Au départ de Lagnes
Les Esclops.... à la rencontre du mur de la Peste.
Ce dimanche 8 Mai 2011, le sort m’a désigné pour conduire ce groupe qui ne vous est pas inconnu... si vous avez pris connaissance du récit de nos dernières sorties.
Marcher pour le plaisir de la découverte, marcher pour entretenir cette fonction mécanique qu’aucun robot à ce jour n’est encore capable d’en reproduire l’activité dans ses équilibres et sa précision. Même si pour ce groupe il ne s’agit pas d’aller vers une découverte, reprendre les traces de nos pas anciens nous amènent à nous réunir. À faire de nouvelles rencontres.
Lagnes se trouve à une vingtaine de kilomètres d’Avignon. L'approche du site se fait en voiture. Le départ effectif de la randonnée est alors placé idéalement pour préparer l’échauffement musculaire servant à mouvoir nos vieilles carcasses, avant de s’attaquer à la dénivelée et de passer aux choses sérieuses!
Lagnes est une commune de 1700 habitants située sur la pointe sud-ouest des Monts de Vaucluse. De son passé médiéval, elle conserve les vestiges d’un château dont l’origine remonte au XIIIe siècle. Une balade au cœur du village vous permettra de découvrir de magnifiques demeures d’un antan riche d’histoire.
Fontaine '' Papale'' de Lagnes
Le thème choisie pour cette sortie me donne l’occasion de vous parler de ce mur que les hommes ont construit en 1721 en vertu du principe de précaution !
En préambule, je veux souligner le côté cocasse de cette histoire : À savoir que le cheminement et l’origine de la propagation des maladies étaient encore inconnus. Ce n’est qu'en 1881 que Pasteur met à jour l’existence des microbes.
Ce mur sera gardé en armes dans un premier temps par les soldats de la Papauté, puis par ceux du Royaume à partir du moment où, en Août, la peste touche Avignon. Ce mur édifié pour protéger le Comtat Venaissin, sera alors pris en charge par la France qui à son tour isolera le territoire Papal infecté. Le blocus sera levé en Janvier 1723.
A priori, ce fronton, rempart ridicule au regard de nos connaissances actuelles sur la science et sur la médecine, était censé faire barrage à l’épidémie de peste qui sévissait à Marseille.
La Provence a connue trois grandes épidémies de peste répertoriées dans son histoire : 1347/1353. 1580 et 1720, celle qui est à l’origine du mur en question dans ce récit.
Le coupable de cette catastrophe sanitaire est le Grand Saint Antoine, bateau en provenance de Syrie, dont la cargaison était essentiellement constituée de tissus de soie, prévus pour fournir la très importante foire de Beaucaire qui se déroulait en Juillet, et de toile de drap pour une fabrique de voiles destinées à la marine marchande. Arrivé en rade de Marseille le 25 Mai 1720, il est mis en quarantaine au large de l’île de Jarre, car durant la traversée, des marins ont été victimes de morts suspectes.
En vérité, l’explication de la pandémie est à imputer à la corruption. Si, dans les faits, le bateau n’a pas accosté dans le port à son arrivée, sous la pression du propriétaire de la cargaison, un certain Jean-Baptiste Estelle, les tissus ont été ramenés à terre. Entreposés dans la cale, ils se sont trouvés contaminés pas les déjections des rats qui, avec les puces, semblaient être les vecteurs connus de la contagion. La manipulation, puis la dispersion de la marchandise, ont rapidement propagé le bacille de Yercin. L’identification formelle de ce dernier ne sera confirmée qu'en 1898 par le chercheur du même nom.
Marseille, dans les années 1700, comptait une centaine de milliers d’habitants. Elle en perdit 50.000. Un Marseillais sur deux fut emporté par l’épidémie. La Provence, totalisa, quant à elle, 120.000 morts
Borne balisant le sentier de la peste
Des bornes montrant l’entrée du chemin conduisant sur les lieux du site, montrent l’accoutrement des médecins de l’époque. Il présente un espèce de masque prolongé d’un grand bec qui semble être fabriqué en bois. L’intérieur contenait des épices forts qui se voulaient à la fois, protecteur de l’agent infectant et efficaces contre les odeurs pestilentielles des cadavres qui empuantissaient l’atmosphère des hôpitaux et des rues de la ville. Aucun traitement efficace n’était en mesure de venir à bout de cette infection. Seul l’isolement des populations malades était capable d’en éteindre la progression.
