Le sentier de la Reculaz
La cascade de la Reculaz
Toujours au départ du parking du hameau de l’Ecot, la superbe randonnée qui nous a conduit au pied du glacier des Evettes en montant le long du ruisseau de la Picherse peut également de faire par la cascade de la Reculaz. Je rappelle qu’hier nous n’avons pas pu nous engager sur cet itinéraire à cause de la difficulté d’un passage encore trop enneigé pour une marche sans équipement adapté.
Le hameau de l'Echo
Dans ce sens, le tout début du trajet est propre à celui qui conduit aux chalets d’alpages de la Duis. Il s’agit d’une piste assez large s’arrêtant aux constructions qui l’été accueillent les paysans pour la période de l’estive, dont celle de la fenaison. Dans cette partie de montagne herbeuse l’espace pastoral reste entretenu par des vaches laitières de race Tarine et Abondance dont le lait sert à la fabrication du fromage d’appellation Beaufort.
Du groupe de ces quelques bâtisses, un sentier mène aux sources de l’Arc, puis au col Girard. A partir de ce sommet le regard plonge sur la plaine du Pô.
Les chalets de la Duis.
Pour ce qui est de notre destination vers la Reculaz, après avoir longé le petit barrage il faut remonter sur la rive droite du ruisseau qui arrive de la cascade. Trente minutes à marcher sur sa berge avant de rencontrer le layon qui prend de l’altitude en serpentant en direction de la montagne qui affiche déjà ses difficultés. Comme partout dans cette région, et jusqu’à 2500 mètres au moins, une végétation multicolore nous accompagne en alternance avec des passages en éboulis qui sont dangereux pour les chevilles.
Je peux vous parler de ce tracé pour l’avoir parcouru en famille et en groupe à plusieurs reprises les années où nous étions à Lanslebourg au mois d’août. Cette période de l’année est plus propice pour en franchir la partie escarpée qui se trouve partiellement débarrassée du reliquat des neiges de printemps. Il faut dire qu'au niveau du rocher qui surplombe le torrent venant de la fonte du Glacier des Evettes, le parcours devient malaisé. Des pas s’apparentant à la technique de l’escalade en font un endroit exigeant dans la maîtrise de soi.
En quête de sensations !
Cette année là, un moment d’arrêt avait été nécessaire pour faire le point et s’organiser avant d’entreprendre ce qui était une première pour certains membres du groupe. A première vue, la masse de rochers qui fait front paraît difficilement franchissable, d’autant qu'ils cachent le départ du sentier qui s’y faufile. L’engagement n’est pas évident à négocier, le début demandant des équilibres difficiles à trouver. Plus loin, une main courante faite de câbles en piteux état n’engageait pas à y poser les mains que nous aurions du prévoir gantées. Elle est toutefois appréciée pour la sécurité qu’elle offre
Moment de concertation avant......
Ce qui pose problème aux néophytes en escalade reste le positionnement des pieds sur lesquels doivent s’exercer la poussée. La tendance est de croire que l’on peut se hisser au pas supérieur avec la seule puissance des bras, alors que c’est l’appui des membres inférieurs qui apporte l’essentiel de la dynamique. Force est de constater qu'il est difficile dans cette situation de faire confiance aux semelles de ses chaussures sur un terrain pentu et glissant de surcroît. La peur de déraper, de dégringoler panique certains membres de l’équipe.
A première vue la masse de rochers qui fait front.....
Les plus vaillants, les plus habiles ont dû rassurer, aider physiquement celles et ceux qui se sont trouvés en difficulté.
Chacun, plus tard, appréciera l’originalité du moment en fonction des sueurs froides qu'ils garderont comme souvenirs de ce goulet peineux. En règle générale, seuls les enfants appréhendent sans crainte ce modèle de terrain qui devient avantageux pour leur souplesse naturelle et celui d’un rapport poids-puissance qui leur est favorable……à eux.
Ce type d’exercice flatte leur côté narcissique. J’ai, dans plusieurs situations semblables, trouvé particulièrement touchante l’attention de Rémi donnant des conseils à sa Maman qu'elle s’employait à suivre, alors que les miens n’étaient pas entendus de la même oreille……
Une fois sortie de cette épreuve, toute relative en soi, et quoique l’ambiance reste celle de la haute montagne, le sentier reprend l’allure d’un chemin tout à fait fréquentable jusqu’au pont de pierres. Dans cette option, le passage au refuge des Evettes se fait dans le sens du retour pour redescendre par le ruisseau de la Picherse.
Le petit pont de pierres de la Reculaz
Pour revenir vers l’Ecot, l’itinéraire par la cascade est à déconseiller à cause de ce passage pentu qui présente des risques aggravés en descente.
