Semaine de montagne pour les Galéjaïres
La semaine de randos des Galéjaïres* de Barbentane s’est prise d’ambition au point de vouloir côtoyer la montagne des grands. C’est à Crest-Voland, tout près de Megève que fut fixé le lieu de nos retrouvailles. Comme il est d’usage, alors que le reste de la saison ses adhérents arpentent les massifs des Alpilles et du Luberon en particulier, le clou de l’année se veut être planté en dehors des sentiers battus.
Denise et Daniel, membres et animateurs de l’association, résidents saisonniers sur place nous avaient préparé le terrain en nous réservant, entre autre services mis à notre disposition, le lieu d’hébergement et de restauration ‘’Chez Régine ‘’. Ce choix a fait l’unanimité tant par ses qualités d’accueil et de confort, qu'à celui de sa cuisine locale derrière laquelle se cache Robert, tant il fait preuve de discrétion.
Pour une mise en jambes et afin de prendre pied sur le terrain après quatre heures de voiture, Daniel nous amène dans le col des Saisies. Il y a là un sentier aménagé de rondins de bois et de passerelles qui permet de visiter une immense tourbière. Surprenant ce paysage humide entouré de neige et habité par une foule de libellules, de papillons, d’insectes aquacoles, de lézards et autres batraciens.
Auparavant, un pique-nique tiré du sac sur les bords de la retenue du lac de Lachat, mouillé par quelques rasades de la boisson de Bacchus qu’un vent d’altitude avait mis à température ont donné l’ambiance à ce départ de vacances. N’allez pas croire pour autant que les Galéjaïres sont des buveurs sans soif. Ils boivent certes, mais toujours avec raison et celle de notre réunion annuelle valait bien quelle soit fêtée dignement !!!.
C’est ainsi que débuta notre séjour dans le 73 où, pour certains, ils y découvraient à quoi ressemble le toit de l’Europe avec ses 4810 mètres aujourd’hui, alors qu’il était de mon temps noté à 4807 mètres sur mon livre de géographies.
Que dire de toutes ces randonnées proposées par Daniel et Jean, son ami, qui de leurs pas de montagnards avertis nous ont fait marcher sur quelques sommets du Beaufortin et des Aravis. Modestes, certes ces faîtes au regard du géant qui nous toisait, mais ils se voulaient être nos Everests à nous gens de la plaine que nous sommes.
Tous les soirs, autour d’une table garnie de rafraîchissements divers et relevés d'arômes célestes, Denise et Daniel nous ont accueilli dans leur chalet. Nous y avons parfois refait le chemin de la journée avec les anecdotes des uns et des autres. Le monde, dans sa diversité, à fait l’objet de nos remises en question. Les pauvres, les riches, les chanteurs d’avant, les politiques, les menteurs, les faux culs, les opportunistes ont été passés en revue avec l’accent propre à la sensibilité de chacun, sans jamais toutefois se prendre au sérieux.
Après le repas du soir, après le café ou le pousse tisane de l’ami Michel, les parties de coinches, parfois endiablées, venaient clôturer la soirée pour les mordus du carton. D’autres choisissaient une flânerie sous la lumière des lampions du village qui donnent aux façade des maisons et aux fleurs des jardins des couleurs bizarres.
Le repos " montagnard"
Chacune de nos randonnées a apporté son lot de surprises. Je me répète volontiers et sans réserve quand il s’agit de parler de la montagne tellement je m’en sens habité. J’ai aimé les grands espaces des vallées alpines de cette région qui offrent au regard un formidable décor. L’harmonie entre les éléments que l’homme a intégré au milieu naturel, apparaît de bon goût et sans tâche. Pas d’immeuble en béton, pas de tour agressive comme il peut s’en voir d’en nombres de stations. En forêt, les zones aménagées pour le ski dessinent de gracieuses arabesques au milieu des mélèzes et des sapins. Les ravinements provoqués en saison hivernale par le passage répétitif des engins et des hommes, sont remis en herbe dès le printemps afin d’en réparer les blessures.