Le mur de la peste, appelé également mur de la ligne, dont ces dernières années le sommet qu'il traverse au dessus du village de Murs fut baptisé Col de la Ligne, parcourrait notre région sur 27 kilomètres. Ailleurs, pour se protéger, la méthode consistait à creuser des fossés de plusieurs mètres de profondeur sur autant de largeur!
La hauteur du mur, de cette giroflée ( belgicisme ) a été fixée à six pieds, soit 1m,95 et à deux pieds de largeur, soit 65centimètres par le Carpentrassien Antoine D’Allemand, ingénieur et cartographe de son état. Le mur, dans un premier temps, fut élevé par les locaux, les habitants des villages près desquels devait passer la muraille. Ils étaient réquisitionnés, sans solde et ils devaient, en outre, fournir leurs outils de travail. L’épidémie se propageant plus rapidement que l’avancée de la construction, des salariés furent mis sur le chantier avec un contrat au mètre construit, ce qui bousta l’énergie des travailleurs !
Abri servant à la protection du soldat montant la garde.
Érigé en pierre sèche le mur était équipé, en intervalle régulier, par une quarantaine de guérites destinées à abriter un soldat en arme. Sur sa longueur, plusieurs petits bâtiments servaient de logements de repos pour les hommes ayant terminés leur tour de garde. Une écurie et un local à fourrage complétaient l’édifice. Les consignes étaient des plus strictes. Personne ne devait franchir le mur pour pénétrer sur les terres du Comtat. Les animaux, les rats étaient particulièrement visés et chassés.
Depuis 1983, une association composée de bénévoles, se charge du relevé précis de l’emplacement originel de cette construction. Elle organise des chantiers de restauration des différents édifices le longeant. Se trouvant, encore aujourd’hui, et pour l’essentiel de son tracé en zone non carrossable, les pierres n’ont pas pu être récupérées à d’autres fins. Elles gisent à même le sol, au pied des ruines que les intempéries, le gros gibier, tels que les sangliers nombreux dans cette contrée, ont réussis à mettre à terre.
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La randonnée. Près de l’école communale, une place située dans le bas du village de Lagnes permet de garer les véhicules en sécurité. Face à l’école, prendre un chemin goudronné sur quelques longueurs qui indique Cabrières-Les Esperelles. Le panneau précise une altitude de 116 mètres.
Rapidement, la garrigues devient notre environnement. Chênes verts, Genêts de Provence, chèvrefeuille, Romarin, thym et fleurs diverses nous accompagnent le long de ce qui devient, tantôt un sentier, puis plus loin, une voie empierrée. Un petit étang est à contourner par la droite, des traces jaunes sont à suivre jusqu'à la traversée de la route de Cabrières.
Pour un rappel de mémoire : Dés la route traversée, un monument et une plaque commémorative indiquent un lieu de résistance à la gloire de Jean Garcin, allias colonel Bayard. Comme résistant, Jean Garcin a, à son actif, de nombreux faits d’armes. Entre autre action, il a organisé et sécurisé le parachutage de Jean Moulin sur les Alpilles qui eut lieu le 2 Janvier 1942 à 3h 30 du matin.
Au plan spécifiquement politique, Jean Garcin, né à Fontaine de Vaucluse (1917-2006) occupa diverses fonctions communales et départementales. Il fut maire de Fontaine de Vaucluse et conseiller municipal du Thor, président du conseil général du Vaucluse et vice-président du conseil régional de Provence-Alpes et Côte-d’Azur.
Après une halte sur ce lieu chargé du passé glorieux d’un homme, qui à travers le sien, honore celui de nombreux autres patriotes, l’histoire du mur reprend son cours.
De cette aire, un regard sur votre gauche vous laissera voir le panneau indiquant la direction à prendre. Outre la signalétique classique, une borne ornée d’un dessin à la caractéristique surprenante vient vous confirmer le sens de la visite. Au milieu d’une végétation aux essences diverses, et après quelques centaines de mètres, des travaux relativement récents montrent le début de ce mur qui, en son temps, occupa des centaines d’hommes pour sa construction et un millier de soldats chargés de le garder durant près de trois ans.
Sur deux bonnes heures de marche, un sentier caillouteux longe ce rempart qui se voulait être le garant de la santé des Comtadins, en ce temps où l’on pouvait aller jusqu’à croire qu'il pouvait servir de filtre au mystère qui entourait les maladies.
