alors que nous avions vingt ans. Je n’ai pas de nostalgie particulière de cette époque. Ce retour veut bêtement préciser que tout homme qui a vécu ce qu’il est convenu d’appeler l’armée, se souvient de ce qu’a pu représenter son car !

       A présent ma crainte se confirme. Le vent était en fait les prémices à l’orage qui gronde, se rapproche et s’abat sur ma frêle habitation. Je suis bien équipé, la toile est imperméable. Je suis sur un matelas auto-gonflable, certes un peu dur mais qui m’isole bien du sol. Quant à mon duvet c’est un moins trente degrés. je ne risque pas d’avoir froid. Le vacarme que produit le phénomène a également sorti mes collègues de leur sommeil. Des échanges chuchotés véhiculent entre nous des informations rassurantes. Personne ne prend l’eau.

      Entendre pleuvoir alors que l’on est pelotonné dans ce qui reste un lit douillet est une situation particulièrement agréable et propice à la réflexion. A défaut de pouvoir me rendormir, je refais le chemin à l’envers. Le départ de la maison ce 13 juillet, les embrassades des enfants, les tendres recommandations de prudence de mon épouse qui me sait un peu foufou en descente. Rémi, notre jeune fils est inquiet quant à savoir si je ne vais pas me perdre en route :

----Papa, pour revenir, comment tu vas faire ? Dans combien tu reviens ?

----Une quinzaine de jours, trois fois les doigts d’une main.

      Je me revois lui tenant un discours ‘’cucul la praline’’ qui se voulait rassurant, comme s’il était encore un bébé. Et lui de me rappeler qu’il savait compter. Effectivement à neuf ans, déjà 9 ans, l’on sait au moins aller jusqu’à quinze !

      Magali, notre fille de dix sept ans ne semblait pas soucieuse quant à ma capacité à retrouver la maison. De plus, elle savait pouvoir négocier quelques sorties avec sa maman sans m’avoir sur le dos avec mes recommandations de papa poule. Je me savais accompagné de son affection et de celle de son frère. Je savais ma Jojo consentante sans restriction à ce besoin d’escapade dont elle devinait le plaisir qui allait être le mien.

      Pendant la projection du film qui déroulait ces images, je me suis surpris à devoir maîtriser des montées humides qui venaient gonfler mes paupières. Le phénomène n’avait rien à voir avec les conditions climatiques du moment. Ce qui n’était pas tout à fait des larmes me faisaient revivre des sentiments aux multiples facettes. Je pensais à eux, à leur générosité, à leur compréhension, à leur amour. Je pensais à mille choses à la fois. mille choses qui avaient un dénominateur commun, sans toutefois pouvoir dissocier le mot bonheur de celui de chance. Chance de les avoir à moi et pour moi. Chance d’être en forme et de pouvoir optimiser tout ce que ce voyage m’offrait au plan des paysages traversés, de l’accueil des personnes rencontrées, de l’expérience humaine vécue. Chance, de pouvoir goûter au plaisir qu’il y a à grimper des montagnes répertoriées parmi les plus belles d’Europe.

       Le bonheur, mon bonheur est grand. Il est simple. Il est au bord de la route. Il est là tous les jours y compris dans la difficulté. Il est entier car il satisfait un désir. Il est l'aboutissement d'un projet, d'une aventure, d'un rêve que le cyclo que  je suis a le loisir de pouvoir réaliser.

 

 

                                      numérisation0040

 

      Parti à faire l’inventaire des six jours écoulés, soit la moitié du temps prévu pour boucler le parcours, il m’est agréable de constater qu’aucune ombre n’est venue à cet instant entraver le déroulement du programme concocté par Hubert. Malgré la galère d’avant hier, la distance parcourue a été conforme à une avancée qui n’a pas mis en péril l’homologation de notre périple. Il nous reste six jours pleins pour rallier Trieste et la fin du parcours sera roulant. Nous n’avons pas eu d’incident mécanique notable à l’exception de deux crevaisons. La chute, qui peut réduire à néant l’espérance du cyclo nous a jusqu’alors épargné. Redoutable et redoutée par tout rouleur, elle peut survenir sans pour autant avoir commis d’imprudence. Un chien, un chat, une pierre sur la chaussée à la sortie d’un virage et de surcroît en descente et tout peut basculer. Redouté également l’accrochage entre nous quand par vent de face, pour nous protéger mutuellement, nous roulons positionnés roue dans roue.

