Dans mes pas anciens (suite et fin. )
Notre Dame des Neiges
Durant ce séjour dans le Briançonnais nous n’avons pas eu de disponibilité pour le farniente. Pas une occasion de relâche, les conditions climatiques du moment étant favorables il n’y eut pas de place pour les grâces matinées……..et puis.... c’est bien connu, les retraités n’ont pas le temps….
L’idée première de cette semaine à la montagne était de skier au Montgenèvre, mais la motivation d’une partie de la troupe se trouvant défaillante, c’est la randonnée qui en prit le relais. Cette décision vécue comme étant discrétionnaire, et tenant à soigner leur frustration, un groupe osa, pour une journée, l’audace de faire scission prenant pour prétexte le devoir….de faire prendre l’air aux spatules.
Après la visite des forts autour de Briançon, celle du hameau des Combes via Puy Chalvin et la chapelle Saint Laurent, après notre épopée au départ de Cervières, il est décidé d’aller voir du coté de Puy Saint Vincent, d’Ailefroide avec, pour moi, le secret espoir de rallier le Pré de Madame Carle.
Vallouise : Un marché paysan nous accueille avec ses senteurs de fromages, de charcuteries locales et diverses dont les aromes seraient capables de faire saliver et tomber en fringale tout déficient en appétit.
La visite du village nous met face au contraste d’une évolution, laquelle au fil du temps a conduit l'ensemble à la cohabitation d’un passé de plusieurs siècles à celui de constructions de l’ère moderne. Au centre de tout cela, monumentale, une l’église romane comme il s’en trouve ordinairement en montagne dresse fièrement son clocher. Lieu de culte impressionnant fait de pierres et de bois
pierres et de bois. Sans doute construit pour répondre à un besoin d’accueil d’une population plus importante qu’aujourd’hui et à une pratique religieuse plus fervente que celle rencontrée de nos jours. L’autel et le baptistaire, en particulier, relèvent d’un art riche en sculptures et ornements de style flamboyant.
Après la découverte de quelques curiosités qui semblent attendre patiemment l’été et les touristes, après les séances photos qui se voudraient spontanées mais sur lesquelles chacun y prend une pose parfois curieuse, le cheminement nous conduit à Pelvoux les clos.
C’est au pied d’une conduite forcée destinée à alimenter en eau une centrale hydraulique voisine que se prendra le départ effectif de notre randonnée. Via le petit tunnel, la route qui conduit au Pré de Madame Carle est fermée. Un éboulement en serait la cause. Cet incident ne porte en rien préjudice à notre objectif qui est de rejoindre le site convoité par un sentier.
Il est bien tracé. Empierré depuis des siècles, entretenu sans doute par les bénévoles d’une association locale, il serpente entre les rochers et les espaces herbeux. Loin de toute civilisation urbaine l’on y rencontre des chalets faits de bois et dont le style embrasse, sans lui faire blessure, un environnement agreste à souhait.
Ce début de saison, et en dehors des vacances scolaires, la montagne nous est acquise sans restriction. Elle n’est pas surchargée de son aréopage estival. Elle est propre. Les pluies d’automne, puis la neige en ont lavé les salissures laissées par quelques promeneurs peu scrupuleux ou irréfléchis qui l’été précédent l’ont pratiquée en dehors de toute considération .
Timidement, crocus et anémones pulsatiles font leur apparition. Le bruit des cascades se fait de plus en plus précis à la mesure de notre progression en altitude. Les gros névés alimentent leur débit dès que le soleil en caresse la surface puis deviennent muettes la nuit et le froid revenus.
Un torrent sur lequel devait exister une passerelle stoppe le groupe. Pour le franchir il faut descendre à même son lit ce qui rebute quelques membres de l’équipe. Abandon de circonstance ou de guerre lasse seront les prétextes revendiqués par les copains alors que je décide les plus courageux ou les plus fous, comme diront certains, à me suivre en direction d’Ailefroide.
