Anniversaire: Mes 75 ans en balade à vélo.
Pour fêter un anniversaire certains choisissent un voyage au bout du monde, d’autres plus modestement s’en tiennent au restaurant du coin. D’autres encore craquent pour une cure de jouvence avec soins esthétiques. Le programme comprendra le ravalement de la façade et autres coups de bistouri pour se donner l'illusion de gommer les méfaits du temps.
Pour apporter une note plus personnelle à mes trois quarts de siècle déjà vécus, j’ai opté pour un tour à vélo. J’ai choisi pour moyen de locomotion ma randonneuse " Bouquet " remise au gout du jour avec ses nouvelles sacoches et ses éclairages LED. Accompagné de trois camarades cyclos, me voilà parti pour quelques séances de manivelles dans le département de la Drôme. Les Hautes Alpes seront seulement abordées pour y retrouver Mimi et Michel.
Mimi et Michel, belles rencontres. Ils ont pris leur retraite depuis peu et sont devenus résidents d’un village près de Serres. Michel tenait sur Avignon une salle de remise en forme. Chez lui, pas de gonflette ou de gavage musculaire à partir de poudre de perlimpinpin et autre cocktail. Tout se faisait à la sueur du front et à partir de ses conseils avisés. Equipé d’un petit mur d’escalade, en hiver, le lieu me permettait de maintenir en activité muscles et tendons propres à la discipline. Ces derniers sont difficiles à travailler en dehors de la grimpe que personnellement je pratique, disons pratiquais, en milieu naturel et à la bonne saison.
Pour clôturer mon programme anniversaire, dès mon retour et pour ne pas me refroidir, j’ai prévu une sortie pédestre dans les Monts de Vaucluse. Enfin, pour pallier à un manque d’activité qui interviendrait trop brutalement, le Ventoux à vélo au départ de Sault viendra mettre fin à mon examen ‘‘’Physico-mental’’. Thérapie du septuagénaire pour tester ce qui lui reste d’avenir dans le domaine de ses évasions sportives......
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Pour Hubert et moi, le départ initial était prévu de Reihanette dans les gorges du Toulourenc. Au dernier moment, un problème d’horaire et de rendez-vous le déplacera vers Saint Auban sur Ouvéze que nous rejoindrons en voiture. C’est là que nous retrouvons Bernard et Patrick, les deux éléments qui vont constituer le complément du groupe.
Avec Bernard et Hubert nous partageons des longueurs de route et de chemins depuis longtemps déjà. Nous nous connaissons bien. Avec Patrick c’est plus récent. A l’occasion de bavardages, certains de nos échanges ont déjà aiguisé ma curiosité qui j’espère pourra être satisfaite lors de prochaines conversations.
Le bouclage des sacoches
Sur cette placette où l’auto est garée pour la durée de notre escapade, il me reste à habiller mon vélo de ses sacoches. Rien n’est simple pour moi quand il s’agit de partir en itinérance. Le souci d’une certaine autonomie me fait commettre des excès de précaution. A partir de trois ou quatre jours de route, je me sens obligé d’amener avec moi un rechange vestimentaire égal à celui d’un long raid….et cela fait du poids. Il faut en équilibrer la charge, rendre accessible les encas et les vêtements chauds à enfiler dès l’arrivée au sommet des cols. Les sangles des bagages sont difficiles à boucler. Tout est rempli à ras les bords
L’été commençant à changer d’hémisphère, je sais avoir à me vêtir d’une grosse polaire, de gants d’hiver et autre bonnet à glisser sous le casque dès la moindre descente. Mes collègues, pas tous, et je ne dénoncerai personne, se moquant volontiers de ma faiblesse à pouvoir supporter les variations de température m’obligent à rappeler que je suis privé de l'un des éléments mon thermostat. En l’occurrence de ma thyroïde….et tac….
Le temps est magnifique. Je suis heureux sur ma monture astiquée au point d’en faire luire sa couleur du rouge qui me plait. Dès la sortie de Saint Auban, Peyruergues présente sa pente. Elle n’est pas très importante en pourcentage, mais l’amorçant à froid elle m’oblige à mettre souple. Petit à petit l’urbanisme laisse place à des étendues herbeuses, puis rocailleuses. Depuis juillet, les champs de lavande sont tondus de leur chevelure violine ce qui les rend tristounets. Comme pour en amortir la froidure à venir, leurs pieds font le dos rond. De la sorte alignés ils semblent en prière, en demande d’un hiver clément afin de les épargner d’un gel trop dur qui leur serait fatal.