      L’entente est parfaite. Dans le respect d’un accord tacite mentionné dans l’un des paragraphes précédents, chacun garde le loisir d’exprimer ses aptitudes dans l’ascension des cols. D’ailleurs ‘’la compétition’’ qui s’organise autour du maillot à pois que l’on dispute à Bernard génère régulièrement des accélérations qui font éclater notre peleton. Les arrivées au sommet se faisant en ordre dispersés, un regroupement s’opère une première fois au terme de l’effort, puis au bas de la descente. Chacun, là aussi, effectuant le trajet à sa main et selon son savoir-faire. Les distances comprenant du terrain plat, profil à la caractéristique rare pour être souligné, ainsi que les remontées de vallées, se font groupées. Sur ces tronçons où circulent des courants thermiques, rester ensemble permet de s’organiser pour lutter contre le phénomène. A tour de rôle, un meneur nous en coupe l’aspect désagréable et épuisant. Cette tactique permet d’améliorer la progression à une bonne allure de l’ensemble du groupe et sans débauche d’énergie individuelle. La prise au vent se limitant pour chacun à son temps d’homme de tête.

 

      Il pleut toujours et mon esprit vagabondant d’une scène à l’autre m’amène à sourire quant je pense aux passe-d’armes livrées au cours des ascensions déjà effectuées. Depuis hier et par un calcul de décompte que gère Hubert, Bernard m’a repris le maillot à pois. Bien décidé à le défendre bec et ongles, il  promet de me livrer un combat de Titan dans le Stelvio dont il sait que j’en ai fait mon point d’Orgue. 

      A l’occasion du repas de fin de journée, ces passe-d’armes nourrissent quotidiennement nos conversassions de comptoir. Les palabres, accompagnés de leurs scénettes, de leur jeu théâtral dont je me fais le chantre auraient pu fournir à Marcel Pagnol des éléments pour un film comique. Le spectacle trouvait son public parmi les clients des restaurants de campagne dans lesquels nous nous arrêtions le soir. En effet, beaucoup d’anciens de ces contrées avaient dans les années 1940 et plus, travaillés en France dans les métiers du bâtiment. Fiers de nous montrer les souvenirs qu’ils avaient gardé de notre langue, certains intervenaient, se mêlaient à nous pour finir la soirée. Dans un accent que personnellement j’aime beaucoup, ils nous racontaient certains de leurs souvenirs, ceux du temps où ils étaient encore jeunes et vaillants. Combien de ces rencontres auraient pu devenir des relations durables tellement nous nous sentions en terre amie.   

                                                                                                                                                                    El pierrot

      C’est Pierrot, de sa voix de stentor qui me sort d’un sommeil profond. Je m’étais rendormi, sans doute sur le tard. C’est le lève-tôt du groupe qui gentiment fait chauffer de l’eau pour la préparation des boissons du réveille-matin. Cela va du café classique à la chicorée, au tonimalt, au caro, mixture hybride dans laquelle rentre plusieurs espèces de céréales grillées et dont notre doyen se délecte. Le petit déjeuner, le copieux, le consistant est pris dans le premier bistrot rencontré sur la route de l’étape.

       19 Juillet, le temps s’est levé, mais le soleil n’est pas suffisamment chaud pour sécher les toiles de tente qui sont rangées humides dans les sacoches. La troupe s’ébranle dans un chahut qui surprend des jeunes campeuses en nuisette. Elles s’agitent devant nous sans que nous sachions s’il s’agit d’un bonjour collectif ou d’une manifestation désapprouvant notre attitude cavalière et peu civique au regard des pensionnaires des lieux. 

      Je l’annonçais dans l’épisode précédent et depuis l’origine de la mise en perspective du projet, ce jour est pour moi celui de tous les challenges. Le Stelvio, 2758 mètres, est non seulement le point culminant de notre étape d’aujourd’hui, mais le sommet le plus haut que nous aurons à franchir au long de ce raid. Il est celui que je veux épingler au registre de mes souvenirs, celui que je veux disputer à qui voudra me le contester. 

       Je suis préparé psychologiquement au défi que je me suis posé. Il va au delà de toute conquête. Il est ma fantaisie. Il est mon besoin solitaire. Il veut satisfaire un caractère de compétiteur dont l’enjeu est de me vouloir fidèle à mes annonces. Il est sans doute ce que peut être vous ne comprenez pas et je peux le concevoir. Il est peut être également ce que ma raison ignore ou feint de vouloir vous cacher ! 

                                                                               

       Le prochain épisode du feuilleton : ‘’Thonon-Trieste’’ vous sera commenté prochainement et dans les détails de ce que fut l’étape !!!    

                                     

      Il me restera ensuite à vous parler de notre circuit dans Dolomites dont les paysages surréalistes offrent au plus loin que la vue porte, les plus grands décors pour un cinéma fantastique.

