Briançon: Ma grange à souvenirs!
En Mars, et ce depuis des années grâce à nos amis jackie et léo, nous avons mon épouse et moi le privilège de pouvoir, avec eux, côtoyer quelques sommets, descendre à ski les pistes du Montgenèvre ou celles de la station de Serre-Chevalier. De faire quelques unes des sublimes balades que propose Briançon, ville autour de laquelle partent de nombreuses randonnées.
Parenthèse
La collégiale de Briançon
Photo internet
J’ai découvert Briançon et la grande montagne en Décembre 1958, suite, ou grâce, à mon affectation en qualité d’infirmier militaire à l’unité hospitalière qui se trouvait alors en bas de la Grande Gargouille. Établissement devenu depuis la mairie de la ville. Une année qui compta pour la suite de ma vie professionnelle et au cours de laquelle, au fil des mois, s’affirma ma passion pour la montagne .
Sur l'un des sentiers conduisant à Aile-Froide
Je dois ma venue dans les Alpes à un usage, à une règle éteinte depuis, où tout garçon dit normalement constitué devait à la République un temps que la loi déterminait. Ce dernier a fluctué selon les besoins de la Nation. Pour ce qui est de ma classe, la 58/2/A, la durée fut de vingt huit mois.
Le plus heureux, et à certains égards, le plus riche, reste ce temps que j’ai passé dans cette citée de Vauban. Une année où il me fut permis d’apprendre, entre autres perceptions et connaissances, comment pratiquer la montagne pour qu’elle reste une alliée, une partenaire, une passion qui depuis ne m’a plus quitté.
Pour la durée restante que je devais accomplir au service de mon pays, je fus invité à découvrir d’autres reliefs. Ceux des Aurès en particulier. Si la montagne que j’ai arpenté là-bas est également très belle, les souvenirs que j’en ai ramené, sans pour autant qu’elle en soit responsable, sont liés à une histoire que l’histoire n’a toujours pas fini d’en écrire tous les chapitres.
Le pont d'Aspheld à Briançon
Les moments les plus heureux restent donc liés à cette période où récemment libéré de ma formation de soignant effectuée en Meurthe et Moselle, le train m’amenait à Briançon. Je débutais là une activité dont je sus dès les premiers moments de ma prise de fonction qu’elle allait être celle qui, une fois rendu à la vie civile, deviendrait l’objectif de ma reconversion professionnelle.
Début décembre 1958, je rendais donc à l’armurerie de Toul mon M.A.S 36, ce fusil de guerre dont la crosse taillée uniquement pour les droitiers me démolit à plusieurs reprises l’épaule. Vous l’aurez compris, je suis gaucher et ce n’est pas l’arrondi qui m’aidait à caler l’arme sous la jointure du bras, mais un angle tranchant. La violence du recul que générait chaque tir d’exercice me traumatisait l’articulation, m’entamait les chairs.
Troquer ma tenue kaki pour une blouse blanche fit de moi un militaire particulier au point d’en oublier à plusieurs reprises les contraintes d’une discipline dont j’en omettais la rigueur. Infirmier, je restais malgré tout un soldat aux yeux de ma hiérarchie, ce qui me valut quelques désagréments suite à des absences de salut, ou à des saluts jugés cavaliers. Il m’arrivait en effet, par négligence, par distraction, alors que mes supérieurs attribuaient mon comportement à de l’insolence, de commettre la balourdise de leur adresser un bonjour verbal au lieu de me planter devant eux comme un santon. Comme le voulait le règlement…..
Nombreux sont les endroits de la ville qui me rappellent certains événements. Le plus riche en quantité reste bien entendu ce grand bâtiment qui accueillait en son temps les militaires atteints par la tuberculose pulmonaire. Ceux touchés par la forme osseuse étaient soignés dans une annexe qui portait le nom de ’’Château’’. Il s’agit d’un fort Vauban, l’un de ceux mis aujourd’hui à la disposition du public pour diverses manifestations culturelles.