En cette fin de mois de juin, avant la fenaison, les près sont teintés de dizaines d’espèces de fleurs dont la palette s’étale d’une nuancier finement composé. Merveille que cette nature sauvage aux senteurs enivrantes sur laquelle butine les abeilles qui n’ont, ici, pas à craindre des pesticides et autres produits phytosanitaires.
Les sentiers traversent l’habitat des bergers laissant à la vue des chalets d’alpages magnifiquement entretenus. Tout près d’eux, des fontaines coulent d’une eau cristalline. Des panneaux recommandant le respect dû à la nature sont associés à d’autres expliquant la spécificité d’un lieu chargé d’une histoire particulière.
Un temps clair et ensoleillé nous permet de ne jamais perdre de vue le Mont-Blanc. Cette masse immobile, image de légendes et d’exploits, symbolise pour certains d’entre nous la caresse d’un espoir de pouvoir un jour le gravir. L’Aiguille du Midi dresse sur notre gauche son pic où, furtivement, il est possible d’y apercevoir la cabine qui monte de Chamonix. Bizarrerie géologique qui parait avoir été posée là en sentinelle, en faction pour surveiller ceux qui ont pris le pari de grimper sur le dos de son illustre voisin.
L'Aiguille du Midi se devine sur la gauche de la photo
Sans tenir compte de la chronologie de leur déroulement, je vais citer la randonnée du Mont d’Arbois au départ des chalets de la Princesse et de son retour quelque peu chaotique où il nous fallut enjamber plusieurs clôtures électriques afin de retrouver la bonne piste.
A ce sujet, sans trop de délicatesse et d’élégance je le confesse, ce qui amena quelques plaisanteries auxquelles j’avais prêté le flanc, je me permis de rappeler à mes camarades que la marche rendait certaines zones de notre corps particulièrement humides !!!. Je conseillai donc qu’a leurs passages qui se devaient être aérien, de faire en sorte que rien ne leur appartenant de cette région intime ne touche au fil conducteur. Facile à présent d’imaginer la suite quand l’une de ces dames, par maladresse ou oubli, fut subitement prise de la danse de Saint Guy. Sans que l’incident eut de suite fâcheuse, la dame resta tout de même scotchée quelques secondes au conducteur avant de pouvoir sortir d’une situation pour le moins inconfortable. Divers sons et murmures à la résonance prêtant à rire accompagnèrent la scène à laquelle assistaient des témoins hilares !!!.
Ma mise en garde me rappelait alors à un souvenir personnel. Quand jeune moniteur de colonie de vacances dans la vallée de la Blanche, près de Seyne les Alpes, je fus la risée de mes colons pour avoir commis l’imprudence de laisser traîner ce qu’il est convenu d’appeler pudiquement son service trois pièces sur l’un de ces fils aux fonctions dissuasives à bien d’égards !
Pierre le kiné, au lac de Reselend
Ce matin, Pierre et moi quittons les randonneurs pour une journée vélo. Il est d’usage de convenir entre les amateurs de cyclisme du groupe de faire l’impasse sur une sortie pédestre pour épingler à notre répertoire un ou des cols jamais encore gravis. Le choix est fait pour le Cormet de Roselend au départ de Beaufort. Le ciel ne nous annonce rien de bon. Cependant l’occasion de nous retrouver dans le coin pouvant ne pas se représenter de si tôt au diable la rincée et nous voila partis à la conquête d’une cime qui viendra étoffer notre palmarès.
Ma randonneuse à guidon plat !
Sachant ne pas pouvoir tenir leurs roues et d’un commun accord, Pierre engraine celle d’un jeune cyclotouriste chargé d’une ribambelle de sacoches qui est sur la route d’un Thonon-Nice. Rando cyclo-montagnarde sous l’égide de la fédération Française de cyclotourisme initiée en 1888 par le Sieur Paul de Vivie, alias Vélocio. Entre deux respirations, fièrement, je saisis la bonne condition pour lui dire, en passant, que dans un esprit identique au sien, j’ai fait un Thonon-Trieste !!!( à lire dans ce blog.)