      Il y aura, plus tard, la traversée du Frioul, puis enfin la mer. L’Adriatique qui sera le signal de la fin du voyage.

                                                    

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28 février 2011 1 28 /02 /février /2011 21:52

                                                                     

       Le village de Saumane est situé dans les Monts de Vaucluse. Il était antérieurement appelé Somanna ou Saumanna et aurait pour étymologie, sommet (som) ou ânesse (sauma). Le site comprend de nombreuses grottes qui étaient habitées bien avant l'ère Chrétienne. 

            Photos rando Saumanes.27.02.11                                                                                                                    

      Pour l’histoire d’une émancipation qui lui valu mille tourments, un certain Marquis de Sade résida à Saumane dans un château appartenant à l’un de ses oncles, où, selon les ragots de l’époque, il s’y faisait quelque expérience dans le domaine du libertinage et de la débauche coquine, si vous voyez ce que je veux dire !!!

      Donatien Alphonse François, marquis de Sade est né en 1740. Il est le fils d’une grande famille, dont le père Jean Baptiste, comte de Sade était : Seigneur de Saumane et de Lacoste, et coseigneur de Mazan. De nombreuses propriétés et châteaux, sis en Provence, sont accolés au nom des Sade, dont le musée Calvet en Avignon.

      Sur les 74 ans que dura sa vie, celui à qui l’on attribue l’origine du mot sadisme, passa 27 ans privé de liberté, soit en prison et à la Bastille pour une part, soit à Charenton dans la célèbre maison pour fous. Il doit une partie de cette sanction à un certain Bonaparte et aux Papes avignonnais, moralistes pour raisons politiques !

      Le marquis de Sade qui s’éteignit en 1814 reste, toutefois, un philosophe reconnu à la pensée sans tabou et un écrivain dont le style dérangeait l’hypocrisie d’une bourgeoisie voulant nier tout talent à un homme qui livre son intimité !

 

                                A prèsent, c'est parti, nous marchons...

 

       Michel, le Parisien dont je parle dans mon récit ‘’D’un moulin à l’autre’’, était, pour ce 27 février 2011, le guide suprême du groupe des Galéjaîres de Barbentane. Pour la traduction, les Galéjaîres sont des conteurs, des amuseurs, des taquins également. Le choix de ce départ ne lui fut pas discuté, peut être pour les histoires croustillantes qu’il laissait augurer !

       La curiosité, peu après le départ, fut de voir un oratoire planté à la croisée des chemins. Une Madone logée dans son habitacle, l’air compatissant, accueille la colonne des pèlerins qu’elle croit sans doute avoir reconnu comme étant les disciples repentis de l’ancien locataire des lieux !.    

                               Photos PING. 23.02.11 052

      Pour la photo, par politesse, par dévotion pour certains, une halte est faite au pied du monument. Sur des plaques de marbre, en langue provençale, un discours nous est écrit sur l’origine de cette Piété. Il se veut rassurant, ce qui nous engage à partir pour notre croisade a travers les pins, les chênes verts, le thym et autres senteurs dont parle Gilbert Bécaud dans les marchés de Provence.   

Photos PING. 23.02.11 064

      Habillés de tout ce qui peut tenir chaud, nous voila partis sur un chemin de pays qui conduit en direction d’un sommet pierreux. Il sera le point culminant de notre randonnée. Un vent violent et froid perturbe notre marche sur un sentier dont la pente est sévère. Il s’agit d’un phénomène climatique appelé ici, le Mistral noir. Les nuages chargés de résidus neigeux qu’il pousse en provenance des Alpes, assombrissent le ciel au point de le boucher. Sur les tronçons découverts, Eole nous bouscule. Le paroxysme est atteint à l’approche de la vigie où des bourrasques avoisinant sans doute cent à l’heure, mettent à l’épreuve un équilibre que l’on a du mal à maîtriser.               Photos rando Saumane

       La situation m’amène à préciser que dans ces conditions, les hommes, pour leurs arrêts pipi ont intérêt à prendre en compte la direction du vent. Je conseille en effet, par expérience et pour limiter une prise de risque, un positionnement vent favorable qui de plus, donne l’impression aux septuagénaires du groupe de pouvoir encore pisser loin !!! 