Un peu avant le cœur du village, des parois équipées pour l’escalade rappelle que nous entrons dans l’un des hauts lieux de l’aventure en montagne. A partir de 1840, les plus grands alpinistes du monde ont planté dans ses falaises leurs ‘’clous’’ à la tête frappée de leurs initiales quand il s’agissait pour eux de faire ’’une première’’. Ce signe particulier authentifiera leur exploit et explique que leur nom en désigne la voie sur les topos-guides.
Lionel Terray ouvrit quant à lui ‘’La fissure d’Aile froide’’ ( 6 longueurs ) au cours des années 1941-43. Jean Michel Cambon réalisa de nombreux travaux sur les sites alentours. Plus tard et pour une pratique spécifique à la varappe, Patrick Edlinger sécurisa l’une des premières longueurs de cotation 8 A plus.
Patrick Edlinger, précurseur de l'escalade moderne.
Ceux qui ont été nommés les conquérants de l’inutile continuent à attirer sur Ailefroide et plus largement sur tout le massif des Ecrins, des centaines et des centaines de passionnés pour, modestement, pouvoir mettre leurs pas dans ceux de ces hommes de l’extrême.
Le jour commence à décliner et contrairement à la randonnée de Cervières où j’ai pu aller au ‘’bout’’, le Pré de Madame Carle ne sera pas atteint.
Je me console comme je le peux en abondant dans le sens de ceux qui pensent que les frustrations sont nécessaires pour réveiller les ambitions, pour alimenter nos projets à venir. Le rappel de ce fragment de philosophie me rend optimiste quant au désir d’une prochaine visite des Alpes briançonnaises
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Pour le retour sur Morières nous décidons, pour la pose pique nique, de faire la visite du site de l’abbaye de Boscodon.
J’ai un faible pour ces édifices qui ont abrité et abritent encore de nos jours, au-delà des religieux, des hommes qui ont valorisé des territoires jusqu’alors incultes et dont personne n’aurait osé parier sur leur réussite. Ils ont défriché, désempierré des hectares de terrains, monté des murs et conduit les étapes jusqu’à de la fructification de leur entreprise. Outre Boscodon, a voir le monastère sur l’ile de Saint Honorat, celui d’Aiguebelle, de la Grande Chartreuse et tout près de chez nous celui de Saint Michel de Frigolet qui vivent essentiellement des revenus de leurs recettes dans le domaine de la distillation, de la fabrication de sirops, de l’élaboration de leurs vins, de leurs fromages et de leur artisanat.
Située sur la communes des Crots, près d’Embrun dans les Hautes Alpes, Boscodon a été édifiée à partir des années 1142 par les moines de l’Ordre monastique de Chalais. D’architecture romane, sa restauration qui aujourd’hui touche à sa fin, se présente, au travers de la simplicité de ses lignes comme une œuvre digne des plus belles réalisations du type Cistercien primitif .
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La semaine auparavant, à l’aller vers Briançon, nous avions repéré le niveau bas du lac de Serre-Ponçon au point de pouvoir rallier à pied sec la chapelle Saint Michel. Juchée sur un ilot, elle n’est qu’exceptionnellement accessible depuis les berges et l’accoster en bateau est formellement interdit. L’opportunité de pouvoir y aller nous amena à faire un second arrêt.
En temps de remplissage maximum, l’eau qui affleure ses murs la rend fragile au point de la voir soumise aux caprices des vagues. Construite un peu à l’écart, elle reste le seul vestige du village ancien qui fut noyé avant que ne furent détruites toute ses maisons et son église.
Ainsi se termine, pour cette saison hivernale, notre semaine en montagne……en attendant celle qui devrait, fin juin, nous conduire près de Megéve et non en Vanoise comme cela était prévu….mais après tout…..pourquoi pas Megéve.......
A plus tard.....pour un prochain article sur.....?
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