De longues pentes à 8% de moyenne m’obligent à mouliner. Quelle bonne idée m’a pris de faire équiper mon vélo spécial montagne d’un pédalier v.t.t, compte tenu qu’aujourd’hui je ne peux plus monter en puissance !
Je suis doublé par de fringants pédaleurs parmi lesquels se trouve une dame qui me dit chercher son mari. Il s’agit en fait du raideur aux sacoches que Pierre accompagne et qui lui sert de…sherpa . Elle aussi est engagée dans ce périple mais sur un vélo allégé au maximum !!!
Un brouillard épais et chargée d’humidité semble vouloir mouiller davantage que la pluie fine qui s’est mise à tomber. Les pneus collent au sol. Fort heureusement, les courants thermiques montant l’air chaud de la vallée vers les hauteurs me sont favorables. Pierre m’attend au barrage de Roselend qui se situe à 4 kilomètres du sommet. Le moment est choisi pour récupérer, pour la prise d’une petite collation en vue d’en terminer sans risque de fringale.
Le sommet est bouché et très froid au point de ne pas pouvoir prendre le temps de faire la photo ( celle que je présente a été prise lors d’un retour en voiture !!!!)
Un de plus. Pour rien disent les uns qui n’en connaissent pas l’intérêt. Pour l’effort gratuit et pour tout ce qu’il nous apporte. Pour le fun, pour le plaisir d’exister en cherchant à faire corps avec les éléments qui nous entourent. Pour garder le plus longtemps possible le sentiment d’avoir un corps vivant je veux continuer vers ce type de conquête que certains juge inutile .
En route vers le Mont-Joly
Je reviens à la randonnée pour vous parler du Mont-Joly au départ du Planay ( j’ai pu lire également Planey ). Elle avait été annoncée costaude par Daniel et Jean. Aujourd’hui deux accompagnateurs pour nous. Un luxe que nous avons apprécié tant leurs informations et leurs conseils nous furent utiles pour éviter de se griller avant que l’objectif ne soit atteint. Dès les premières foulées, dès que le sentier eut pénétré dans la forêt mon souffle s’accéléra ( j’étais ce jour là le doyen de la troupe). Muscles, cœur et poumons étaient à la tache pour faire avancer ma vieille carcasse qu’il fallait que je ménage, sachant que sur le final, deux coups de culs rester à passer !!!.
Le Mont Joly
C’est lors de cette randonnée que Michel le Parisien, prit le pari de ne pas faire d’arrêt, pour, pensions nous, vouloir nous couillonner et nous faire marron au sommet !!!.( Nous saurons plus tard qu’il avait un problème au tendon d'Achille et que redémarrer après les arrêts le faisait souffrir )
Michel ...le Parisien
Des fleurs, encore des fleurs. Sauvages pour la plupart et puis celles plantées autour des fontaines et des chalets d’Hermance (écrit parfois Hermence) foisonnement dans leurs diversités. Géraniums primaires où zonales, marguerites blanches, trèfles des Alpes, pensées et tant d’autres espèces tapissent les prairies pour le plaisir des yeux.
Les arrêts de récupération et de rassemblements sont orchestrés par nos guides afin de préserver le plus longtemps possible une homogénéité au groupe. Il est en effet impossible d’imposer à 20 personnes de marcher au même pas, à moins d’en calquer l’allure sur celui ou celle qui serait le ou la moins rapide. Dans le cas présent il fut laissé la liberté à chacun d’avancer selon sa cadence et d’attendre au point fixé afin que soit reformé l’ensemble pour un nouveau départ.