A l’entrée de mon bâtiment d’attache, sur la droite, il y avait une conciergerie et un central téléphonique. Il nous appartenait d’en assurer la permanence les dimanches et les jours fériés. Le reste du temps, du personnel civil en avait la responsabilité. C’est à l’occasion de l’une de mes gardes, qu’une rencontre pour le moins étrange, rocambolesque, prit naissance et dont je raconte les contours dans l’un de mes livres*.
Tout autre chose pour ce qui est de l’anecdote qui suit. Remontant une petite rue qui contourne l’édifice, la fenêtre du dortoir dans lequel nous couchions me ramène à cette fin d’après midi ou l’un de nos camarades de chambrée se jeta dans le vide suite à la lecture d’un courrier qui lui annonçait la fin de non recevoir de sa petite amie. Je peux le raconter car sa chute n’eut pas de conséquence. C’était encore l’hiver et l’infortuné se retrouva à demi enfoui dans une bonne épaisseur de neige, le visage quelque peu brûlé par la surface croûtée du matelas de circonstance.
La fameuse fenêtre!
Il était drôle ce copain, un brin fanfaron, un brin exhibitionniste. Il parlait sans aucune retenue de sa fiancée, qui dans les lettres qu'il recevait d’elle, contenaient……… des éléments de son service pileux. Ce jour là nous ne sûmes pas si le courrier de rupture renfermait le supplément habituel, car tout en courant vers l’ouverture, il mit en miette l’enveloppe et son contenu.
Échange pour le moins surprenant lié à des subtilités coquines. Ils avaient, nous avions tous vingt ans, c’était il y a……
Dans un tout autre registre au plan des souvenirs, il me fut offert par l’aumônier de l’hôpital, curé de la ville, l’opportunité d’animer ponctuellement un groupe d’adolescents. Mon dossier militaire mentionnant que j’étais titulaire d’un diplôme de moniteur de colonies de vacances, ancêtre du B.A.F.A, il fit en sorte de m’obtenir des permissions pour accompagner les jeunes du patronage paroissial dans le cadre de sorties de plein air.
N.D des Neiges. Photo internet.
La chapelle de N.D des Neiges en fut l’une des toutes premières. Je n’étais guère plus âgé que ces garçons et à tout vous dire, bien moins expérimenté que certains d’entre eux pour ce qui était du terrain à battre. Nous étions à la sortie de l’hiver et de la neige occupait encore les combes. Sous la chapelle, la pente est raide et c’est là qu’un des gamins partit en glissade sur le cul au point de se brûler sérieusement la peau des fesses.
Comme prévu nous avons passé la nuit dans la chapelle. Tous ont dormi. Tous les autres sauf nous deux. Lui a cause du mal que lui avait occasionné sa dégringolade et moi suite à la peur rétrospective et aux conséquences qu’auraient pu avoir cet incident.
Je garde d’excellents souvenirs de cet épisode où il me fut permis d’apprendre de ces enfants du pays sans doute plus que je leur ai apporté. Ils étaient vaillants et volontaires. Je l’étais tout autant, surtout pour ce type d’exercice. Ils aimaient leurs montagnes. Ils m’ont donné l’occasion de la découvrir. Leur enthousiasme était communicatif au point de m'entraîner dans des courses qui dépassaient les limites de la mission qui m’était confiée. Ils en connaissaient la flore et la faune bien mieux que moi. Le nom des villages et des hameaux qui voisinent avec Briançon m’ont été appris par eux.
Au fil des mois, notre complicité fit de ce groupe une équipe rompue à des randonnées qui nous ont entraîné à sortir des sentiers battus. Le petit ardéchois que j’étais, qui n’avait à son palmarès que l’ascension du Mont-Gerbier-de-Jonc, put y ajouter quelques cimes aux noms qui sonnent encore à mes oreilles.
Sur la route de Briançon: L Ancêtre du montagnard!
Et puis ce fut le départ vers l’un de ces horizons noircis par les effets collatéraux d’une guerre dont le nom était tu. J’eus la tâche, là également, de m’occuper d’enfants. Plus rien à voir avec les bobos occasionnés par quelques glissades malencontreuses comme celle survenue aux abords de la chapelle de N.D des Neiges ou en montant au lac Blanc ou encore sur les pentes du Galibier. Les blessures que j’y ai rencontré étaient d’un ordre différent. Ajoutées à celles qui font mal au corps, il fallait soigner le mal sourd que peut générer la barbarie des
Briançon et Vauban: Un peu d'histoire
La visite de la ville me conduit encore à remonter, loin dans l’histoire, le temps qui explique les caractéristiques de sa construction.