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Au départ, du soleil, pas ou peu de vent. Ce matin du vingt septembre semble s'être levé pour moi. Je le veux mien, après tout c’est mon anniversaire. Le précis, celui de l'Etat Civil remonte quant à lui à quelques jours. Tout baigne dans l'huile, ce raid à vélo s’annonce sous de bons auspices, sauf que…….
Le temps d’accompagner mes camarades sur quelques hectomètres et un cuisant constat se fait alors jour. Je sais déjà m’être embarqué avec des gaillards dont je n’ai plus le niveau. Tranquilles, ils bavardent comme s’ils étaient assis sur un divan et moi, à tenter de les suivre je souffle déjà comme un phoque. Au détour d’un lacet j’ai vu leur tête se retourner furtivement pour voir où j’en étais.
A peine parti que me fallait-il penser d’eux ? Comment me fallait-il les imaginer ?.....
surpris ?....déçus ? ..Compatissants ?
Bien qu’il soit un ami, je ne vois pas Hubert dans le registre du compatissant. Je peux même l’apercevoir, non pas jubiler, mais avec le sourire en coin se rappeler de souvenirs anciens….. Quand, des années en arrières et alors que nous étions dans le Stelvio il avait vu partir ma roue arrière … Et puis plus rien pour enrayer ma détermination à vouloir me payer le sommet en solitaire.
Ce n’était pas gentil de ma part pouvez-vous rétorquer !!! Sauf qu'à l’époque un pacte en avait signé la permission entre nous. Si le rassemblement devait s’opérer avant la descente de tout col, il était convenu entre les membres du groupe de ce Thonon-Trieste qu’il appartenait à chacun le loisir de tenter d’épingler à son actif l’un de ses sommets.
Hubert…. vous dira….. tralala,…. que ce jour-là, son ambition était ailleurs. Qu’il n’était pas concerné par l’étape du jour et que seul Bernard, un autre Bernard, voulait me contester le Stelvio !
Souvenir, souvenir....
En 1985, dans le Stelvio avec ma randonneuse 650 Valéro.
Ce matin je vois la silhouette d’Hubert s’éloigner peu à peu. Je crois l’entendre marmotter au sujet de ce dicton qui parle des mouches qui auraient tendance à changer d’âne quand celui-ci, et pour des causes diverses, n’est plus en odeur de sainteté, (de forme pour ce qui me concernait !!!! ) et dont aujourd’hui il s’en découvre protégé !!!!!!!
Quant à Bernard et Patrick !!!, pensent-ils que je galère ?
Sont-ils inquiets sur ce que va être ma fin de journée et la suite du projet ?
En fait je ne galérais pas. Je montais à mon train…. messieurs et il n’est plus celui que vous m’avez connu par le passé. Si le temps a fait son œuvre, en compensation de ma fougue d’antan il m’a appris comment gérer mon effort et je sais, aujourd’hui, devoir en tenir compte.
Dans ce premier col, au bout de quelques kilomètres, Bernard, pas celui du Stelvio, l’autre, s’est volontairement laissé décrocher pour m’accompagner. Bien que roulant également sur du lourd, je le devine à l’aise sur sa monture équipée d’un chargement qui en plus du poids de son vélo doit frayer entre douze et quinze kilos. C’est pour chacun d’entre nous, à peu de différence près, ce que nous avons à faire avancer en plus de notre carcasse .
* Tout en rédigeant mon papier, je reviens sur le compte-rendu consigné par Hubert dont j’en calque la chronologie du circuit pour quelques précisions. Je n’ai pas pris de note journalière ! : Il écrit à mon sujet:
<<Tel un Tartarin cycliste, il pose en conquérant devant le panneau marquant le premier col vaincu >>
La photo prouve au moins que j'en suis venu à bout. Autant que cela se sache....
Le Peyruergues franchi, la descente nous conduit à Saint Sauveur du Gouvernet. Au niveau de La Bâtie Verdun et jusqu’à la plaine, les plantations d’abricotiers couvrent des dizaines d’hectares. A ma grande surprise les asperseurs en inondent encore les étendues alors que la récolte est depuis longtemps ramassée. Cette attention vise sans doute à sauver les arbres de la sécheresse qui sévit depuis des mois dans cette Drôme souvent torride en été.
Sainte Jalles marque la fin de la descente. Ce que j’aperçois du profil de la route qui mène au col de Soubeyrand me laisse présager de bonnes suées à venir. Nous l’avons, les uns et les autres déjà gravi plusieurs fois au cours de notre carrière de cyclo, mais pour ce qui me concerne c’était sans bagage…et j’étais plus jeune.
