Une rue de Loubaresse
Première partie
Loubaresse : Je trouverai normal que ce nom ne vous dise rien et pourtant, c’est celui du village qui a vu naître et grandir mon Père jusqu’à ses treize ans. Ces informations vous ayant été livrées, vous comprenez pourquoi il me reste important.
Abrité de La Burle par le col de Meyrand, la petite bourgade culmine à quelques 1230 mètres d’altitude. Elle est entourée de ruisselets et de grands pâturages que le printemps inonde de fleurs multicolores. Il y fait un climat de montagne aux changements toujours capricieux. Le pays vit essentiellement du tourisme de passage. Le 18 Août, depuis des lustres, une importante foire clôture la saison des festivités, multipliant ce jour là par centaines la population autochtone.
Cette Ardèche, celle des hauteurs, celle des Gavots, je l’aime pour tout ce qu’elle me rappelle, pour tout ce qu’elle m’a appris de la vie. J’éprouve comme un devoir à lui rendre hommage, à la faire découvrir à des personnes sensibles à son environnement particulier. Cette Ardèche où il fait bon respirer les senteurs enivrantes du genet dés les chaleurs revenues.
L'entrée du gîte
Il y fait bon randonner, avec la certitude d’y trouver au terme de l’étape une bonne table comme celle du Pégan, ou celle de la maison d’hôte où nous primes pension ces 15 et 16 Mai 2010. Si le gîte est important, le marcheur, ne le taisons pas, est sensible aux couverts. Il est réputé pour être une redoutable fourchette !!!
Parti de bon matin des environs de l’ancienne capitale des papes, le groupe des Esclots, ainsi nommé, comme le sont les sabots que personnellement j’ai porté dans ma vie de jeune Ardéchois, le col de Meyrand nous apparaît enfin. Des nuages de brume défilent au ras de nos têtes pour s’engouffrer dans une faille puis disparaître comme par enchantement dés le Pas franchi. L’air est frisquet. Le printemps, une fois encore, semble avoir oublié son rendez-vous avec la nature qui souffre à se relever de l’hiver. C’est, habillés comme des Saint Georges, que nous prenons la résolution de faire cette randonnée. Foulant d’un pas déterminé les sentiers du Tanargue en direction du centre de ski de La-Croix-de-Bauzon, la troupe s’est mise en marche.......
Après avoir passé le chalet péage du ski nordique, le sentier s’élève brusquement sur une bonne demi-heure, puis il se fait plus compatissant pour les jambes qui sont les nôtres, et......qui n’ont plus vingt ans...... Au Début du parcours, la fonte de la neige nous amène à patauger mais, le sol s’élevant à nouveau, la glace y fait son apparition. Pas commode du tout de pratiquer sur ce type de revêtement avec seulement des chaussures de marche. Fatalement...ça glisse et des signes de renoncement se font discrètement entendre. Miracle à cet instant, plus de sourdes oreilles, y compris parmi les vétérans du groupe. Ces dames en détresse ont éveillé chez leurs galants compagnons le sens du chevaleresque!
Valeureux sont ces hommes, qui tels des Zorros courent dans tous les sens espérant un appel, un cri supplicateur. Alors leurs mains devenus lestes prennent à bras le corps la malheureuse dans un élan, qui dans d’autres circonstances auraient prêté à confusion. Quelle générosité dans l’acte charitable au point, m’a t’il semblé, de voir certaines dames user de stratagéme et faire mine de tomber !!!
Fini la poésie, il faut remarcher. La station n’est plus loin, mais le temps se gâte. Oui, amis lecteurs, ce 15 Mai, il a neigeoté (écrit, pour la circonstance......en langue Suisse) sur cette montagne dite du tonnerre. Arrivé à la gare des remontées mécaniques, cap à droite sur un large chemin traversé par les pistes de ski.
Moment d’émotion pour ce qui me concerne. Je devine en contrebas, dans l’alignement du bloc de rochers qui la surplombe, la ferme de Chevalet. Grande bâtisse qui fin 1940 me vit arriver pour servir, le temps de plusieurs estives comme garçon vacher dans la famille Chambon. Le Dolphou, le Papé Jean et Antonia resteront à jamais des souvenirs que le temps ne peut pas effacer. Ils m’ont appris comment apprivoiser une nature que je découvrais, comment grandir en prenant le temps de savourer le bonheur d’un quotidien ordinaire. Ils
m’ont ouvert le regard sur leur vie en montagne, sur la simplicité qui en fait la richesse.