      Sauvés, la descente sur Valescure s’opère sur un versant presque au sud. L’abri qui en découle est le bienvenu, alors que la traversée d’éboulis met Pierrette en difficulté. Elle, qui sans encombre nous arrive d’un périple aux Indes, la voilà scotcher devant un monticule de gravillons et de sable ! Et pendant ce temps, le Michel en question, chevalier servant de la Dame, il faut que vous le sachiez, caracolait en tête. Normal dirent certains, puisqu’il est le meneur, mais tout de même !! Heureusement que Daniel, pressentant le risque d'une chute possible restait dans ses pas au cas où..... Etait-ce une entente avec le Parisien ?. Mais...., cela ne nous regarde pas !                Photos rando Saumane.27.02.2011 Photos PING. 23.02.11 076

       Valescure est une propriété de 240 hectares nichée dans un vallon. Elle a été rachetée par la commune de Saumane qu’elle sauve petit à petit de la friche et de la ruine pour ce qui est des bâtiments. L’endroit est superbe, un coin en dehors du couloir venteux est choisi pour le pique-nique. Je surprends notre guide qui lève le verre de la satisfaction, devant son Indienne retrouvée. Le coup de fourchette des marcheurs est vaillant. Le cœur est à la fête devant cette nature qui s’offre en spectacle. Le soleil revenu et le vin, au delà d'apaiser la soif, remettent en route le réchauffement des corps que le froid avait engourdi.    

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      Photos randoPhotos PING. 23.02.11 069                                                                                                                                                        

       J’aime entendre le vent lorsque j'en suis à l'abri. J'aime, après un repas aussi frugal fut-il, m'allonger sur un lit de feuilles avec mon sac à dos pour têtière. J'aime, à l'écart du groupe, partir vers mes ailleurs où vivent mes souvenirs, où naissent mes projets.                                                                                  Photos PING. 23.02.11 055        

 

       Le retour se fait sur des chemins que l’homme a empierré voici des siècles. Des murets de pierres sèches en bordent la limite. La campagne, encore endormie semble vouloir profiter d’un supplément de repos avant d’être assaillie par les grosses chaleurs

de l’été et le vacarme des touristes.  

  Photos PING. 23.02.11 083

 

      Encore une journée mise à profit pour partager un plaisir qui ne coûte que l’envie de vouloir. De vouloir être heureux avec pour seule richesse une paire de chaussures, quelques vêtements chauds, un sac à dos, une petite dose de courage pour affronter la froidure. Encore une journée à saisir l’occasion d’être ensemble. Encore, encore, et surtout la chance d’une conscience convertie à la valeur des bonheurs simples.

      Dans le haut du village que nous gagnons dans un dernier élan, les grilles du château du Marquis de Sade sont fermées. Quant aux murs de sa grande carcasse, ils sont restés gardiens de leurs secrets, malgré les sollicitations de ceux, qui encore aujourd’hui, cherchent à les faire parler !                                                                                        

  Photos rando Saumanes. 27.02.11

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25 février 2011 5 25 /02 /février /2011 13:43

 

 

 

 

                     Entre les Baux de Provence et Maussane.

 

                                            Un peu d’histoire,

 

Alpilles. 20.02.2011. Vue de la citadelle des Baux

 

                                              Vue sur les ruines de la forteresse des Baux

                                                     

       Les Baux de Provence ‘’Balciun Castrum‘’ pour les puristes, sont peuplés depuis l’Antiquité. A une époque, la maison des Baux, par l’influence et la personnalité de ses seigneurs rebelles et guerriers fut une grande dynastie qui marqua l’Histoire de la Provence. Son territoire appelé : Les terres Baussenques, comptait pas moins de 79 villes ou places fortes, dont certaines se situaient en Italie.

       Au XIII siècle, les Baux recensait près de 3000 habitants, pour moins de 400 aujourd'hui.

      En 1642, après moultes controverses et rebellions, la seigneurie des Baux est donnée à Hercule Grimaldi en retour de son attachement à la couronne de France. Depuis cette époque, ses descendants ont le titre de Marquis des Baux. Le Prince Albert de Monaco en est l’actuel détenteur.

     C’est après la seconde guerre mondiale que le village retrouve sa vocation touristique et culturelle grâce à l’arrivée de Raymond Thuillier. Amoureux du site ce Lyonnais,  homme d’affaires affranchi, artiste peintre sur la fin de sa vie, ouvre le célèbre ‘’Outau de Baumanière’’ dont la renommée gagne rapidement un rang international. De nombreux monarques et chefs d’états ont séjournés ou séjournent de nos jours dans cette célèbre maison étoilée.

       Des spectacles médiévaux en période estivale, la cathédrale d’images, théâtre logé à l’intérieur d’une carrière creusée au profond de la roche, attirent des milliers de visiteurs par an.

       La commune des Baux figure parmi les plus beaux villages de France. Il est jumelé, entre autre, avec Bonneval-sur-Arc, autre village classé, qui lui se niche au pied du col de l’Iseran.

