A la rencontre d'un hameau oublié,
Borne
Malgré le léger redoux de l’après midi, les voitures retrouvées nous offrent un abri que chacun apprécie. Il nous reste à descendre le col de Meyrand, quatre kilomètres et, à l’exception de mon épouse et moi, le groupe découvre Loubaresse.
Le circuit autour de Bauzon, sans être très difficile a tout de même laissé des traces qui pour certains et certaines sont difficiles à cacher. Les signes révélateurs de quelques courbatures ne peuvent être dissimulés à la sortie des véhicules. Ils se manifestent par des démonstrations comiques. En effet, des rictus et une démarche claudicante trahissent une apparence qui se veut fière.
Le gite est accueillant. Dés la porte franchie, une odeur alléchante laisse déjà présager de ce que sera le repas du soir. La cuisine se fait sous les yeux des clients, seule une cloison basse constituée de lambris, sépare la salle à manger des fourneaux. Il nous est servi des boissons chaudes dans l’attente de plats plus consistants
L’imagination quant aux agapes qui nous attendent, ont failli nous faire oublier le travail d’installation dans les chambres et les dortoirs. Sans être un casse tête chinois, l’attribution des couchages dans le cadre d’un déplacement en groupe reste une petite aventure aux couleurs folkloriques. Les anecdotes à ce propos ne manquent pas. Vous l’aurez remarqué, elles font généralement la conversation du réveil pour aller bien souvent au delà du petit déjeuner. Je pourrais vous en citer quelques unes relevées lors de cette expédition, mais ce n’est pas ici le sujet.
Celui qui préoccupe mes camarades est de savoir le degré de difficulté dans lequel je vais les entrainer! Il faut dire que certains m’ont fait auprès des nouveaux, une réputation de fou-dingue de la dénivelée. Toute proportion gardée, et si ce fut le cas un temps, depuis, comme il se dit chez nous, il a plu sur la marchandise. Alors, pour les autres et pour moi, la décision est prise de raccourcir le parcours. Le départ reste Loubaresse, mais le grand tour passant par Chazalette et Le Chambon, nous donnera l’occasion de revenir une prochaine fois.
Le circuit s’amorce en descente. Le sentier est comme ceux que j’aime, étroit et tortueux. Il est coupé et recoupé alternativement par la route goudronnée qui dessert une localité que nous traverserons plus loin. Son emprunt est inévitable, au moins sur quelques dizaines de mètres afin de rattraper notre chemin plus bas. Seule une attention vigilante permet de repérer la reprise de la sente qui plonge à nouveau au milieu des genets et autres fougères géantes. Sur la droite nous apercevons le tracé que nous avons pris ce matin pour conduire à Borne les voitures qui, ce soir, nous ramèneront au gite. Pour la petite histoire, à cette occasion, nous avons été amené à rouler au pas un long moment à cause d’un troupeau de génisses qui avait pris possession de la chaussée.
Sans doute aveuglé par mon chauvinisme, je ne me lasse pas de vanter tout haut la beauté des paysages que nous rencontrons. J’ai déjà arpenté à plusieurs reprises ce circuit, mais j’ai l’impression de le découvrir, à la fois nouveau et attachant.
Dans le bas d’une combe se niche Le Mas de Truc, hameau de la commune de Borne dont un petit clocher attire notre attention. A première vue il ne s’agit pas d’une chapelle ni d’un campanile. Alors que fait cette cloche perchée au dessus de cette maison qui somme toute est ordinaire ? La réponse nous est donnée par le propriétaire des lieux qui nous explique que ce petit bourdon pourrait être cité à l’ordre du mérite pour avoir sauvé, par le passé, plusieurs vies humaines.
Il s’agit en fait d’une cloche de brume qui était agitée par mauvais temps en vue d’indiquer aux personnes qui se déplaçaient à pied sur ces voies de communication, aujourd’hui devenues nos G.R, la position d’un accueil possible. Je rappelle que le climat des alentours du Tanargue est rude. La neige, en ces temps anciens, y tombait abondamment. Les orages, eux, y sont encore aujourd’hui souvent d’une grande violence.
A la sortie de ce petit bourg le sentier nous conduit en direction d’une forêt de fayards et de châtaigniers, pour certains plusieurs fois centenaires. C’est, à n’en pas douter, les vents violents de ces derniers jours qui ont dû mettre à terre une grande croix de bois qui symboliquement nous barre le chemin. Elle avait, cela se voit, sa place sur un petit monticule à quelques mètres de là. Ces marques que l’on rencontre fréquemment en montagne sont généralement le signe d’un événement ancien survenu sur ce lieu.
Aidé par mes compagnons, chacun animé par des élans de nature différentes, nous redressons ce monument qui se veut l’image d’une histoire qui remonte à la nuit des temps. Je ne sais pas pourquoi, mais la voir droite me rassure. Pour ma part, j’ai éprouvé le besoin de lui redonner une allure digne de ce qu’elle représente pour le monde auquel j’appartiens.