Il neige, et cette fois c’est pour de bon. Les arbres du bois de la Prade nous abritent certes un peu mais l’air est froid. La providence, ou plus justement dit, des responsables de la station ont posé là pour je ne sais quel usage, un mobile-home qui va nous servir d’abri pour le pique-nique .
Le Début du chemin de retour se fait par un temps épouvantable où un vent glacé projette sur notre visage des flocons de plus en plus gros. Tout est sorti du sac pour en faire des peaux supplémentaires. Il nous tarde à retrouver un ciel plus hospitalier, qui en fait nous accueille une petite heure plus bas.
Comme à chacun de mes passages en ces lieux, j’invite le groupe que je conduis, à faire une halte au Rond de la Coucoulude. Dans un rituel qui m’est devenu familier, j’éprouve le besoin d’escalader le rocher jusqu’au signal géodésique qui en coiffe le sommet. La vallée de La Beaume apparaît alors telle une saignée qui pourfend la montagne. Valgorges, puis Chastanet en sont les premiers villages bordant son lit. Plus bas, Joyeuses, Les Vans, seront demain soir sur la route qui nous ramènera dans la périphérie d’Avignon.
Pour aujourd’hui, la randonnée s’achève, le pas se faisait lourd, mais l’humeur restait bonne.
Demain matin sera un autre jour, nous partirons pour Borne, via Conches.
Parenthèse
Quel bonheur, en compagnie d’amis, de remarcher dans les pas de mon Père. Une région, un village, des lieux qu’il me plaît d’offrir à des regards curieux.
Modestes, sans doute, sont ses montagnes en comparaison de celles des Alpes ou des Pyrénées, mais elles ont un charme que nulle part ailleurs je retrouve. Elles sont la mémoire d’une vie ancestrale et recèlent des trésors et des découvertes qui vous surprendraient.
Au fait, saviez-vous, par exemple, et contrairement à ce qui est dit dans nos manuels scolaires, que ce n’est pas l’agronome Parmentier qui le premier a introduit la pomme de terre en France, mais un Ardéchois vers 1540 du nom de Pierre Sornas, moine Franciscain de son état. Le tubercule s’appelait alors la truffole. Des écrits de l’époque font référence à des échanges commerciaux de cette truffe blanche vendues 22 sols la quarte sur la place du marché de Grenette.
Les premiers ponts suspendus de France sont à mettre au registre des œuvres de Marc Seguin d’Annonay, ville riche en ingénieurs et ingénieux novateurs, comme les frères, Joseph et Etienne Montgolfier. L’idée du premier pont sur le Rhône n'est elle pas le fruit délirant de Saint Bénezet, natif de Burzet?
Enfin, et pardonnez moi pour ne pas vouloir y résister, je vais succinctement vous parler de l'un mes aieuls.
Auguste Jean-Baptiste Tauleigne né en 1870 à Saint-Cirgues en montagne, Prêtre comme l’était au moins l’un des fils des famille nombreuses de ce pays.
En 1915, il est incorporé dans l’armée comme infirmier hospitalier. C’est là qu’il met au point l’outil précurseur de ce qui sera l’appareil de radiologie, appelé dans ses débuts le radiostéréomètre. Il améliore le télégraphe de Morse en permettant l’enregistrement des messages sur papier, invention reprise par Ducretet sous l’appellation du relais Tauleigne.
A Paris, au musée des Invalides, l’armée Française reconnaissante a fait ériger une plaque de bronze rappelant ses principales inventions qui lui valurent entre autres distinctions : une médaille d’argent de la fondation Carnegie de Chicago avec un prix de 5000 francs au titre de bienfaiteur de l’humanité. Il communiquera avec Marie Curie qui lui avait personnellement adressée de nombreuses félicitations.
Notes: Les informations concernant les personnages cités dans ce chapitre ont été recueillies dans :
Le Génie de L’Ardèche, de Jean-Marc Gardes et d’Annie Sorrel : édité sous le patronage de la Fédération des œuvres laïques de L’Ardèche.
Fin de la première partie