A L’époque romaine, sur la route Milan-Arles, Brigantio, ancien site Ligure, est un point de passage essentiel pour rejoindre, via la vallée de la Durance, le grand delta du Rhône dans lequel Jules César et ses prédécesseurs y ont largement prit place.
-Suite aux invasions Barbares, la ville se replie sur le piton fortifié devenu aujourd’hui les hauts de Briançon.
-1624 et 1662 voient deux incendies détruire successivement la ville. Elle sera reconstruite autour d’une enceinte qu’a imaginé Vauban tout en conservant la partie médiévale .
En 1713, après que fut signé le traité d’Utrecht qui établit la frontière au Montgenèvre, Briançon devient une place militaire importante. De nombreux forts sont prévus sur les hauteurs dominants la ville. Ils seront construits sur une ligne visant à se protéger de l’Italie, alors rivale de la France. Conçus par des architectes militaires après la mort de Vauban, leurs réalisations s’inspirent du Maître en matière de fortifications qui se voulaient à la fois défensives et offensives.
Le Janus, le dernier a être bâti, le fut entre 1897 et 1906 au dessus du Chaberton à une altitude de 2530 mètres. Il s’agit d’un mastodonte de pierres et de ferrailles. Armé de huit canons de 95 et de près de 200 soldats, il permit de défendre la ville lors d’une série d’attaques italienne survenues en juin 1940
D’autres part, décimés dans la montagne, de nombreux petits édifices venaient renforcer les positions stratégiques et compléter l’arsenal de tir.
L’inscription de ces forts au patrimoine mondial de l’UNESCO voit la restauration de certains d’entre eux, alors que d’autres tombent en ruines.
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Le Pape prisonnier à Briançon
30 Floréal (avril ) 1799, lors d’un périple qu’il effectuait entre les Alpes italiennes et françaises, le pape Pie VI en visite à Briançon fut retenu prisonnier par des révolutionnaires anticléricaux. Il fut logé dans bâtiment appartenant à l’ancien hôpital des Cordeliers. Trente personnes représentaient sa suite parmi lesquels figuraient des cardinaux et de nombreux religieux qui refusèrent d’être libérés par fidélité au Saint-Père.
L'entrée de '' la maison du Pape ''
Âge de 82 ans, le vieil homme était malade et à moitié paralysé. Ses geôliers le voyant à l’article de la mort, mais également par crainte de le voir ramener en Italie, lui firent quitter Briançon fin mai pour un transfert sur Valence. Le transport se fit dans des conditions à ne pas ‘’mettre un chien dehors‘’ ce qui entraîna une aggravation sévère de son état. Il décédera le 24 août 1799, peu après son arrivée dans la citée drômoise.
La haute ville conserve de nombreux vestiges et monuments d’un passé dont l’histoire est riche comme le montre les remparts et les portes qui en gardaient l’entrée.
Un puits creusé à une centaine de mètres rappelle combien l’eau reste un bien indispensable. En ce temps là, les habitants, les soldats étaient alimentés en eau potable par divers cours d’eau descendants de la montagne. La vulnérabilité de ce ravitaillement faillit se révéler fatal lors d’un siège. Les assiégeants ayant, en amont de la ville, détourné les ruisseaux de leur vocation.
La particularité de ce puits est de descendre au niveau du lit de la Durance qui se trouve en contrebas de la cité, afin que ses eaux d’infiltration en alimentent sans risque la ville.
Le puits
La Grande Gargouille
Briançon et son Champ de Mars, sa Grande Gargouille, sa cathédrale, ses forts, Sainte Catherine et le parc de la Schappe sont autant de lieux qui ne laissent pas le visiteur indifférent.
Dans un prochain résumé, j’évoquerai quelques randonnées que j’ai pu faire autour de Briançon courant Mars.
* Je parle de cette rencontre dans '' J'ai rêvé mon Père".