                                   Notes prises, pour l’essentiel, sur la toile du net.

 

      Il est temps maintenant de vous présenter le groupe des Esclops. Je rappelle pour ceux qui l’auraient oublié, que les Esclops sont des chaussures en bois appelées également sabots. L’ancien garçon vacher que je fus sur le plateau Ardéchois fin des années 40 en a porté gamin. Ils étaient loin d’offrir le confort des pantoufles de salon !!

       Pour revenir à ce groupe, il réunit, pour la plupart de ses membres, des anciens hospitaliers. Ce dimanche 20 Février 2011 était l’une de nos sorties pour laquelle je portais la casquette de ‘’guide’’. Elle s’affiche comme une randonnée mi-sportive, mi-balade, car les Esclops, pour marcher, disons le, ne sont pas des foudres de guerre. En effet, nous sommes là pour le plaisir et non pour la défonce. Nous refusons, par  principe d’économie de notre personne, à nous époumoner dans des courses folles. Respirer seulement nous suffit, et...... j’entends à demi mots pendant que je rédige mon papier, .... et pourvu que ça dure !!!.

      Autant vous dire qu'il n’y a pas eu  d'affolation pour faire notre tour. Un peu plus de 12 kilomètres au compteur du podomètre de notre président pour cette journée de détente tout de même sportive, n’ayons pas peur des mots !

 

  Alpilles. 20.02.2011.

 

     

                                           Deviner qui est le  Président des deux !! 

                                            

       Le plaisir doit rester celui de nous retrouver, les performances n'étant plus de nôtre âge. Nous veillons à ce que chacun  trouve son compte dans le programme de nos sorties, la recherche du temps perdu n'est pas notre quête.

       A quoi sert de courir, quand ce dernier n’est plus à associer à une quelconque efficacité ou à la notion de rendement. Le retraité doit bannir de tels mots de son vocabulaire. Les Esclops, dans le cadre de cette activité, sont devenus les ténors de la maxime : Rien ne sert de c....et de rajouter, pourvu que les femmes aient pensé au gâteaux du gouter !!!

       Hé oui, l’arrivée aux voitures voit se déployer serviettes et gobelets pour un moment de convivialité préparé par ces dames qui savent combien leurs hommes ont besoin d’attentions !

       Mes élucubrations m’ont fait perdre le fil de ma mission qui est de vous parler de notre balade. Alors, d’un pas qui se veut celui d’un sénateur, en référence à leur lenteur inhérente à leur moyenne d’âge, je vais vous raconter ! ..

      Au nombre d’une quinzaine, nous sommes partis du sommet de la montée des Baux par Maillane, juste avant de basculer sur le Val d’Enfer. Le début se fait sur la crête, la où le mistral par jour de colère est capable d’arracher la queue aux ânes tellement il peut être ravageur. Fort heureusement pour nous, ce jour là, il fut indulgent et ne souffla point au risque de nous porter préjudice !. Cependant, par prudence, et dés le premier vallon jugé à l’abri par quelques yeux experts, changement de direction pour nous engouffrer sur un sentier bordé de pins et de genets épineux, agarus  en langue provençale.                            

      Des cyprès qui dépassent tout ce qui les entourent d’une bonne hauteur sont là, tels des sentinelles au garde-à-vous. Ils semblent vouloir nous indiquer le chemin au cas où....La végétation est verdoyante, contraste surprenant en comparaison de l’été où un soleil écrasant vient en quelques semaines griller les herbes rases qui avaient réussies à pousser entre les cailloux. A la sortie de la combe, la vigie de surveillance des risques d’incendies nous invite à monter à sa hauteur pour un point de vue sur Fos sur Mer, face sud et les contreforts des Alpes pour le nord. Ensuite, le chemin des Lombards nous entraîne en direction

 

 

                                       Alpilles. 20.02.2011.La vigie.

 

de Maussane, via le Mas de la Dame. Vignobles et oliveraies occupent des sols qui ont vu depuis deux décennies renaître une agriculture florissante. Le régime méditerranéen pour son huile et un travail serieux effectué pour l’amélioration de la vinification, expliquent ce nouvel essor. Des amandiers en fleurs décorent la campagne. A leurs pieds, timidement le romarin pointe de petits bouquets de ce bleu particulier qui fait batailler les peintres pour en saisir le coloris.

 

                                     Oliveraie près du mas de la Garde

 

                                Alpilles. 20.02.2011.     