Une citerne destinée à recueillir les eaux de ruissellement marque l’intersection qui permet de rejoindre directement, soit Lagnes ou Fontaine de Vaucluse. Notre parcours, quant à lui est prévu pour continuer sur les traces de la muraille, par la piste de La Pouraque. Ce qui fut un mur, n’est à présent que ruines qui petit à petit s’écarte de la piste en direction du Col de la Ligne. Au point où il part sur la droite, l'emplacement d'un corps de garnison reste visible. Il devait s’agir d’un bâtiment capable d’accueillir bon nombre d’hommes, de chevaux et de provisions pour ses locataires.
Même si le paysage est agréable, et la vue sur le grand Luberon riche de ses reliefs, le chemin tracé droit devant nous devient lassant. Sur la gauche, un abri pour les chasseurs de sangliers, espèce de tourelle en bois, annonce la proximité de l’intersection à prendre pour descendre sur le village de Fontaine de Vaucluse.
Trois heures de marche d’un pas raisonnable, midi et demie sonnant, sont les bonnes raisons qui marquent ce lieu comme étant l’endroit rêvé pour le pique-nique. Je ne vais pas refaire le descriptif de l’étiquette des bouteilles qui sont sorties des sacs, puis des gâteaux et autre sucrerie qui honorent le parterre de nos arrêts champêtres. Sachez une bonne fois pour toutes que ces agapes sont inscrites à notre régime de randonneurs. Certes, si nous usons de tout cela avec modération, comment résister aux produits régionaux, dont le vin, qui en plus de dessoiffer, renouvelle à cette occasion l'idée du partage.
Arrivé à ce terme de la balade, le plus gros de l’effort est signé. Il reste, pour rentrer, à descendre le vallon de la fontaine de l’Oule. Le sentier est exigent au niveau de l’attention. Beaucoup de cailloux non stabilisés mettent l’équilibre du marcheur en difficulté. A mi-chemin de la désescalade, se présente la particularité de l’endroit. Elle se manifeste par une cavité naturelle dans laquelle, de son plafond, de l’eau goutte pour former un espace humide amménagé.
Nouvelle croisée de chemins. Pour nous c’est à gauche. Lagnes est indiqué. Le sentier surplombe la route goudronnée. Un raidillon nous ramène sur le plateau. A noter qu'à cet endroit, la lecture du tracé n’est pas évidente. Le retour au village se fait à présent au milieu d’une campagne dans laquelle fleurissent des maisons restaurées au regard d’un cahier des charges strictes. Il faut dire, je le souligne, nous sommes pas n'importe où, mais dans le parc naturel régional du Luberon!
Sans se presser, mais sans prétendre pouvoir faire une longue sieste, six heures sont nécessaires pour boucler ce circuit de 20 kilomètres. Calcul obtenu grâce au podomètre de notre président. Hormis cette longue ligne droite avant le repas, la randonnée reste intéressante tant au plan culturel, qu'à celui de la découverte de paysages marquant les caractéristiques de la région des monts de Vaucluse.
Ils sont faits d’un monde minéral et d’une végétation typique de la garrigue. Chênes verts, buis, cistes, de fleurs de lin, aphyllante de Montpellier et ses plantes aromatiques en recouvrent un sol aride et rocailleux.
Aphyllante de Montpellier, à distinguer de la fleur de lin.
A part quelques grimpettes courtes mais raides, les six cent vingt mètres de son point culminant s’atteignent, pour sa majorité, par une pente douce. A préciser toutefois que le sentier présentant de bonnes montées-descentes, le cumul de la dénivelée est largement supérieur à la soustraction de base qui ne prendrait en compte que l’altitude du départ à celle de son passage le plus haut!
Avant les grandes chaleurs de l’été, il reste encore quelques semaines pour prévoir une prochaine rando. Si je suis de la partie, je vous promets de vous rendre compte du comportement de mes camarades !
@ plus, comme écrivent les jeunes !
Note : Google a été l’un de mes canaux d’information pour l’historique du mur de la peste.
Vous éprouvez le besoin d'avoir de plus d'informations sur le site du Mur de la Peste en particulier? Et plus largement sur le Luberon?
Ci joint le lien permettant d'accéder à toute une série de compléments sur le Luberon, ses monuments, ses particularités.....
http://luberon.fr/tourisme/les-sites-touristiques/monuments/annu+mur-de-la-peste+1706.html
Fleurs de lin.