Dés le début la pente s’annonce sévère. J’ai de la peine à mettre en route au point de m’arrêter le temps de vérifier si rien ne frotte sur l’une des jantes de mon vélo. Je ne suis pas le premier à vivre ce sentiment d’un frein qui serait mal desserré et de faire tourner les roues à vide espérant y trouver la cause de sa difficulté à pouvoir avancer avec de bonnes sensations. Je dois me rendre à l’évidence. Le vélo n’y est pour rien. C’est donc le bonhomme qui rame !!!!!
Du braquet, je sais en avoir en réserve depuis que j’ai fait monter un triple de V.T.T qui descend jusqu’à 22 dents. Derrière j’ai un 26, de quoi voir venir. Depuis cet aménagement, je me sens plus serein quant aux combinaisons que me permet ce matériel. L’expérience, le plaisir de voyager sur des routes rendues aux cyclistes depuis la fin des vacances m’amènent rapidement à reprendre pied. De lacet en lacet, me voila à Tarentol, petite localité à mi-chemin du sommet. Entre temps j’avais rejoint Patrick, non grâce à mes jambes retrouvées, mais à sa conduite dont j’en devinais l’attention.
Un figuier dont les branches offrent généreusement ses fruits en bordure de route le fit s’arrêter. Pour ne pas risquer d’en perdre l’ardeur qui me restait et le souhait d’en finir avec Soubeyrand, je laissais Patrick à sa cueillette. C’est ainsi et après qu’il m’ait rattrapé, grâce également à quelques figues qu’il me servait tout en roulant, que j’en finissais avec cette ascension. La suite immédiate ne me posait alors plus de problème. Je sais que la descente nous mènera à Rémuzat. Je sais l’espoir d’un bon repas au restaurant, antérieurement repéré. Je sais animer en moi ces pensées de nature à me remettre du baume au cœur.
Dans les derniers lacets du Col de Soubeyrand......Je suis devant....
De G à D : Bernard . Partrick . Hubert.
Avant de descendre....je m'habille.
Le restaurant fut à la hauteur de ce que nous en attendions. Le repas fut bon et servi avec la grâce et le sourire d’une jeune fille fort sympathique. La pose, si elle me permit de refaire le plein d’énergie ne me remit pas les jambes à neuf. Dès le départ, la vallée de L’Oulle nous remonte jusqu’à La Charce par un pénible faux plat.
Le château de la Charce
Le vent s’était levé et comme un fait exprès il nous venait de face. Rapidement je fus à la peine. La digestion peut être, la digestion !!!. Vint ensuite le début du col de Prémol qui sans être raide présente des pentes bien au-delà de la dénivellation que nous venions de grimper.
*Establet, Bellegarde en Dios……. où l’année dernière à la même saison nous sommes venus tous les quatre y faire, entre autre, un col muletier. J’avais pour l’occasion ressortie ma randonneuse 650 de Valèro montée sur des pneus de 32 de section. C’est lourd à tirer, mais ils assurent une bonne adhérence sur le sol instable des chemins. Sur ce vélo, le confort et la sécurité s’y trouvent sans nul autre pareil.
"Ma Valéro". Présentée ici en situation minima de sacoches lors d'un précédent passage.
J’aime rappeler l’existence de cette randonneuse sur laquelle j’ai effectué mes plus beaux voyages. Je lui dois cette reconnaissance. J’aime dire d’elle qu’elle est ma Rolls à moi.
Dans Prémol, et par je ne sais quel artifice, je retrouvais enfin de bonnes sensations. Cependant ne vous imaginez pas me voir devant. Non, comme depuis le départ de ce matin je suis en queue de peloton. Mais je vis ce bien être qui vous place en situation d’harmonie avec votre machine et la force nécessaire qui vous permet de tourner les jambes dans un effort qui ne vous est pas douloureux. J’avançais dans la semoule quand, comme pour me garantir de ce mieux être, à mi-chemin du sommet je reconnu l’arrière du vélo d’Hubert.
Diable!!!, est-ce possible ?. Je le remontais petit à petit avec la certitude de pouvoir le rejoindre. Presque arrivé à sa hauteur l’écart s’est stabilisé….pour ensuite s’agrandir à nouveau.
L’explication à ce phénomène peut se lire dans le "non écrit" de son compte-rendu. En fait je venais d’être la victime de son rétroviseur de guidon. Grâce à ce traite de circonstance, le bougre m’ayant vu revenir dans sa roue lança une estocade qui m’en fit tomber les bras ….et ramollir les mollets au point de reperdre pied.