 

      Le temps du pique-nique, moment sacré du rando-baladeur est réclamé par les plus affamés. Bien calé à l’abri d’un petit vent froid, pendant que les uns déballent saucissonnades et salades diverses, Daniel, l’autre Daniel, fait le tour des cantines pour nous proposer un vin rouge sorti de derrière les fagots. Si les Esclops ont parfois le pas lent, certains dont je tairai le nom, ont la descente rapide. C’est bien connu, l’effort, même à dose raisonnable, nécessite un bon entretient des rouages mécaniques dont certaines pièces, chez les anciens, commencent à grincer !  La fin du repas voit arriver ces dames avec leurs pâtisseries et chocolats, supplice de Tantale pour le gourmand que je suis, mais c’est décidé, le régime sera pour demain !

  

 

Amandiers en vaucluse

                                                                    

                                                             L'amandier

 

              Les fesses et les jambes un peu plus lourdes, il nous faut repartir car subitement le temps menace. Nouvelle grimpette pour récupérer le chemin de crête. Certains de mes camarades sont à la limite d’organiser une manif pour dépense physique au delà du tarif syndical. Je n’en crois pas mes oreilles. Alors que je leur vante les mérites du paysage dans lequel nous évoluons, ils revendiquent le droit à un retour aux voitures sur un sentier qu’ils veulent plat. Foudre ou pas foudre de guerre, il va falloir remonter, nos véhicules sont de l’autre coté du versant. Le pas, lentement je souligne, reprend du chemin et c’est à cœur vaillant que le groupe retrouve son ardeur pour enfin boucler l’itinéraire. Perché sur son promontoire, le village des Baux indique la fin du voyage.

 

 

  Alpilles. 20.02.201.

 

                                                         Bizarre.....  

 

       L’originalité de sa roche percée de mille trous, l’histoire de ces lieux qui remonte bien avant l’ère chrétienne, font de ce site de plein air l’un des plus visités de France. Il est pour nous, qui venons en voisins, un terrain de promenade idéal avant les grosses chaleurs d’été. Il reste, et malgré la connaissance que l’on croit en avoir, un endroit à découvrir.     

      Bon vent à mes amis des Esclops et à....        Bèn lèu..............

 

       A bientôt en langue audible  ....pour les non Provençaux !

 

 

 

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21 février 2011 1 21 /02 /février /2011 18:31

 

                                                  Quand la suite est un enchantement......

 

                                                                                                                                                                                                       Lac prés du col de Maloja

                                                              Sur la route de la Maloja.

 

      Hier soir, il n’y eu pas de toile de tente à monter, pas de couchage à installer. Le confort de l’hôtel aussi modeste qu’il fut nous offrit un luxe fort appréciable. Pour ma part, j’ai fait chambre avec Georges. Nous ne nous connaissions pas avant ce projet qui nous réunit pour rouler ensemble vers Trieste. Il travaille dans la même société que Bernard et Hubert. Contrairement à moi il est peu bavard. La veillée fut brève.

       17 Juillet. J’ai envie de dire déjà et.....seulement. Depuis notre départ, je vis le temps avec une telle intensité que sa notion m’est devenue imprécise. Quant au seulement il vient me rappeler tout ce qu’il me reste, qu’il nous reste à parcourir pour atteindre notre but. Aujourd’hui nous ne sommes pas encore à la moitié du voyage. Il reste du pain sur la planche et nous savons que la difficulté va aller crescendo.

       Ce matin, courageusement le soleil troue l’épaisse couche de brume pour venir saluer l’équipe que nous formons et qui s’apprête à reprendre le vélo. Le signe est révélateur d’une belle journée. La nuit a été réparatrice, le moral est revenu au beau fixe. Les rincées à répétition de la veille, je peux l’avouer, avaient entamé notre optimisme quant à l’idée de devoir repartir sous la pluie si tel avait dû être le cas.

       Le petit déjeuner pris à l’hôtel nous met dans les meilleures conditions possible pour entamer une route qui sera montagneuse. Des chèvres en liberté saluent notre départ. Sans pudeur, sans préambule une jeunette est venue faire du gringue à Hubert. La photo témoigne d’une proximité qui écarte tout doute sur la volonté qu'a cette dernière à vouloir le séduire!

 

                                 Hubert le séducteur....

 

   Hubert et sa chévre pour une photo souvenir. Pendue en bandouillère autour de son cou,          Bernard et sa corne de brume lui servant à claironner ses victoires au sommet des cols.

 

                   

      Plus loin, un troupeau de vaches nous barre la route. Avec précaution nous nous engageons dans un slalom qui ne manque pas d’originalité. En effet, mieux valait passer hors de portée de ces dames cornues, certaines nous regardant d’un œil noir. Il a fallu également savoir jouer d’adresse pour ne pas rouler sur les innombrables bouses qui recouvraient la chaussée au risque d’en porter l’odeur derrière soi !