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Le lac d’Ambin
Si les deux circuits qui conduisent aux Evettes ont chacun un intérêt propre. Si dans les deux options le spectacle qui nous est offert par les glaciers marque les esprits, je coterai Ambin d’un palier supplémentaire pour d’autres éléments, pour des raisons personnelles aussi.
L’itinéraire que j’ai choisi de vous commenter est celui qui emprunte le sentier montant directement au refuge. D’autres partances sont possibles. Certaines permettent d’arriver au lac en première visite.
Au bord du chemin, un parterre de Myosotis
Au départ de Lanslebourg, s’avancer de l’endroit où démarrera effectivement la randonnée nécessite un transport en voiture. Une heure de route et de piste sera nécessaire pour arriver au parking dit de l’E.D.F, point matériel du début de notre sortie pour la journée. A l’occasion de notre passage à Bramans et avant d’en arriver où chausser les brodequins de marche, je ne peux pas résister au désir de vous parler d’une histoire qui continue à faire écrire historiens et fantaisistes depuis plus de deux siècles. A ce jour, près de mille ouvrages sont parus sur le sujet.
La vallée dans laquelle nous nous engageons aurait été le théâtre de la plus grande épopée de toute l’histoire Antique. Il s’agit du périple d’Hannibal qui, venant d’Espagne, remontant l’Arc jusqu’à Bramans aurait franchit les Alpes par le col du Clapier, puis celui du petit Montcenis en vue d’aller faire la guerre aux Romains. Il s’agit là d’une hypothèse parmi d’autres et soutenue par plusieurs spécialistes traitant de l’histoire de cette époque.
Sommaire retour sur l’histoire
Des conflits d’intérêts (déjà), opposaient le roi de Carthage avec la république romaine au sujet de la Sicile et dont Hannibal se voulait souverain. Ce conflit au nom de guerres puniques durera plus d’un siècle.
218 avant notre ère, Hannibal, ses 38000 hommes, Africains et Ibères pour la plupart, accompagnés de quelques 8000 chevaux et 37éléphants se seraient retrouvés dans cette vallée avec pour objectif de franchir les Alpes.
Polybe, militaire et rédacteur de 40 ouvrages sur l’histoire générale de son temps, parle lui de 60000 fantassins et de 11000 cavaliers !!!!.
Hannibal était parti du royaume de Carthage qui se situait alors en Afrique du Nord sur un territoire qui, approximativement regroupe la Tunisie actuelle. Traversant le pays Ibère, il arrive jusqu’aux portes d’Arles où il franchit le Rhône. Son franchissement est par ailleurs noté à Caderousse!
Franchissement du Rhône...
C’est à partir de là que sa trace se divise pour arriver à de multiples spéculations. Il est intéressant de souligner qu’a l’époque les Romains avaient déjà ouverts plusieurs passages permettant d’entrer en Gaule par les Alpes. Parmi eux il y avait le Montgenèvre, le Petit Saint Bernard, le col de l’Arche, le grand et le petit Montcenis et le col du Clapier.
S’il parait aujourd’hui certain qu’Hannibal ait franchir les Alpes, en revanche le col par lequel ou lesquels il serait passé ne sont pas confirmés. Aucune trace archéologique n’ayant été retrouvée sur les parcours possibles pour l’époque. Ce qui est également fortement mis en doute, c’est la présence dans son convoi des éléphants empruntant les sentiers empierrés des cols dont il est question dans certains écrits. Et pourtant……
......En effet, John Hoyte, étudiant à Oxford, passionné par cette épopée a réussi a faire monter une femelle éléphant au col du Clapier, puis à celui du Montcenis.
En 1959,‘’hanniphile’’ féru de l’histoire hors du commun de ce guerrier, ce jeune homme de 26.ans dirige un groupe de reconnaissance dans les Alpes et trouve plusieurs itinéraires possibles, dont celui du col du Clapier, le plus probable selon lui. Pour confirmer l’hypothèse selon laquelle un éléphant peut marcher dans des conditions difficiles, il en loue un du nom de Jumbo et le fait monter aux cols supposés avoir été pratiqués par le convoi d’Hannibal. Il voyage ainsi avec son éléphant indien sur les traces de son héros et dans les délais que ce dernier, en son temps, avait pris soin de noter. Pour ce qui concerne l'origine des éléphants du convoi de son prédécesseur, ils étaient africains.