Les lupins
A présent, face à nous, se dresse un long pilier sur lequel un sentier s’accroche au prix de multiples lacets. Deux options sont alors proposées, une autre voie permettant d’atténuer la dénivelée du terrain grâce à une piste plus longue. Après une entente avec Daniel, Jean décide de passer par cette fameuse épaule qui part sur la gauche entraînant avec lui Christiane et……moi, qui sans trop me faire prier accepta de les suivre !!!.
Un mur à gravir dans les rochers, où la pente est raide au point de devoir monter les genoux au niveau du menton pour en franchir les obstacles, nous tiendra 50 minutes en haleine. Les batons raccourcis à leur minimum sont là indispensables pour économiser ses forces. Montagnard s’il en est, Jean nous tire d’un pas régulier vers un sommet que l’on voit enfin se rapprocher. Un long faux plat montant nous amène au pied de l’ultime raidard dont la pointe sonnera pour nous l’aubade de la délivrance.
Avec une finesse qui en dit long sur sa galanterie, discrètement Jean s’écarte du sentier pour offrir à Christiane la primeur de l’ascension. Une table d’orientation nous situe par rapport à l’environnement. Plus original, une boite aux lettres protège un carnet qui appelle aux commentaires des grimpeurs. Par l’autre voie, par petites grappes l’on peut y voir monter celles et ceux que Daniel a bousté pour les amener à ce qui représentera pour nous et pour aujourd'hui....le toit du monde.
L’air est vivifiant. L’altimètre me précise que nous sommes à 2525 mètres.
La montagne se gagne en y mettant le prix qui permet d'en atteindre l'objectif visé. J’en modifie consciemment le slogan publicitaire qui voudrait laisser croire quelle s’offre sans contrepartie. La montagne se mérite, elle n’est pas Dame facile mais je l’aime comme elle est.
Une autre petite. Là je blague un peu, j’ironise, car pour nos guides elles sont toutes présentées faciles les randonnées et pourtant même celle au départ du col des Saisies, donnée comme une promenade de santé par nos accompagnants, n’était pas si aisée qu’ils ont bien voulu nous le dire. Preuve est faite par les deux Croix que l’on rencontre sur le circuit et qui, sans en connaître l’histoire, m’interpellent quant à leur signification en ces lieux !!!.
Enfin je ne peux pas terminer la conclusion de mon récit sans faire état de la tartiflette mangée chez Annie à l’alpage de La Bellastat ( qui signifierait placé en bonne situation pour un point de vue exceptionnel sur son environnement! )
Journée mémorable qui est venue conclure notre séjour dans le pays du reblochon et du Beaufort. Pas donné non plus le chemin pour y arriver. Remarquez il fallait ça pour nous creuser l’estomac afin de pouvoir y accueillir l’assiettée monumentale de ce plat oh combien honni par les diététiciens !!!. Je passe sur le vin blanc servi à l’apéro et sur la bouteille de gniole que chacun avait loisir de se servir en guise de trou Savoyard. Je passe également sur l’entrée, le fromage et le dessert au risque d’être victime d’une indigestion rétroactive !!!
Au diable le régime quand on crapahute journellement, et puis l’exception n’est elle pas le meilleur chemin pour prendre conscience des débordements et nous ramener à la règle ?
Chez Annie
Bien d’autres choses étaient à raconter, mais je me suis limité à faire le tour de ce qui à retenu prioritairement mon attention.
Je tenais, au nom du groupe, à remercier Denise et Daniel pour leurs attentions et pour leur travail de préparation à notre séjour. Ils ont été les artisans de sa réussite à laquelle a bien voulu se joindre une clémente météo.
L’équipe des Galèjaïres de Barbentane remercie également Jean pour son aide en rando et Jackie, son épouse, qui a tenu à nous accompagner alors qu’elle est encore en convalescence. Nous lui souhaitons de retrouver rapidement son pas de randonneuse au long court.
A l’an prochain pour un nouveau séjour et …………...............
sé sian pas maï, qué ségen pa men
Qui a dit facile..........
* Galéjaïres: Raconteurs d'histoires que le narrateur arrange à sa façon. Plaisantins