      Nous remontons vers la source du Rhin. La nature est magnifique. L’allure adoptée permet un regard attentif sur les parterres de fleurs surfaçant des étendues d’herbes prêtes à être fauchées. Effectivement, nous roulons raisonnablement. Nous pensons qu’une partie de manivelles va se jouer dans le Splugenpass. En fait, à part la pente à gravir, rien de spécial se passera dans cette ascension. Aujourd’hui, la sagesse et la prudence semblent avoir pris le pas sur le comportement agité de certains membres du groupe !!!

 

                                Les tunnels du splugenpass

 

      La descente nous entraîne dans un florilège de virages en épingles à cheveux. De grands précipices s’enfoncent pour disparaître dans le ventre de la montagne. Pour conclure sur la spécificité des lieux, une succession de tunnels, percés pour la plupart sans doute depuis des siècles nous ouvrent la route sur une vallée où se nichent de très beaux chalets.                     

        Pour cette journée rien de spécial à vous signaler, sinon le plaisir de faire route avec des copains de partage. Avec des amoureux, comme je le suis, de tout ce qui nourri la passion du vélo. Rien de particulier si ce n'est le régal des yeux qui font la  provision  d'images des somptueux paysages alpestres. Rien de spécial à vous dire à part celui d’avoir le privilège de pouvoir m’offrir quotidiennement et à répétition des spectacles aux décors flamboyants. Rien, vous l’aurez compris est une douce litote, un euphémisme pour souligner la dimension de mon bonheur à traverser ces instants de vie.

       Plus terre à terre, et pour ce qui est de la conquête des points pour le maillot, les forces vives semblent avoir voulu se réserver pour plus tard, ...pour demain. Hubert, non sans malice, dira au cours du repas du soir que j’ai prétexté vouloir faire des photos pour camoufler’’ un jour sans’’. Personne, à part moi ne peut répondre à ce doute, mais je vous le livre aujourd’hui, et n’en déplaise à qui en douterait encore, ....j’étais bien.

      Je pense déjà au Stelvio qui se rapproche de notre route et dont j’ai décidé depuis la préparation de ce raid d’en faire mon préféré. Les photos que j’en ai visionné m’ont gonflé à bloc. L’ambiance du monde minéral qui accompagne la fin de son ascension sera de nature à me survolter. J’ai aimé, à chacune de mes tentatives, le relief de l’Izoard et de sa Grande Casse qui ont cette particularité. Je sais me dépasser dans ce type d’univers. Je suis en forme, j’ai pu me tester à plusieurs reprises depuis le départ. Et puis...j’y crois...

       Gondo arrive à point sur notre parcours pour nous servir de ville étape. Implantée sur la route du Simplonpass, la bourgade est là depuis l’antiquité. Les Romains y avaient leurs mines d’or dont l'extraction ne s'est arrêtée qu'à la fin du siècle dernier. La région organise encore de nos jours des stages pour les orpailleurs.

                          ____________________________________________                                                                                                                                                                        

       18 Juillet. Départ pour le col de la Maloja. La route se faufile au milieu des mélèzes et autres résineux. Tranquille, une petite rivière fait son lit entre les rochers. L’ambiance des lieux est bucolique. A l’unanimité, la qualité du paysage est classée quatre étoiles sur le guide de nos appréciations dans ce domaine, guide qui en compte cinq. La journée est l’une de celle où l’on s’incline avec compassion sur le sort des personnes devant travailler murées dans un bureau.

       La grimpée s’annonçait sans grandes difficultés. Tout était pour le mieux dans ce monde de quiétude quant brusquement un mur se dresse devant nous !  

       Au détour d’un virage faisant suite à une longue ligne droite comme c’est quelquefois le cas dans les fonds de vallée, la montagne se découvre à nous telle un imposant rempart. Des lacets s’empilent les uns sur les autres pour former une route au profil hallucinant. De droite à gauche, sur le versant qui nous fait face, elle étire un long ruban qui serpente pour se hisser vers un sommet que du bas l’on devine. Sur son tracé, à mi-hauteur, des voitures au semblant de miniatures paraissent être épinglées à la paroi. Impressionnant est un faible mot pour traduire ce que l’on découvre et qu’il nous faut à présent escalader.

 

 

 

                                            Le col de Maloja.

 

                                                         La Maloja                                                                     

 

       Pour ma part et face à ce type de difficulté je déroule un processus mental qui consiste en un dialogue interne, muet. Je précise, car déclamer à haute voix le contenu de mes divagations m’auraient sans doute valu des séjours en psychiatrie! Oui, il me faut trouver, en dehors du fait de devoir avancer, une raison spécifique et autre que celle répondant à la seule logique de pédaler pour pédaler.