Amis lecteurs n’attendez pas de commentaire de ma part….je n’en fais pas…..pour le moment !!!!!
La route prend à nouveau de la pente. Le vent de face m’oblige à utiliser la presque totalité de mes couronnes arrières. Il ne me reste en ultime secours que le 26 dents.
Remis de ce coup de Trafalgar et n'ayant pas pu rejoindre Hubert, je m'en allais mille réflexions au bout des lèvres vers ce qui restait mon objectif. Je restais bien dans mon allure. J'étais bien à tout point de vue. J'étais bien….tout court.
Le vent se fait de moins en moins rasant. Il est pour moi le signal de la fin de la côte. Venant du versant opposé à celui que je monte, le sommet fait à son souffle, office de tremplin. Il se rabattra à même le sol plus loin et viendra gêner d’éventuels cyclistes, qui voudraient plus tard en découdre avec le Sieur de Prémol.
Deux silhouettes, tels des pèlerins dont le contour se fait de plus en plus précis, me permet de reconnaître Bernard et Patrick. Ont-ils été envoyés par Hubert le repenti ?
Se sont-ils auto-désignés pour venir accompagner sur les dernières longueurs du col la brebis laissée sur le bord du chemin deux kilomètres plus bas ?
Je n’en saurai rien !
Si je suis au sol......c'était pour cadrer ma photo.
Côté nord, où nous descendons, la pente parait encore plus raide. Ouf !!!!, content de l’avoir fait dans ‘’le bon sens ‘’. La route serpente entre bois et rochers. Le paysage est davantage montagnard que celui rencontré sur l’autre versant.
Dans la descente du col de Prémol : Le hameau de Jonchéres.
En bas du col, nous attendons Patrick qui avait dù s'arrêter pour prendre des photos. Nous étions là pour lui indiquer une variante conduisant à Luc en Diois et dont je croyais tenir là le terme de cette première étape.
Sans doute emporté par la vitesse, concentré sur sa trajectoire, nous nous sommes vus écartés de son champ de vision. Au même titre, les appels d'Hubert et les sifflets stridents de Bernard ne lui sont pas parvenus aux oreilles alors qu'il nous passait devant le nez. Décidés à rentrer dans la ville par la déviation repérée par Hubert sur la carte, les retrouvailles s'opéreront dans la rue principale de Luc en Diois.
Arrivé à Luc en Diois, je pensais être enfin à la porte de la douche, devant la table de la salle à manger et, pour plus tard, au pied de mon lit. Non, je n’y croyais pas et pourtant c’était vrai…….nous n’y étions pas encore.
Le gîte, me dit Hubert, il est sur la route du col de Cabre, après le Saut de la Drôme. Que venais-je d’entendre là... col?…Je bannissais ce mot.
Image du Chaos de la Drôme.
*Le site du Saut de la Drôme est le résultat d’un effondrement d’une partie de la montagne qui en 1442 obstrua la rivière, la déviant de son cours originel. Deux lacs sont le résultat du séïsme.
Avant de rejoindre le bercail du jour, c’est là que nous fîmes la pose du ‘’demi frappé’’ au sirop de pêche.
La fatigue, la pente dépassant les 10% sur les deux kilomètres qui nous restaient à parcourir après avoir quitté la grande chaussée en direction de Cabre me firent interpeller le propriétaire du gîte. En effet, comme il existe les minutes de coiffeurs, qui comme chacun le sait sont à rallonges, je trouvais la distance indiquée sur le panneau n'ayant pas de fin. Sans état d'Âme, j’accusa son indication d’être mensongère tellement je n'en voyais plus la fin !!!!!.
Ceci dit, cette halte est a recommander…….à la condition de ne pas se présenter au pied de son ascension à vélo et cuit pour ce qui concerne vos forces à pouvoir pédaler !!!!!
Hubert devant le gîte.
***Note : Vous l’aurez compris, les remarques que je poste à l’encontre d’Hubert sont à ranger dans le domaine du jeu…quoique…..
En fait, et s'il me laisse prendre en charge par Bernard et Patrick, c'est à cause de sa sensibilité. Je pense en effet qu'il ne souffre pas de me voir en difficulté. Je prends donc cette attention pour une marque d’égard à mon endroit !!!!!
*Pour les détails de cette fameuse journée, se rapporter à la rubrique de mes randonnées cyclos :
Sixième étape de mon ‘’Thonon-Trieste’’ : Le grand jour.
A suivre prochainement : Luc en Diois Serres...... par le col de .....Miscon