Photo de Jumbo sur le circuit du col du Clapier en 1959
Après un retour de quelques 2200 ans sur un passé où se croisent légendes et faits historiques, je reviens à notre journée rando et plus précisément à cette petite route qui, sur notre circuit pour aller rejoindre le parking, conduit au hameau du Planey. Un peu avant d’arriver au niveau de sa chapelle et comme pour étayer l’hypothèse de John Hoyte, sur le versant opposé du ruisseau d’Ambin, un énorme éboulis a laissé sur le lieu supposé du passage des troupes d’Hannibal les traces d’un grand glissement de terrain pouvant être imputé à cet événement. Le phénomène n’étant pas daté avec précision apporte de l’eau au moulin des convaincus de l’histoire de la caravane du guerrier resté célèbre dans la région et qui, dans les années 200 avant notre ère, aurait remonté, au départ de Bramans, la vallée parallèle à celle d’Ambin.
Les Chaussures de marche sont à présent lacées et si l’histoire d’Hannibal a soulevé quelques commentaires durant notre voyage en voiture, il n’est plus question d’éléphants, mais seulement de nos propres moyens pour conclure sur le terrain ce qui a été préparé à partir de nos cartes.
Un panneau annonce les temps de référence. Une heure pour arriver au refuge d’Ambin, et deux heures et demie pour atteindre le lac. Contrairement aux indications que l’on trouvent généralement dans les Pyrénées, ici en Vanoise, les délais sont calculés à partir d’une cadence qui laisse place à des arrêts photos.
A ce sujet, j’ai en 2009, signalé auprès d’un employé du syndicat d’initiative de Saint Larry Soulan des délais de circuits calculés sur des bases ignorant le pas du marcheur. Dans le cadre d’un échange théâtral avec mon interlocuteur et après avoir dit que j’étais un adepte de la randonnée en Vanoise, fier comme un coq, il me fut rétorqué par ce fonctionnaire, qu’ici nous n’étions pas sur de la montagne à vaches et que les Pyrénées se méritaient !!!
Je voulais faire remarquer que les indications données sont importantes et peuvent, en cas de sous-estimations du délai, mettre en difficulté un groupe. J’en ai fait cette année là l’expérience, où pris par le mauvais temps, nous crûmes plus sage de prendre un raccourci balisé, je le précise, et dont le temps estimé pour atteindre le but indiqué fut supérieur d’un tiers à celui noté.
Ce matin, les conditions climatiques ne sont pas des meilleures. Un crachin nous fait sortir les capes du sac. Accompagné sur notre droite par le torrent d’Ambin, le sentier monte entrecoupé par des escaliers naturels qui exigent notre attention à cause des rochers glissants. Peu après notre départ, un petit barrage dirige l’essentiel du débit du cours d’eau qui s’engouffre bruyamment dans un tunnel en direction de la centrale hydraulique de Modane.
C'est Régis le comique du groupe....
La file des randonneurs s’étire, le temps d’échauffement de la musculature de chacun se faisant à des rythmes différents. Nous sommes à présent en amont de la retenue d’eau. Par endroit le sentier borde le lit de la rivière dont les cascades emportées nous aspergent de leurs embruns. Le bruit émis par la turbulence du courant nous impose un concert de grondements bizarres.
Dans les rhododendrons
Malgré le temps maussade, la beauté du spectacle ne nous échappe pas. Comme dans la randonnée d’hier, les fleurs sont au rendez vous pour nous faire oublier ce départ quelque peu contrarié par la pluie.
Parfaitement intégré au milieu ambiant, discret, de loin, mais seulement pour des yeux avertis, le refuge d’Ambin s’aperçoit. Une cuvette qui fut dans un passé lointain l’un des lacs de la vallée, annonce le premier verrou glacière que nous aurons à franchir.
Immense amas de concrétions minérales poussées par le glacier durant des siècles et sur lesquelles vit une végétation spécifique à ce type de sol. Très pentu et dans ce qui fut sans doute des chutes d’eau d’une centaine de mètres de hauteur, un tout petit sentier monte en louvoyant pour en atténuer la raideur. Dès la sortie de cet obstacle naturel, le refuge est là pour accueillir les batteurs de semelles essoufflés, les invités au plaisir de la rencontre d’un environnement resté exceptionnel.
A la toute proximité du refuge, un monument en forme de cairn vient rendre hommage à Geneviève, gardienne en son temps de ce lieu, et qui perdit la vie ainsi que six enfants le 4 décembre 1995 dans le Drac alors qu’elle accompagnait une classe dans le cadre d’un séjour pédagogique. Mon sujet n’étant pas, ici, de faire un commentaire sur cette tragédie, je vous renvois, si vous le souhaitez, à cette astérisque que vous retrouverez en fin de récit*.
Après une boisson chaude prise dans un cadre réconfortant, une partie du groupe choisit de stopper là sa progression. La décision ne pose pas de problème, le retour du lac vers le parking reprenant celui de l’aller.