      Fêlé le bonhomme me direz vous ? Oui sans doute mais je le sais et je me soigne. Mon traitement ne comporte pas de contre-indication. Il n'a pour séquelles que des souvenirs dont il me plaît de vous faire part... Plus sérieusement, et même s’il y a du vrai dans la façon de m’auto-motiver, chacun doit trouver le moyen de s’évader pour ne pas trop subir l’effort qui en fait, et malgré les idées reçues à ce sujet ne peut pas être gratuit au risque de s’en lasser sans avoir eu le temps d’en tester les bienfaits ! Chacun se doit de cultiver ses raisons ou motivations. La recherche de l’effort pour le seul plaisir de souffrir s’inscrirait alors, et pour des signes répertoriés, dans le registre de la pathologie !             

 

                                               La vallée de St Moritz

                                                                                                                                                           La vallée de St Moritz

 

      La désescalade nous entraîne dans la vallée de Saint Moritz dont la réputation n’est plus à faire depuis longtemps. Nombre de familles régnantes y ont un chalet ou une villa dans la station de ski. L’entrée de la ville arbore une flopée de drapeaux qui soulignent la présence en ces lieux d'une résidence appartenant à un Président, à un  Prince ou à un Roi.                                                          

                                                                                                                        

                                                      La descente sur St Moritz

 

                                          numérisation0035                                          Nous ne ferons que traverser ce territoire, la vallée est bien trop sélect pour des cyclos-campeurs comme nous. Nos toiles de tente craignent de ne pas être les bienvenues au milieu de tous ces palais. Les hommes en cuissard que nous sommes feraient tâche dans les rues de la citée des rois et autres empereurs ! A chacun son monde et sa place. La notre est ailleurs, plus près des étoiles que notre démarche parfois enfantine, un peu folatre nous permet quelquefois de tutoyer !

      Respectant la logique implacable de tout circuit empruntant la montagne, après la descente et un fond de vallée, un col vient encore nous défier, nous mettre à l’épreuve en cette fin d’après midi. Il s’agit de la Berninapass qui va nous faire monter à 2328 mètres.  

 

                                            Le groupe à la Berninapass.                                                                                                    

        L'ascension est rendue originale par le spectacle d’un glacier, qui par un effet d'optique parait vouloir nous barrer la route. Elle fut le théâtre d’une manœuvre d’Hubert  sur laquelle, par camaraderie, je m’abstiendrai de porter tout jugement! En effet, prétextant vouloir faire une photo du groupe pendant la grimpée, ce dernier obtenant un bon de sortie de la part de Bernard mit à profit son avance pour aller empocher les points du maillot à pois !!!!!!.

      La journée que nous avions cru terminée nous réservait une dernière surprise avec le col de Livigno. Court mais pentu, il mit rapidement en berne le pavillon de notre photographe dont un genou   venait de flancher. Hubert payait illico son dû à la justice d’un droit que certains ont pensé divin! Bernard, que les grimaces de son rival n’apitoyèrent pas, et pour cause, s’envola vers une victoire qui ne lui fut pas contestée.                                                        

                                                                         

       Livigno, du nom du col que nous venions de franchir et surnommé ''souffrance'' par qui vous devinez, fut ville étape de ce 18 Juillet au soir.

                                                                                                 

          Le prochain épisode devrait vous rendre compte de la montée du Stelvio. De ce col mythique dans lequel se jouèrent plusieurs tours d’Italie. A noter que le premier Français à gagner ‘’le Giro ‘’ fut Jacques Anquetil en 1960. Il le regagna en 1964.

     Lors d’une interview dans les années qui suivirent et suite à des ’’magouilles’’ dont il fut la victime en vue de favoriser un coureur transalpin bien connu, Jacques Anquetil déclarait : Pour qu’un étranger gagne le Giro, il lui faut être au moins deux fois plus fort qu’un Italien !!!!

      D’ailleurs, en 1955, c’est Louison Bobet qui aurait dû avoir l’honneur de cette primauté. Il fut en effet injustement battu par Gastone Nencini qui, mis en difficulté dans les cols, bénéficia de nombreuses poussettes qui lui permirent de pouvoir rester au contact de son rival.

       Si aujourd’hui dans ce domaine et ce style de tricherie ces agissements n’ont plus lieu, le tour d’Italie, par le passé, a nourri les lignes de la tribune à scandales des journaux spécialisés dans le domaine du sport cycliste.      

                                            

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