. La descente est sévère, les pierres roulent sous nos pieds, ce qui nous vaut des glissades sur les fesses dont certaines sont spectaculaires. Rien de grave à noter, le sac à dos ayant rempli l’office d’un airbag. Le changement de versant s’opère en franchisant le pont qui enjambe la Borne. Un arrêt s’impose, tout d’abord pour le coup d’œil, et puis pour souffler un peu.
Le pont sur la Borne
Sans transition, l’environnement devient socialisé. En effet, à l’exception des alentours du Mas de Truc ou des murets précisent les propriétés, nous avons depuis cette étape, traversé de grands espaces revenus aujourd'hui à la nature.
Ici, il n’y a pas à en douter, mais pour moi ce n’est plus une surprise, l’homme est revenu vivre sur ces terres. De part et d’autre du chemin, des fils de fer tendus sur des piquets en bois de châtaignier font emploi de clôture pour du bétail. Elles s’étirent sur des distances impressionnantes. Des cultures font leur apparition, une serre abrite un potager. Les ruines de petits bâtiments nous indiquent l’entrée de Conches du Bas. Ce site qui était encore habité dans le début des années 1950, n’est desservi par aucune voie de communication autre que le sentier qui nous y a conduit. Des pans de murs d’une hauteur respectable font état de fermes importantes. Des traces d’un ancien moulin à eau donnent les indications d’une agriculture céréalière qui avait dû être florissante.
A la sortie de ce qui fut jadis une petite localité, une surprise nous y attend. Compte-tenu des aménagements qui l’entourent, une Yourte montée sur pilotis vient attester d’une présence humaine à demeure. Captée dans une source qui sort sous des rochers, de l’eau se déverse dans un tronc de hétre que l’homme à creusé. Plus original encore ce décor surréaliste représenté par un panneau de cellules voltaïques campé sur un support en bois pour mieux l’intégrer au décor naturel qui l’entoure.
Il ne se veut pas agressif comme éventuellement pourraient le penser les inconditionnels du retour au passé. Non, il est installé pour une cohabitation pacifique, comme le symbole d’une résurrection. Surprenant certes, mais il est clair dans mon esprit qu'il n'est pas là pour faire injure à cet environnement séculaire. L’œil avec lequel je le regarde me le fait voir comme un allié. Il vient, mais sans vouloir provoquer, poser la pierre d'un confort raisonnable au retour à la vie du hameau oublié. L’offense à ces lieux, si toutefois elle mérite d’être relevée à propos de ce signe moderne, est d’une autre nature. Elle réside dans le comportement sociétal d’un monde qui à chassé de ses terres un peuple de paysans qui n’a pas toujours trouvé ailleurs la place qui lui était promise. Mais là je m’écarte du seul propos que je voulais vous tenir.
Il y a cinq ou six ans déjà, j’ai rencontré pour la première fois les occupants de ce coin que certains qualifieront de perdu. Aujourd’hui, ils cultivent des plantes aromatiques et quelques épices d’origine sauvage. Je crois avoir entendu que le garçon garde un troupeau l'été vers la Croix-de-Bauzon. Nous nous sommes vus à deux reprises l’année dernière, dont une fois à l’occasion de la foire de Loubaresse.
Autour d’objets de vannerie fabriqués de leurs mains, ils proposaient aux visiteurs le fruit de leur production agricole. Ils s’installent petit à petit, cherchent à obtenir des renseignements sur la vie de leur hameau dont ils ont l’ambition de remonter à l’identique certaines de ses maisons. J’espère bien avoir l’occasion de voir leur projet aboutir, et qui sait, peut être un jour, y voir s’ouvrir un gite.
Après cette halte et quelques temps de discussion, le chemin nous remonte au niveau de la pancarte indiquant sur la gauche: Saint Laurent les Bains et sur la droite: Borne qui sera la direction que nous prendrons pour le retour. Nous sommes là, précisément à Conches du Haut qui recèle des ruines de constructions encore plus importantes que celles du bas. A la fois grandiose et émouvant, ce spectacle nous amène à imaginer ce bel endroit, vivant des personnes qui le peuplaient où l’eau coule à flot, où des vestiges de Bancels, terrains agricoles disposée en terrasses laissent penser à une population laborieuse. Que dire de ce temps que le progrès à jeté au registre des souvenirs, dont seuls les randonneurs comme nous viennent rendre une visite pour le plaisir, pour le commentaire qu’il me plait de rédiger de ces lieux dont l’histoire se meurt.
Le passage des gués: Une question déquilibre.
Le village de Borne, riche de son passé et de son bastion fortifié nous accueille après quelques péripéties, notamment au niveau des passages de gués. Comme dans la première partie où les galants attentionnés relevaient certaines de ces dames victimes passagères de quelques pertes d’équilibre à cause du sol gelé, les gués furent à leur tour des sujets de sollicitations.
Des promesses sont faites pour revenir en ces lieux, pour en boucler le circuit par Chazalette, Le Chambon, Loubaresse.
Loubaresse, petite icône sur une carte, mais dont l’évocation de son patronyme continue à me remplir d’émotions.
Le donjon de Borne.
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