La météo du matin ayant annoncé la levée d’un temps meilleur aux alentours de midi et connaissant parfaitement les lieux, c’est sans crainte que j’engage le reste du groupe à poursuivre le chemin. Ce lac est à mes yeux l’une des plus belles sorties à faire dans le coin, alors pas question de renoncer dans la mesure où les prévisions devenaient favorables.
Le sentier se déroule sur un terrain d’herbes rases. Une cabane de berger et les signes visibles d’un pacage attestent du repli saisonnier d’un troupeau de brebis. Nous laissons à main droite la passerelle en bois permettant de rallier le col de l’Agnel ( à ne pas confondre avec le col Agnel qui lui se trouve au fond de la vallée du Queyras.
A la conquête des cimes en 1986......
Au loin, tel un guetteur, un grand blog rocheux est planté sur le bord du sentier. Immobile depuis des siècles sans doute, il indique le cap à tenir pour ne pas manquer le passage que nous devrons emprunter. Il donne l'occasion à Rémi de montrer ses talents d'escaladeur. Il marque également l’entrée d’un nouveau verrou glacière qui se présente à nous d’une manière peu engageante. De l’eau en dégouline de toute part. Il s’agit, pour ce début d’été, d’un signe annonçant un important névé que nous aurons à passer dès la barrière franchie. Sans surprise, une langue de glace et de poudreuse comble l’étroite vallée qui descend du lac. Les marques du chemin sont visibles sur les rochers d’en face, de l’autre coté du lit du torrent que la neige recouvre en presque totalité. Là commence la délicate recherche qui consiste à trouver un solide pont de neige pour y faire passer le groupe en vue de rejoindre l’autre rive et l’itinéraire qui sera le notre. Par espace, des trous laissent entrevoir l’eau qui coule rageusement sous les restes du manteau hivernal. Butant violemment sur les blocs de pierres, elle en a rongé l’épaisseur de glace dans des formes circulaires laissant penser à des moulins à rotation horizontale. Personnellement ce type de manifestation m’impressionne d’autant que le bruit qu’émettent ces siphons semblent être là pour avaler toute chose qui s'y laisse choir.
A présent nous avançons au pied d’une falaise où restent marquées la trace des pas de marcheurs nous ayant précédés. Au sein du groupe et tout en étant aguerris à l’effort, des voix se font entendre pour savoir où est ce lac que l’on n’aperçoit toujours pas.
Au-delà de la fatigue, l’ambiance que donne un ciel bas, un environnement qui peut sembler hostile aux non pratiquants de la montagne enneigée, ont fait naître chez certains un sentiment proche de celui de l’angoisse. Josyane et moi pouvons les rassurer, nous savons qu’à partir de la ligne de crête que nous apercevons au loin, le lac va apparaître aux yeux des inquiets.
Il restera encore, avant d’arriver sur sa berge, à descendre au milieu d’un champ de Linaigrettes dont la fleur laisse croire, en miniature, à celle à du coton.
Le lac, à ne pas en douter, sera là comme chaque année en cette saison. Mes camarades de randonnées le découvriront logé au sein de son écrin de rochers et de la glace en recouvrira une partie de sa surface.
Si le plaisir d’en toucher le but s’est fait attendre, le spectacle reste à la hauteur de l’effort. Il se lit sur les visages et s’entend au timbre des exclamations.
Lac d'Ambin glacé: fin juin 1986
Le doute qui a pu effleuré quelques esprits laisse à présent place à la fierté d’avoir surmonté l’angoisse que génère l’incertitude. Celle de craindre de ne pas être capable d’aller au bout, celle d’un environnement qui vous écrase de sa hauteur, celle qui peut vous amener à douter du chemin de retour.
Les doyens du groupe : Quand le bonheur est au bout de l'effort.
Voilà raconté pour vous la randonnée du lac d’Ambin. J’ai voulu transcrire, au-delà de la narration, l’ébauche des manifestations qui peuvent naturellement apparaître au fil des heures de marche chez les personnes en terrain de découverte. Le doute, la fatigue, sont des éléments que l’accompagnateur doit prendre en compte. Il doit être attentif à tous leurs signes afin de les traiter dans la compréhension et la nature de ce mal-être que chaque randonneur a connu un jour.
Une de plus tirée du rangement aux souvenirs. Souvenirs qu'il me plaît de revisiter pour le plaisir de les revivre. Pour celui également de vous les faire partager.
* A rechercher dans Google. Tragédie du Drac. Commentaire de Geneviève Jonot sous le titre ‘’effets pervers’’. Article référencé R.V 61- Accident Drac
Je vous invite à m'écrire votre commentaire en espérant vous avoir donné l'envie de randonner.